Loi «interprétative» : Omar Youm solde ses comptes avec Birame Soulèye

L’ancien ministre des Forces armées, Omar Youm, s’adresse au ministre de l’Energie, du pétrole et des mines Birame Souleye Diop, en lui demandant ce qui expliquerait que le régime actuel ait opté pour une loi interprétative relative à la loi d’amnistie, en lieu et place d’une loi d’amnistie totale. Aujourd’hui, ceux qui parlent d’une loi interprétative, selon Omar Youm, ont sollicité de l’ancien Président Macky Sall que cette loi d’amnistie soit votée, contrairement à l’idée avancée disant qu’ils ne sont pas demandeurs.Par Amadou MBODJI
– Omar Youm s’adresse au ministre de l’Energie, du pétrole et des mines Birame Soulèye Diop, en demandant ce qui a entre-temps changé pour que le régime actuel se détourne de l’abrogation de la loi sur l’amnistie en optant pour une loi interprétative. Alors que le camp du pouvoir actuel avait sollicité à l’endroit du Président Macky Sall, cette loi d’amnistie, contrairement à ce qui a été avancé, disant que le régime actuel n’a pas été demandeur. «Pourquoi cette justice sélective ? Une discrimination qui rompt manifestement l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Monsieur le ministre, vous savez que je sais qui a demandé, docilement, après s’être aplati devant le Président Macky Sall, la loi d’amnistie et bien d’autres faveurs…», argumente l’ancien ministre des Forces armées.
«Le débat que je pose est à ce niveau. Vous dites que vous étiez contre la loi d’amnistie. Dont acte ! A présent que vous avez les moyens de l’abroger comme vous l’aviez promis, dites-nous qu’est-ce qui vous retient ? Pourquoi ne pas abroger cette loi conformément à vos engagements pris au plus haut niveau de votre gouvernement ?», soutient Oumar Loum.
«Birame bulma taxa wax… entendrez Birame ne me poussez pas à parler», déclare Omar Youm. Et ce dernier de déceler un «toilettage funeste» derrière l’option d’une loi interprétative.
«La loi d’amnistie est-elle devenue subitement une bonne loi au point de vouloir lui apporter, en lieu et place de l’abrogation promise, un toilettage funeste ? Cette proposition vide la loi interprétée de tout son sens originel de pardon intégral mais aussi impartial. Elle rompt ainsi avec la portée générale de la loi et son caractère impersonnel. Elle tente un exercice inique de tri sélectif entre les Sénégalais, pour distinguer les bons, c’est-à-dire ceux qui, dans votre logiciel sont de votre camp, et les autres que vous prenez soin de mépriser», argumenté l’ancien ministre des Forces armées sous Macky Sall, avant de fustiger la réponse servie par le ministre de l’Energie et du pétrole. «Votre réponse maladroite est l’aveu d’une duplicité abjecte entre l’Exécutif dont vous êtes membre et le Législatif porteur de cette hideuse loi d’«interprétation», qui n’est rien d’autre qu’un recel pur et simple de malfaiteurs. En effet, à travers cette proposition de loi interprétative, vous n’avez qu’un seul objectif : mettre sciemment à l’abri de toutes poursuites, les auteurs d’infractions délictuelles et criminelles de votre camp», accuse Oumar Loum. Ce dernier voit derrière cette loi une manière de légitimer un droit à la réparation en faveur des «casseurs» lors des manifs au plus fort de la tension politique de 2021 à 2024. «A l’Assemblée nationale, j’ai préféré dénoncer les crimes commis contre la République et les valeurs qu’elle incarne. En revanche, je ne vous ai jamais entendu dénoncer ou, tout au moins, regretter les violences et les exactions…», souligne-t-il.
«Dans la même inconséquence, vous essayez de leur apporter une «assistance» en régularisant, indûment, une «réparation», le motif principal de la proposition de loi. En effet, il est dit dans la proposition de loi que «la présente loi ne préjudicie ni aux droits des tiers ni aux droits des victimes à une réparation», argue-t-il. Et Omar Youm de se lancer dans une série de questionnements.
«Aviez-vous besoin d’ajouter ce droit «à la réparation des victimes» dans la proposition de loi interprétative ? Qui sont ces victimes ? Peut-on être victime sans être un tiers aux événements amnistiés ? Où est la cohérence ? L’amnistie pardonne et efface des faits délictuels et/ou criminels dont les auteurs échappent ainsi à toute sanction pénale. Ce pardon accordé aux auteurs de ces faits n’est-il pas suffisant ? Pourquoi de surcroît accorder une «réparation» à des auteurs de faits amnistiés ? Osez-vous soutenir une telle démarche, après avoir appelé urbi et orbi, dans l’opposition comme depuis un an au pouvoir, à l’abrogation pure et simple ?», s’interroge M. Youm. Avant de livrer une réponse en ces termes : «C’est ce qu’on appelle avoir le beurre et l’argent du beurre, autrement dit bénéficier de ses propres turpitudes ; commettre des délits et se faire indemniser…»
«Vous ne nous dites pas par quelle alchimie des auteurs de faits délictuels peuvent obtenir réparation pour ces mêmes faits dont ils sont responsables. En réalité, la supercherie est connue ; vous êtes démasqués. Vous cherchez juste à régulariser un mécanisme d’indemnisation illégitime et scandaleux, qui méprise toutes les règles et tous les principes du droit de la réparation au Sénégal», glisse-t-il.
«Cette démarche illicite», selon Youm, est «mue uniquement par des considérations politiciennes, constitue un précédent dangereux. Nous vivons dans un Etat organisé et régi par des textes de loi que vous devez apprendre à respecter».
Député de Pastef, Guy Marius Sagna, qui salue cette initiative du député Amadou Bâ, a fait des amendements de cette proposition de loi portant interprétation de la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024.
Il faut savoir que la commission technique qui devrait s’y pencher est prévue le 21 mars et la plénière le 2 avril.
ambodji@lequotidien.sn