Ils ont en commun l’aphorisme. Mais, lorsque Nietzsche philosophe marteau à la main, c’est truelle au bout de la plume que Dr Massamba Guèye livre ses aphorismes. Son livre en regorge. «Viatique pour se muscler la tête» a été présenté.Par Moussa Seck – 

Les salles de musculation pullulent. Hommes et femmes s’y retrouvent pour tailler la silhouette à coups de squat, si ce n’est en soulevant du fer. Ailleurs, sur les corniches et autres pistes qui permettent une fluide marche, les randonnées s’organisent. On se muscle, on sculpte son corps. Et la tête, est-ce une partie du corps humain qui se muscle ? Si, dira Dr Massamba Guèye ! Avec quoi donc ? Celui qu’on surnomme «la bouche de l’Afrique» proposera sûrement un viatique ! Condensé dans un livre ? Et pourquoi pas ! Dr Massamba Guèye a d’ailleurs de la sorte agi. Un ouvrage, un Viatique pour se muscler la tête. Et la bouche de dire, ou sa plume d’écrire, ou les bouches des artistes présents lors de la cérémonie de présentation d’énoncer ce qu’a pensé la bouche et écrit la plume du docteur… Les artistes donc de transmettre ce qui s’est dit dans le viatique !  Vérités ! Vérités parmi lesquelles, celle-ci : «Ne refuse pas de tourner la page. N’aie pas peur, saute le pas. Si tu ne quittes pas la chaise sur laquelle tu es assis, jamais tu ne t’installeras dans le fauteuil qui t’attend. Les pessimistes te diront que tu n’y arriveras pas parce qu’eux-mêmes n’y arrivent jamais. Tu n’es pas eux. N’accepte donc d’être ni le réceptacle de leurs échecs ni le reflet de leur fatale carence.» Les voix s’élevaient, se croisaient, s’estompaient et se taisaient, venant d’ici et de là, dans le spectacle de cette troupe qui lisait des passages de l’ouvrage présenté ce 26 juillet au Musée des civilisations noires.
Dr Massamba Guéye, duquel plusieurs témoignages disent apprendre à chaque fois qu’il se prononce, fera savoir, dans un autre passage, avoir appris de plusieurs. Des héros vivants de l’Equipe nationale A de football, par exemple. Ce qu’il transmet en ces termes : «J’ai appris de Aliou Cissé que c’est dans la durée qu’on construit les avenirs solides. J’ai appris de Sadio Mané que l’échec est le début de l’apothéose. J’ai appris de Bamba que la jeunesse n’est pas une tare mais un atout. J’ai appris de Mendy que le calme est une force. J’ai appris de Kalidou qu’un leader ne panique pas. J’ai appris de Kouyaté que l’expérience est un talent. J’ai appris de Ciss que l’audace est une arme efficace. J’ai appris de Diao que mettre les autres en valeur, c’est aller à sa propre victoire.»  Paroles utiles : mille applaudissements !

Le Sénégalais peut mieux dire, faire et être : «nay rafet»
Et, viatique pour se muscler la tête est «un bouquin qui se vend lui-même», prédit Abdoulaye Diallo, directeur de Harmattan Sénégal. Aussi est-il vrai qu’à la seule séance de dédicaces, l’opération musculation des têtes a eu un satisfaisant lot d’adhérents. Pour ne pas dire que les exemplaires se sont vendus comme des petits pains. A en croire Habib Léon Ndiaye, l’ouvrage de celui que certains appellent Mass vient à son heure. A l’heure où, dit le Secrétaire général du ministère de la Culture et du patrimoine historique, il faut penser à «renforcer notre résilience d’un point de vue cognitif». A l’heure où il faut dire et répéter : «Parole futile, tais-toi s’il te plaît.» A l’heure où il ne faut cesser de rappeler, avec le professeur Djiby Diakhaté, lui aussi présent au Musée des civilisations, que «la pire des dictatures est celle des es­prits». A l’heure où il est constaté, comme rappelé par Dr Guèye, qu’«au Sénégal, on ne débat plus, on s’insulte». Parce que, dénonce-t-il avec cette facilité d’énoncer par l’image qu’on lui connaît, «il est plus facile pour un footballeur de faire un coup franc que de prendre techniquement le ballon de son adversaire». L’argument ? L’absence d’arguments, précisément….
Et sans doute, l’un des arguments majeurs de la bouche de l’Afrique a été de souligner que «la démission des parents est un crime social». Phrase dite dans une voix qui résonne dans une assemblée de conquis. Mais l’auteur a tenu à répéter par trois fois l’argument ci-dessus. Il y avait les petits, les jeunes, les adultes, les parents, les grands-parents : peut-être est-ce un plaidoyer. «Comment être équilibré, définir sa vie, avoir un cap ?», «comment, face à l’échec, comprendre que chaque échec est une porte vers la réussite, comment ne pas abdiquer ?», «exister par les autres et exister pour les autres», «apprendre qu’en détruisant l’autre, on s’autodétruit». Les principaux thèmes autour desquels s’articule le viatique. Comme pour revisiter le chapitre «Individu et société», que le docteur philosophe avec des aphorismes ! A la Nietzsche. Mais notre parolier philosophe à la truelle et non au marteau. Consolider et non tout exploser façon dynamite, c’est sans doute plus proche de «nay raffet». Monsieur nay rafet est pédagogue. Comme pour châtier en faisant rire. «Seuls les citrons se pressent», ironise le viatique. Et, puisque le viatique se traduit par le viatique lui-même, Mass écrit ailleurs l’écho de la punchline du citron : «Personne ne peut rien contre le destin de personne.» En effet…