L’observateur Ibrahima Fall s’observe très mal

S’appuyant sur les dernières décisions des juridictions compétentes (Conseil Constitutionnel, Cour Suprême, etc.) concernant le processus électoral au Sénégal, l’ancien candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2012, Monsieur Ibrahima Fall, fait 19 observations dont la teneur peut être consultée en suivant le lien : https://www.seneplus.com/opinions/parrainage-electoral-quelques-observations
Nous proposons ci-après une analyse facile de lexicométrie juridique et politique -Analyse de contenu du discours par le lexique- des sentences de M. Fall.
Observations du «professionnel du Droit public»
1. Dans les observations 13 et 14 relevant du Droit, le «professionnel du Droit public», Ibrahima Fall, n’arrive pas à établir le manque total de pertinence des décisions du Conseil constitutionnel. Dans les observations concernées, le «professionnel du Droit public» parle de «[remise] en cause de la pertinence» et du «caractère peu pertinent» des décisions du Conseil constitutionnel.
2. Il aurait été plus pertinent de la part de Monsieur Ibrahima Fall, d’énoncer que le Conseil constitutionnel n’a pas dit le Droit, plutôt que de se contenter de l’épithète «pertinent», qui n’est la propriété de personne.
3. Concernant la Cour de justice de la Cedeao, elle dispose de toutes les qualités dont parle, sans réserve, Ibrahima Fall. Pour autant, ladite cour ne peut se prévaloir de la compétence de se substituer à l’Assemblée nationale du Sénégal, seule habilitée à voter les lois, bonnes ou moins bonnes, pour le pays. Un très bref rappel du principe (universel) de la séparation des pouvoirs suffit à étayer l’incompétence en la matière de ladite cour.
L’affirmation d’une citoyenneté véritable est illusoire sans la séparation des pouvoirs et le respect des institutions qui découle d’une telle séparation.
Le précurseur, Montesquieu, dont l’universalité du principe phare ne se discute plus, prévint les sociétés politiques de son temps et des temps à venir contre la collusion -d’où proviennent les lois tyranniques exécutées tyranniquement- entre la «puissance législative» (l’Assemblée) et la «puissance exécutrice» (le gouvernement), contre le juge législateur doté de pouvoirs exceptionnels sur la vie et la liberté de chacun et contre le magistrat oppresseur aux ordres du pouvoir politique.
Au Sénégal, la collusion, plus facile à dire qu’à établir, entre les puissances législatives et exécutrices et le magistrat, dit oppresseur sans preuves irréfutables, fait couler beaucoup de salive et d’encre. Cette situation profite au juge législateur de la Cour de justice de la Cedeao voulant légiférer à la place des députés élus de l’Assemblée nationale du Sénégal, en demandant l’abrogation de la loi sur le parrainage lors de l’élection présidentielle et des élections législatives.
Abus de pouvoir inacceptable d’une cour dont les préposés à l’examen des lois électorales ont manifestement besoin d’une bonne séance de renforcement des capacités en matière de séparation des pouvoirs.
Observations de l’acteur politique
Pour le reste des observations (15 à 19) de M. Fall, la politique prend toute sa place. Cela montre que l’observateur Ibrahima Fall s’est présenté de manière incomplète. La meilleure des présentations de celui dont tous les Sénégalais connaissent l’engagement politique passé et présent, serait bien celle-ci :
«En ma triple qualité de citoyen, de
professionnel du Droit public et
d’acteur politique…»
La «neutralité axiologique», chère à Max Weber, le lui impose pour qu’aucun autre citoyen ne soit induit en erreur pour cause de dissimulation d’un titre tout aussi honorable que celui de «professionnel du Droit public».
Conclusion
S’agissant du «professionnel du Droit public», la prudence est manifeste, attestant de la complexité du sujet de Droit et de l’humilité qu’il requiert.
Sur l’humilité, Ibrahima Fall n’est pas bon donneur de leçons puisqu’il se substitue à l’Assemblée nationale du Sénégal et aux juridictions nationales et internationales.
Au citoyen et acteur politique, tout est permis. C’est le mérite de notre régime, permissif, des libertés publiques.
En définitive, l’observateur Ibrahima Fall observa tout le monde en oubliant de s’observer lui-même.
Et si chacun s’observait sérieusement avant d’observer l’autre ! Nous vivrions mieux au Sénégal dans une démocratie apaisée, en faisant de la politique activement, à l’occasion seulement des grands rendez-vous politiques ou pas du tout.
Abdoul Aziz DIOP
Politologue
Lexicométricien
Spécialisé en Analyse de contenu du discours Essayiste
Ancien porte-parole du M23
Membre du Secrétariat exécutif national (Sen) de l’Alliance pour la République (Apr)
Conseiller spécial à la présidence de la République