La capitale togolaise accueille, du 16 au 18 décembre 2025, la 14ème Réunion annuelle du partenariat de Ouagadougou (Rapo). Sous le thème de l’accélération du financement domestique, les dirigeants et partenaires internationaux ont sonné l’alarme. Face à la baisse de l’aide extérieure, les Etats membres doivent désormais financer eux-mêmes la santé sexuelle et reproductive pour garantir leur souveraineté.

Par Alioune Badara CISS (Envoyé spécial) –  L’heure n’est plus aux simples déclarations d’intention, mais à l’action budgétaire. C’est le message fort qui est ressorti de la cérémonie d’ouverture de la 14ème Réunion annuelle du partenariat de Ouagadougou (Rapo), hier à Lomé. Dans un contexte de contraction et de raréfaction des financements internationaux, les neuf pays membres du Partenariat de Ouagadougou (Po) se retrouvent au Togo pour définir les stratégies d’un engagement dura­ble en matière de Droits et santé sexuelle et reproductive (Dssr).
Lors de l’ouverture de cette cérémonie, Mme Elise Kakam, représentante de l’Unfpa (Fonds des Nations unies pour la population), a alerté sur l’urgence d’un changement de modèle, en plantant  le décor d’une transition inévitable. Selon elle, si le partenariat a permis des progrès historiques depuis 2011, les acquis sont aujourd’hui mis à rude épreuve. A l’en croire, dès 2026, les donations internationales de produits de Planification familiale (Pf) diminueront progressivement. «En 2027, cette réduction sera plus accentuée pour les pays jugés capables de mobiliser des ressources do­mestiques, comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal», a-t-elle prévenu. Mme Kakam a exhorté les Etats à anticiper cette  souveraineté financière en utilisant des mécanismes comme le match-fund, où chaque dollar national investi permet de débloquer un dollar additionnel des partenaires.
Pour Mme Marie Bâ, coordonnatrice de l’Unité de coordination du partenariat de Ouagadougou (Ucpo), le choix de Lomé pour cette 14ème édition est un hommage aux progrès du Togo. Elle a qualifié le thème du financement domestique de  profondément politique, au sens de la maîtrise de son propre destin. «Allons-nous subir ces changements ou les transformer en opportunités de leadership ?», a-t-elle interrogé l’assemblée. Pour la directrice de l’Ucpo, la planification familiale doit être protégée dans les arbitrages budgétaires nationaux, car elle est le socle de l’autonomisation des femmes et du dividende démographique. L’objectif reste ambitieux, il doit atteindre 13 millions d’utilisatrices additionnelles de méthodes contraceptives d’ici 2030.
L’ancien Secrétaire général adjoint de l’Onu et figure emblématique de la santé mondiale, Dr Michel Halama Sidibé, a prononcé un discours empreint de franchise et de vision stratégique. Selon lui, l’Afrique est à un «moment de bascule». «Si l’Afrique ne finance pas la santé de ses enfants, personne ne le fera pour nous», a-t-il martelé, fustigeant la dépendance prolongée qui fragilise les systèmes nationaux. Pour Dr Sidibé, la planification familiale ne doit plus être vue comme une politique de «contrôle des naissances», mais comme une «infrastructure de développement». Il a introduit le concept de «souveraineté démographique», affirmant qu’un Etat qui ne maîtrise pas sa dynamique démographique affaiblit sa capacité à éduquer, employer et gouverner.
En ouvrant officiellement les travaux de cette 14ème Rapo, le ministre togolais de la Santé, de l’hygiène publique, de la couverture sanitaire universelle et des assurances, M. Jean-Marie Koffi Ewonoulé Tessi, a réaffirmé l’engagement du Togo. Sous l’impulsion du Président Faure Gnassingbé, le pays a déjà intégré la planification familiale dans ses réformes de Cou­verture sanitaire universelle. «La planification familiale n’est pas un luxe, mais un pilier du développement durable, au même titre que l’éducation ou l’agriculture», a déclaré le ministre. Il a également  souligné que le financement domestique ne consiste pas seulement à augmenter les budgets, mais à affirmer une priorité nationale pour réduire les inégalités sociales.
Ainsi, durant trois jours, les délégations plancheront sur des solutions concrètes telles que le plaidoyer budgétaire, l’implication du secteur privé et les innovations financières. La Rapo 2025 de Lomé pourrait bien marquer l’histoire comme le sommet où l’Afrique de l’Ouest francophone a choisi de passer d’une logique de dépendance à une logique de responsabilité totale.
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