Le bien est beau et la poésie est belle. Quoi alors de plus logique que de perpétuer le bien par le beau ? Rennie Yotova a, elle, fait le pari de perpétuer le bien par le beau. «La Perpétuation du Bien» est le titre de son recueil illustré par l’artiste Momar Seck.Par Moussa Seck –

Des rayons colorés ! Des livres d’enfants ! Une librairie. D’autres livres, décorés seulement de lignes ! Pas d’enfants, peut-être, et d’idées ! Ceci et cela : et le propre des librairies est d’ouvrir leurs rayons à tous les rayons de soleil de la littérature. Quand en outre, la librairie se nomme Aux 4 Vents, elle ne peut qu’être la confluence de différents souffles. Le souffle de ce 21 novembre est poétique. Et ce souffle, lui-même, est con­fluence de vents : le recueil de poèmes écrit par Rennie Yotova a été illustré par le peintre, l’artiste plasticien et sculpteur Momar Seck. Et Mme Fatimata Ba Diallo de Jean-Mermoz, venue avec ses lycéens, n’a pas manqué de trouver le mot-compte-double : «livre-pont», a-t-elle dit ! Parce qu’il est mariage de cultures (auteure bulgare, illustrateur sénégalais) ! Parce qu’il est métissage d’arts ! Parce qu’il est «Per­pétuation du Bien». Un «B» majuscule, bien évidemment ! Et pour un grand bien, bien sûr !

Le titre du recueil est d’autant plus symbolique pour son auteure, qu’il est éponyme à un des poèmes qui le composent, et qui raconte «l’histoire d’un enfant qui ne sait pas lire, qui voit un livre, qui a envie d’apprendre à lire, qui est fasciné par le livre et qui demande à un adulte de lui raconter ce livre». Rennie Yotova est la déléguée de l’Organisation in­ter­nationale de la Franco­phonie à l’enseignement du français dans le monde. Et cette autre casquette aide à mieux saisir le sens de sa déclaration selon laquelle La Perpétuation du Bien est «un projet social». Un projet qui, d’ailleurs, commence à récolter des résultats. En effet, le 29 octobre 2023, 101 élèves en Cours d’initiation (CI) de l’école Mervi, à Bargny, ont pu recevoir un kit scolaire complet pour bien démarrer leur scolarité. Ces fournitures scolaires ont été acquises grâce aux revenus des ventes du recueil préfacé par le Dr Maguèye Touré (directeur de la Francophonie au Sénégal) et qui a accueilli la plume du critique d’art Dr Sylvain Sankalé, en postface. Perpétuation, ainsi, d’un bien social et droit universel qui est celui de l’éducation. Perpé­tuation, en outre, de motifs qui se répètent de part et d’autre des continents et qui démontrent une certaine universalité des valeurs.

Senghorienne, «au-delà de sa bulgarité»
«Un des thèmes qu’on retrouve dans le livre, c’est le thème des femmes résilientes. D’abord, j’ai rencontré beaucoup de femmes résilientes au Sénégal et en Afrique. Je suis admirative des femmes africaines. Je les trouve très courageuses. Je les vois très inventives, très créatives…» Ces femmes qui rappellent celles de Ndeer et leur héroïque histoire, et que Rennie admire autant que celles qu’elle a physiquement rencontrées. Et parce que Ndeer du Walo au Sénégal rappelle Kaliakra en Bulgarie. Là-bas aussi, des captives ont préféré le sacrifice au déshonneur. Le motif historique, partagé par des femmes de peuples aussi éloignés que différents, était trop illustratif d’un bien commun, l’honneur, pour n’être pas perpétué par les vers d’une citoyenne du monde. Et, «de ce point de vue, elle a essayé de relier des cultures, elle a créé une sorte de rhizome. Ce n’est pas seulement le Sénégal et la Bulgarie : c’est l’humanité en chacun d’entre nous», ainsi que commenté par M. Abdourahmane Djimera du Lycée d’excellence Mariama Ba. Et Pr Djimera de revenir longuement sur ce qui l’a convaincu du caractère universel de La Perpétuation du Bien. «Les textes qu’elle a écrits ne sont pas écrits à l’occidental. Nous avons l’habitude de voir les Occidentaux écrire des poèmes avec des rimes, avec des césures, avec les règles de versification. Mais, les peuples chantent. Tous les peuples chantent, mais tous les peuples n’ont pas la même façon de chanter. Et ce qui touche aux fibres de ceux qui écoutent les chants, ce sont surtout ces chants qui sont les leurs.
Alors, en relisant Mme Yotova, nous avions pensé que c’était une tubaab qui allait s’adresser à nous. Mais elle a choisi, de façon très profondément humaine, de nous parler en tant que Bulgare, mais au-delà de sa bulgarité, nous avons senti que ses textes avaient tout à fait un cachet et un rythme africains.» Et on entendra la plume de la docteure ès lettres bruire : «Je parle toutes les langues et toutes les langues me parlent.» Et sa lyre fredonner : «Les cordes de la kora s’accordent au rythme du cœur !» Et on entend là l’universalité, et partout à travers ce recueil qui parle français, chante en wolof, avertit en anglais, transmet en allemand…Tout ça, soulignera la poétesse, parce que «l’avenir de l’humanité, c’est le métissage» ! Tout ça, souffle-t-elle aux lycéens venus l’écouter et venus voir les textes illustrés se prêter au jeu de la représentation théâtrale, parce que «le bien est contagieux dans le sens positif du mot». La Perpétuation du Bien alors, par la poésie, et poétisation du Bien pour sa perpétuation… Tous ces ponts jetés entre les cultures et «ce foisonnement de mots d’origines diverses témoigneraient quelque part d’une quête de la poésie, de tous les poètes», qui est de créer «une langue unique pour tous les pays». «Et cette langue, c’est la langue du cœur. Et c’est ce cœur-même qui palpite en chacun de nous. Si vous voulez découvrir l’humain, au-delà de la raison, ce qui nous lie nous tous, c’est ce que nous ressentons». Parole du professeur Djimera…