Après son adoption en Conseil des ministres du mercredi 30 juillet 2025, le projet de loi sur le statut et la protection des lanceurs d’alerte est en passe de se transformer en réalité législative, ce 18 août prochain. Jimmy Kandé, directeur de la Plateforme pour la protection des lanceurs d’alerte en Afrique francophone (Pplaaf), salue cette avancée, mais alerte sur plusieurs limites.Par Ousmane SOW –

 De la parole à l’acte ! Comme l’avait demandé, lors du Conseil des ministres du 17 avril 2024, le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye au ministre de la Justice, un projet de loi garantissant la protection des lanceurs d’alerte a été adopté ce mercredi 30 juillet. Et ce projet de loi n°13/2025, arrivé le 6 août à l’Assemblée nationale, sera examiné en session plénière extraordinaire le 18 août prochain, aux côtés d’autres textes d’envergure dont celui portant réorganisation de l’Ofnac, la loi sur l’accès à l’information publique et celle sur la déclaration de patrimoine. Ainsi, le Sénégal, qui amorce un tournant dans la protection de la liberté d’expression et de la transparence, devra veiller à ce que ce texte ne se transforme pas en coquille vide.

C’est quoi un lanceur d’alerte ? C’est une personne qui divulgue des informations sur des actes illégaux, illicites ou portant atteinte à l’intérêt public, en particulier ceux dont elle a été témoin dans le cadre de son travail, explique la Plateforme pour la protection des lanceurs d’alerte en Afrique francophone (Pplaaf), qui a mené le combat un peu partout en Afrique pour leur reconnaissance.

Jimmy Kandé salue l’initiative, mais alerte
Contacté par Le Quotidien, Jimmy Kandé, directeur de la Pplaaf, salue cette initiative du gouvernement, mais alerte sur plusieurs limites. «C’est un combat que nous menons depuis très longtemps», rappelle-t-il. Selon lui, les nouvelles autorités avaient clairement affiché leur volonté de doter le pays d’un cadre protecteur pour les lanceurs d’alerte. «C’est une très bonne nouvelle», insiste-t-il. Mais à la lecture du texte, le directeur de la Pplaaf exprime plusieurs réserves. Il salue une loi «prometteuse», mais juge certaines dispositions insuffisantes au regard des standards internationaux. «Nous pensons qu’il y a encore des éléments contenus dans cette loi qui doivent être modifiés et d’autres qui doivent être carrément retirés pour que la loi puisse vraiment répondre aux standards internationaux», affirme-t-il. Jimmy Kandé note par exemple que le champ d’application du texte semble trop restreint. «L’esprit de cette loi semble se limiter à des questions liées à la corruption ou aux infractions économiques», regrette-t-il, tout en appelant à une ouverture vers d’autres domaines.
«Lorsqu’on parle de lanceurs d’alerte, on doit avoir un champ d’action beaucoup plus large, touchant aussi des questions environnementales, sanitaires ou relatives aux droits humains», plaide-t-il.

Autre point d’inquiétude pour lui, la reconnaissance de certaines catégories de personnes comme lanceurs d’alerte. Le projet de loi inclut en effet la notion de «prête-nom», c’est-à-dire des individus impliqués dans des montages financiers douteux ou du blanchiment de capitaux. «Nous pensons éthiquement que ce n’est pas quelque chose qui doit se faire. Ces dispositions peuvent se retrouver dans des législations sur le blanchiment ou la corruption, mais pas dans celle des lanceurs d’alerte», tranche-t-il.

Jimmy Kandé se montre néanmoins satisfait d’un autre volet du texte, celui qui prévoit une protection élargie aux accompagnateurs des lanceurs d’alerte, notamment les Ong, les collectifs ou les individus impliqués dans le soutien à la dénonciation. «Lorsqu’on parle de protection des lanceurs d’alerte, elle ne se limite pas seulement à la personne du lanceur d’alerte. Elle va également au-delà, car les représailles peuvent toucher les membres de sa famille ou des personnes qui lui sont proches», explique-t-il, tout en insistant sur la nécessité d’un dispositif de protection réellement global. Enfin, Jimmy Kandé rappelle que la figure du lanceur d’alerte est souvent mal comprise. Dans un entretien précédent, il précisait : «Un lanceur d’alerte, ce n’est pas un politicien qui va dénoncer des malversations, ni celui qui crie sur les réseaux sociaux. C’est toute personne travaillant dans une organisation et témoignant d’activités illégales qu’elle décide de dénoncer pour y mettre fin, et cela pour des motifs raisonnables.»

A rappeler également, selon l’article premier du projet de loi, un lanceur d’alerte est «une personne physique qui, dans le cadre de ses activités professionnelles, signale, communique ou divulgue de bonne foi des informations relatives à la commission ou à la tentative de commission d’actes portant sur un crime ou un délit financier, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation de violation affectant la gestion des finances, tant dans le secteur public que privé».
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