Une chose que cette année a pu montrer dans notre beau pays est une déshumanisation de la vie publique et du discours sans retenue. On en vient à oublier toute convenance lucide, toute forme de tenue et de bienséance. La violence verbale est à tous les niveaux, l’insulte facile et gratuite s’est érigée en contre-arguments, l’outrage est devenu si commode qu’on est surpris d’avoir une interaction courtoise. Cet affaissement moral, j’en veux pour preuve des réactions sur lesquelles je suis tombé suite à la disparition de la mère du Doyen des juges d’instruction, Oumar Maham Diallo, coordonnant les huit cabinets
d’instruction auprès du Tribunal de grande instance de Dakar.

Entre des médias en ligne qui ont cherché à jouer dans le registre «putaclic» avec une titraille ambiguë pouvant faire croire à la disparition même du juge, aux déversements d’insanités de pauvres pourceaux, on ne peut mesurer l’ampleur du mal.

Cet événement des plus malheureux qu’est la perte d’un être cher a été vu par de vils esprits et des âmes sombres comme un moment pour vider toute leur bile sur le magistrat. Au vu des dossiers sur la table du juge Diallo, il est évident qu’il n’a pas que des amis dans ce pays, mais on ne pourrait qualifier l’indignité de personnes se réjouissant du malheur d’autrui.

Internet sous nos cieux a le don d’avoir ouvert toutes les valves de la méchanceté pour inonder d’aigreur et d’insolence les ruisseaux dans lesquels nagent les petites âmes. Se réjouir des morts de quelqu’un, c’est sans doute oublier qu’à la tontine de la vie, le gros lot inévitable n’est que le trépas pour nous-même et tous ceux qui nous sont chers. Danser quand d’autres gens
sont éprouvés, c’est oublier que la vie est assez juste en termes d’échanges équivalents et que tous auront leurs lots de journée de désespoir, de déception et de peine.

Tenter de cracher sur les tombes d’illustres hommes ou de leurs proches, en dit beaucoup sur la nature et la profondeur d’âme d’une personne. Les pauvres âmes qui portent des cadavres dont parlait si bien Héraclite sont nombreuses dans notre pays, car pensant que leur moralité, leurs préoccupations et visions sont les seules qui se valent. De tels esprits obtus ne peuvent que cracher leur mal sur tout. Les foyers religieux qui ne cessaient de jouer dans la complaisance ont eu ces derniers jours un regard net sur une dynamique désacralisante de tous les symboles qu’on n’a de cesse de décrier dans ces colonnes.

On ne pourra pas me dire que les malotrus qui ont eu les pires mots à la disparition du juge Samba Sall l’année dernière et qui ont embrayé pareil lors de la perte d’un proche par le Haut-commandant de la Gendarmerie nationale, le Général Moussa Fall, auraient un atome de décence dans leurs âmes.

Ils excellent dans le jeu des bêtes blessées, carburant à la haine de tout ce qui leur est plus grand, plus digne et plus noble. Ils n’ont que le nivellement par le bas pour exister et voudraient voir tous se chamailler avec eux dans les caniveaux. C’est peine perdue, des gens comme le Doyen des juges Oumar Maham Diallo continueront à garder la tête haute et resteront des remparts solides de nos institutions. Le concert des hyènes et le ballet des vautours ne feront que les conforter davantage dans leur liberté d’esprit et leur action consciente pour servir le Sénégal du mieux. Derrière les hommes que d’aucuns pensent combattre, il y a des colonnes d’autres esprits avec le même
idéal du Sénégal, de la protection de ses valeurs et de la défense sans concession de sa République.

Une partie de la Société civile sénégalaise, après un cycle d’errements, décide enfin de revenir à la raison en s’insurgeant contre les injures, les manipulations et la politisation à outrance dans toute notre vie publique, avec son initiative Mesure.

On leur rappellera que leur duplicité et jeu trouble ont grandement conduit à cette situation. Entre politiciens encagoulés et chevaux de Troie de propagande politique, ils ne pourraient s’absoudre si facilement des péchés qui souillent toute notre vie publique. Osons croire que leur engagement est, cette fois-
ci, sincère, et qu’il n’est pas motivé par la seule volonté d’exister et de se dresser en interlocuteur en vue de prochaines échéances politiques. S’il y a des choses à enterrer avant d’attaquer la nouvelle année, ce sont tous les habits politiques
dont se drapent nos acteurs de la Société civile. Un cimetière ne pourra être plus grand