Les ventes de livres ont enregistré une hausse spectaculaire de 19% en 2021, par rapport à 2019. Une très bonne nouvelle pour les libraires, qui disent avoir senti un sursaut à l’issue du premier confinement.
Les pires crises apportent parfois de belles surprises. La hausse spectaculaire de la vente de livres en France en 2021, en est une après deux ans de pandémie. Une augmentation de 19% par rapport à 2019, selon le Syndicat national de l’édition (Sne). «On a senti une hausse dès la sortie du confinement, et c’est resté très spectaculaire jusqu’au mois de juin dernier. C’était la plus grosse année que j’ai vue de ma vie», abonde Marie-Rose Guarniéri, libraire parisienne des Abbesses (XVIIIe), qui tempère tout de même en indiquant un retour à une courbe «honnête et solide», depuis le mois de septembre.
La libraire explique ce «sursaut» de 2021 par l’expression d’un attachement des Français aux librairies, notamment avec la polémique autour de leur désignation comme commerces «non essentiels» lors des premiers confinements. Marie-Rose Guarniéri dit avoir vu défiler des clients qu’elle ne voyait plus, s’empresser de lui témoigner leur soutien, et multiplier les achats pour le prouver. «Des achats de classiques, de romans, qui selon moi, prouvent le réel attachement des Français à ce qui me semble être une liberté fondamentale», détaille la libraire. «Il y a eu comme une prise de conscience : la fermeture a rappelé aux gens qu’ils avaient besoin de cette proximité avec le livre.»
Devant son établissement, au pied du Sacré-Cœur, Leona, 72 ans, feuillette quelques ouvrages pour enfants exposés sur des tables colorées. Cette grand-mère aux yeux bleus, masquée de gris et emmitouflée dans un petit manteau d’hiver, est en quête d’un nouveau livre pour sa petite-fille, une «dévoreuse de livres». Elle aussi confirme avoir beaucoup lu cette année, «sûrement parce que j’étais seule chez moi», et parce que cette solitude lui pesait à cause de la pandémie. Il y a aussi la fatigue de la télévision et de ses programmes rediffusés en boucle.
«Je pense aussi que, dans ce moment d’isolement, il y a eu une saturation des autres médias qui a fait retrouver aux gens le goût du livre, je dirais même une faim du livre qui permet de creuser plus en profondeur, à l’intérieur de soi», analyse Marie-Rose Guar­niéri. La libraire salue aussi l’instauration du pass culture, doté de 300 euros et disponible pendant mois pour les personnes âgées de 18 ans. Une initiative qui a rajeuni selon elle, la clientèle de son établissement. Et même si 80% des ventes liées au pass l’ont été pour des mangas japonais, la libraire a été impressionnée par certains choix : «Des livres d’art, des beaux livres, des choses qui donnent envie de lire.»
Son seul regret : la concentration des ventes autour de certains auteurs. Ce que l’on constate bien dans les cinq meilleures ventes de 2021 données par le Figaro : dans l’ordre, Astérix et le Griffon (Albert René), l’Anomalie de Hervé le Tellier (Gallimard) qui a remporté le Goncourt 2020, deux romans de Guillaume Mus­so, la Vie est un roman (LGF) et l’Inconnu de la Seine (Calmann-Lévy), et Tout le bleu du ciel de Mélissa Da Costa (Lgf). «On a besoin de donner plus d’espace à d’autres livres, peut-être un peu plus exigeants, pour élargir la curiosité des gens», glisse-t-elle. Une tâche peut-être difficile, mais qui offre une belle perspective, après une décennie qui n’offrait pas un très bel avenir aux métiers du livre.
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