Jeté dans le monde universitaire, l’étudiant(e) est comparable à un oiseau qui a perdu ses ailes, loin de ses parents, il perd ses repères. L’espoir de la réussite se pointe de loin à l’horizon tandis que sous ses pieds, se glisse la galerie des difficultés quotidiennes. Plusieurs types de questions gonflent sa pensée. Comment réussir au sein de cet univers ? Suis-je vraiment capable de supporter toute cette nouvelle responsabilité qui pèse lourdement sur mes frêles épaules ? Hier, il était censé étudier et étudier seulement. Aujourd’hui, il doit étudier et se nourrir, étudier et se loger, étudier et se débrouiller tout seul au milieu de toute cette foule ayant les mêmes soucis. Pourquoi est-il abandonné dans ce territoire inconnu ? La société braque son regard sur lui, et la pression sociale s’élève de jour en jour. Il faut que je réussisse est devenu sa formule matinale. Le voilà emporté par une foule de questions qui le rongent quotidiennement. La société le pousse à aller au-delà de ses limites. Oui, la société fixe toujours les règles du jeu, et l’avoir se pointe au-dessus de l’être sous les regards approbateurs des masses. «Si tu as, tu es ; si tu n’as pas, tu n’es pas.» Faut-il opter d’être ou d’avoir ?
Notre avenir ne dépend-il pas de ce choix problématique ? Je choisis d’être, répliqueront certainement mes lecteurs. Mais objectera-t-on toujours : «être» sans avoir, est-il vraiment être ? Une manière de répondre à la question se trouve dans la pensée de ceux-là dont le slogan est : «Barça ou Barçakh.» La pression sociale est telle qu’ils ne peuvent pas «être» sans «avoir» et quelle que soit leur dignité. Il ne faut donc point s’étonner lorsqu’ils essaient d’«être» en bravant les vagues de la mer au prix de leur vie. Si être est la visée de tous, l’avoir est devenu la voie qui s’y mène. L’ambition d’une cité fondée sur des principes et des valeurs a cédé le pas à celle d’une cité où l’avoir et la richesse dictent les manières d’être. L’étudiant est au centre de cette problématique et ne sait plus où aller. Doit-il chercher le savoir ou la richesse ? Peut-il viser les deux en même temps ? Comment satisfaire la demande sociale et sa propre demande ?
Nous sommes tous embarqués et nous ne pouvons plus nous évader des réalités sociales. Se battre pour réussir est la raison pour laquelle nous nous mouvons tous les jours. Qui ose ne pas se battre ? Même dans la nature, l’antilope la moins rapide se lève tous les matins en disant que je dois courir plus vite que le plus rapide de tous les guépards pour survivre. Et le guépard le moins rapide dira, à son tour, que je dois courir plus vite que l’antilope la plus rapide pour survivre. Ainsi, peu importe ! Que vous soyez antilope ou guépard, vous êtes obligé de courir, de vous battre pour survivre ou réussir pour espérer enfin considération et vous tailler une place dans la société. Le désir naturel de posséder, de réussir est une volonté commune, me semble-t-il, aux sages et aux fainéants. Mais qu’est-ce que vraiment une vie réussie ? Question très évidente pour le commun des mortels, mais très équivoque au point de faire danser les grands esprits.
Cheikh TOP
Prof de philo au lycée de Diawara
Tel 778953977