«Le tourisme ne crée même pas un emploi par chambre au Sénégal.» Mamadou Pouye Tita remet en cause beaucoup de certitudes dans son ouvrage «Le Tourisme au Sénégal. Radioscopie d’un secteur», qui a été présenté samedi dernier à Bargny.Par Alioune Badara NDIAYE – 

«Contrairement aux autres secteurs dont la vitalité est régulièrement commentée, étudiée avec minutie et profondeur à travers de nombreuses publications, le tourisme, lui, souffre d’un véritable marasme documentaire.» Tel est l’avis de Youba Sambou sur le livre de Mamadou Pouye Tita, titré Le tourisme au Sénégal Radioscopie d’un secteur. Titulaire d’un Diplôme d’études supérieures spécialisées en tourisme et enseignant à l’université Iba Der Thiam de Thiès, l’auteur a rappelé que l’ouvrage de 177 pages, structuré autour de deux chapitres, bien que s’insérant dans la doctrine de souveraineté déclinée par le nouveau régime, demeure une réflexion entamée depuis de nombreuses années. «Dans ce livre, Mamadou Pouye a voulu ratisser le plus large possible. Il procède à une véritable radioscopie du secteur, interrogeant ses points névralgiques avec une précision clinique», a encore posé M. Sambou en préface. A travers le livre, c’est en effet un cliché bien différent de ceux faisant entrevoir une embellie d’un secteur pourvoyeur d’emplois et 2ème source de revenus avec une contribution de 7 à 8% du Pib que l’auteur présente. «Les chiffres qui sont souvent donnés sur le secteur du tourisme sont avancés de manière gratuite, sans aucune base scientifique. C’est de l’approximation», a posé, samedi, M. Pouye, à l’occasion de la présentation du livre à la Médiathèque Abass Ndione de Bargny. «On nous fait croire que le tourisme au Sénégal est un secteur qui emploie beaucoup d’individus, ce qui est absolument faux. A l’épreuve des faits, on se rend compte que le ratio d’emplois au niveau du tourisme tourne autour de moins d’1% par chambre. Donc le tourisme ne crée même pas un emploi par chambre au Sénégal», a-t-il cité en exemple, assurant que les éléments évoqués dans l’ouvrage reposent sur du factuel. En plus du manque de données précises qui pouvait être évité en se servant du compte satellite du tourisme, instrument avéré et pertinent de mesure au niveau international, l’auteur pointe aussi l’orientation touristique privilégiée au Sénégal et n’ayant pas profité au pays. Le focus, à l’en croire, doit être mis sur notre patrimoine, nos mythes et spécificités propres pour un tourisme au service du développement. «Le tourisme, c’est aller à la découverte, aller voir comment l’autre vit, quelles sont ses spécificités (…) ce n’est pas de venir et de se retrouver dans le même décor, dans les mêmes conditions de vie. Quand vous regardez un peu le tourisme ici, on a comme l’impression que c’est le mode de vie occidental qui est le tourisme, ce qui ne doit pas être le cas», a-t-il dit, exhortant à une rectification. «Nous devions justement donner à ces gens-là qui viennent chez nous, l’opportunité de découvrir nos modes de vie, nos modes d’habitat, nos spécificités, nos richesses au niveau naturel, au niveau de la biodiversité, au niveau des écosystèmes», a dit l’auteur, mettant en exergue le site de Nder qui n’est pas exactement localisé. «C’est quelque chose de très important qu’il nous faudrait matérialiser, pour peu que l’on sache que c’est là que ça s’est passé, pour nous faciliter l’accessibilité», a-t-il exposé. «Voilà comment on met en tourisme, un site. On crée un produit, et autour de ce produit, différents éléments, et une activité économique se développe», a-t-il décliné, incluant sur ce registre notre façon de manger «autour du bol» comme autre élément à valoriser. «Jubbanti Tourisme, c’est tout ce que dit le livre», a ainsi résumé, lors des échanges, le Professeur des universités Babacar Guèye, appelant les autorités à s’approprier cet ouvrage pour une trajectoire plus dynamique du secteur.
abndiaye@lequotidien.sn