Il y a 50 ans, le fondateur de la «Ummah islamique Aïnou Salam» Cheikh Ousmane Sountou Badji et le Vatican jetaient, avec la bénédiction de sa Majesté le roi Hassan II du Maroc, les germes du dialogue islamo-chrétien aujourd’hui en vogue sous nos cieux. Un geste matérialisé par la remise par le vénéré guide religieux du Fogny du saint Coran à sa sainteté le Pape Paul VI le 16 juillet 1969 au Vatican. Et un geste dont la dimension et les contours ont été revisités à l’occasion de la ziarra annuelle de la Ummah islamique Aïnou Salam, célébrée le mercredi 16 juillet 2019 à Sindian.

L’histoire n’a pas pris une ride. Parti de Sindian, Cheikh Ousmane Sountou Badji avait pris son vol à Dakar qui l’a conduit au Maroc auprès du roi Hassan II. Sur place, il lui remettra officiellement un exemplaire du saint Coran édité en or et qu’il cédera par la suite, le 16 juillet 1969, au Pape Paul VI au Vatican. Ainsi à travers ce geste, la Ummah islamique Ainou Salam et le Vatican venaient, selon les proches du vénéré guide, de matérialiser un vœu cher du Pape Jean 23 qui était de voir le rapprochement de nos religions par un dialogue islamo-chrétien. Une démarche du Cheikh Ousmane Sountou Badji dont l’objectif était, entre autres, estiment ses proches, de combattre l’ignorance mutuelle et les préjugés qui régissent les relations entre musulmans et chrétiens, le fanatisme et l’obscurantisme souvent associés au monde musulman, la recherche d’une communication positive entre les deux communautés qui devraient faire du dialogue interreligieux une étape primordiale pour la découverte de l’autre. Après qu’il a remis le saint Coran au Pape Paul VI solennellement au nom de la Ummah islamique, Sountou Badji demanda au souverain pontife de lui accorder la permission d’évoquer le nom de Dieu comme s’il était dans une mosquée. Volontiers le Pape avait accepté. C’était le 16 juillet 1969 au Vatican.
Le guide Cheikh Ousmane Sountou Badji et le Pape Paul VI s’accordent l’idée d’une prière commune retenue entre chrétiens et musulmans, la construction d’une mosquée à Rome, l’implantation des missions diplomatiques des pays musulmans auprès du Saint-Siège, l’ouverture d’une ambassade du Royaume chérifien au Vatican toujours sur demande de Cheikh Ousmane Sountou Badji.
La ziarra annuelle de ce guide religieux, tenue ce mercredi à Sindian et qui a mobilisé cette année encore des milliers de fidèles venus de toutes les régions du Sénégal, de la sous-région et du continent européen, a coïncidé avec cette rencontre historique entre Cheikh Sountou Badji et le Pape Paul VI. «Cet événement témoigne de l’ampleur de cet anniversaire, de la dimension et de l’œuvre de Cheikh Ousmane Sountou Badji, précurseur de l’islam dans le Fogny et dans la Casamance et grand artisan du dialogue islamo-chrétien devenu une réalité dans notre pays en général et en Casamance en particulier, région qui abrite des cimetières mixtes de musulmans et chrétiens», soutient Ansou Sané, directeur général de l’Anrac.
Plus de 3 ans après la disparition du guide religieux, les témoignages sont unanimes. Al Ousseynou Gassama, natif de Sindian, inspecteur de l’éducation à la retraite, décrit un «homme hors du commun». «Le Cheikh n’a jamais contraint quelqu’un, n’a jamais eu un discours violent. Il a toujours prôné le dialogue et surtout le dialogue entre les hommes, entre les cultures», a-t-il soutenu. M. Gassama rappelle qu’il a réussi à assainir la pratique islamique dans cette localité où la foi se mêlait aux rites traditionnels. «Il a ainsi permis aux jeunes d’apprendre et de maîtriser le Coran, puis de le vulgariser. Et ce n’est pas étonnant que 50 ans après on puisse célébrer la remise de ce Coran au Vatican», note-t-il.
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