Suite à l’incident à l’aéroport de Casablanca où l’ancien président de la République Macky Sall a subi une agression de la part d’une compatriote, notre «gros calibre» de ministre des Affaires étrangères, de par son courrier à l’ambassadeur du Sénégal pour tirer d’affaire cette dame, est un précédent dangereux.

Notre diplomatie a fait le choix de donner caution à l’agression et à la violence contre un ancien Président. Cette attitude dangereuse et indigne ne doit pas nous laisser indifférents. En filigrane, Madame Yassine Fall a pris fait et cause pour une Sénégalaise contre un autre Sénégalais. Cela rompt d’avec le principe d’égalité de traitement de tous les citoyens, sauf si les nouvelles autorités auraient déchu Macky Sall de sa nationalité sénégalaise sans qu’on ne le sache.

La célérité avec laquelle notre «gros calibre» s’est inscrit pour porter assistance à cette compatriote au comportement de voyou, est sans précédent. Une démarche déplorable qui rabaisse davantage notre diplomatie, qui était dans un passé très récent de haut niveau et très respectée par les pairs. Aujourd’hui, nous sommes en train de devenir une vulgaire diplomatie, incapable de prendre de la hauteur. D’ailleurs, Madame Yassine Fall aurait mieux fait d’aller porter secours à nos compatriotes partis en quête d’avenir meilleur, et qui sont perdus dans le désert du Sahel. Quid de l’assistance à ces centaines de Sénégalais gardés dans les geôles de pays tiers ? Par ailleurs, disons-le tout net, la gouvernance de Macky Sall n’a pas été des plus paisibles pour l’opposition, notamment pour le parti Pastef, même si ce dernier n’a pas été irréprochable aussi. Plusieurs dérives de part et d’autre ont été relevées et dénoncées. Il n’est point besoin de revenir sur les violences subies entre 2021 et 2023, sauf si l’on souhaite revenir sur la scandaleuse loi d’amnistie qui nous prive de vérité et de Justice. Cependant, cela ne justifie en rien que les gens continuent à s’invectiver, et que le gouvernement se fasse promoteur de cette violence. D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que de par ce comportement, les autorités sénégalaises font le choix de gouverner le pays dans la tension et la division systématique, sinon systémique, au regard aussi des atteintes à la liberté de mouvement des dignitaires de l’ancien régime.

Et d’autres citoyens, comme Monsieur Madiambal Diagne, qui n’ont rien à voir avec la gestion des affaires publiques, ont été privés de leur droit de voyager. Il faut dénoncer ce comportement digne d’un Etat voyou. Aussi, en sachant que, par voie de conséquence, la violence appelle la violence, le gouvernement ne doit pas s’imaginer que les personnes agressées et humiliées au quotidien vont éternellement rester sans réaction face à leurs agresseurs. C’est pourquoi, en tant que républicain convaincu, j’appelle les autorités à s’inscrire dans la voie de l’apaisement de l’espace politique et laisser la Justice être le moteur de la régulation sociale. En démocratie, le débat contradictoire est le moteur de sa vitalité. Comme le disait Rousseau : «renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme», donc aucune pression ou intimidation ne nous fera renoncer à cette liberté de ne pas être d’accord avec les gouvernants. Il faut par conséquent «gérer» nos contradictions avec élégance et en gentlemen. Et certaines règles comme l’élégance républicaine ne sont pas inscrites dans les textes. Ce sont les acteurs politiques qui doivent s’en saisir et en faire un sacerdoce, une ligne de conduite permanente.

La culture de la haine n’est qu’un facteur de violence généralisée et incontrôlée. Il est temps de désarmer les cœurs et de se mettre au travail. Il est de la responsabilité première des tenants du pouvoir de s’inscrire dans cette dynamique. Nous ne voulons pas continuer à être «un peuple qui mange beaucoup de (pain) violences».
Pape Bocar DIALLO – Diplômé en Droit et Science Politique
Spécialité Conduite et Evaluation des Politiques Publiques
Université Sorbonne Paris Nord/Villetaneuse