«Des enquêtes indépendantes sur les violences survenues lors des manifestations des 9 et 10 février 2024 !» C’est la demande de Human Rights Watch. Cela fait suite au décès de «deux jeunes hommes et d’un garçon de 16 ans, des dizaines de personnes blessées et au moins 271 personnes arrêtées». Dans un communiqué, Human Rights Watch estime que «les autorités devraient libérer toutes les personnes détenues pour avoir exprimé leurs opinions politiques, garantir le droit à la liberté de réunion et mettre fin aux agressions contre les journalistes». Un avis partagé par la chercheuse Ilaria Allegrozzi, qui suggère que «les autorités devraient contrôler les Forces de sécurité, enquêter sur les personnes impliquées dans les abus et les tenir responsables».

Human Rights Watch a précisé que «les Forces de sécurité avaient dispersé des centaines de manifestants et d’autres citoyens autour de la Place de la Nation, tirant à bout portant des balles réelles et en caoutchouc, et des gaz lacrymogènes. Modou Guèye, 23 ans, a été abattu à bout portant par un gendarme et est décédé à l’hôpital Principal le 10 février des suites de ses blessures. Un proche de Guèye a déclaré que celui-ci vendait des vêtements et qu’il ne manifestait pas». Human Rights Watch a examiné le dossier d’hospitalisation de Guèye, qui indique qu’il est décédé des suites de blessures «dans la région thoraco-abdominale» causées par une «arme à feu». L’Ong a pris le témoignage de plusieurs manifestants. Elle a aussi constaté à Mbour, Mbacké, Tivaouane, Touba, Saint-Louis et Ziguinchor, que «les Forces de sécurité auraient également eu recours à une force excessive pour disperser les manifestants». A cet effet, Human Rights Watch a précisé ceci : «Alpha Yéro Tounkara, un étudiant en géographie âgé de 22 ans, est décédé le 9 février lors de manifestations dans une université de Saint-Louis, dans le Nord du pays.» Le 10 février, le ministre de l’Intérieur a déclaré dans un post Facebook qui a ensuite été supprimé, que «le procureur de la République a été prié de mener une enquête pour déterminer les causes et les circonstances du décès», mais que les Forces de sécurité «ne sont pas intervenues sur le campus universitaire où le décès est survenu».

Toutefois, a affirmé Human Rights Watch, les médias ont cité des témoins et des sources médicales, judiciaires et universitaires affirmant qu’un gendarme a tiré sur Tounkara dans l’enceinte de l’université. «Toute enquête sur la mort de Tounkara ne devrait pas être influencée par les déclarations de responsables gouvernementaux», lit-on dans le communiqué. Qui est aussi revenu sur la mort de Landing Diédhiou. «Cinq de mes amis ont été blessés par balles réelles ; l’un d’eux, Landing Diédhiou, a été touché à la tête et est décédé des suites de ses blessures environ une heure après que nous l’avons transporté à l’Hôpital régional», a recueilli le témoignage d’une personne présente lors des faits.

Par ailleurs, Human Rights Watch a affirmé avoir déjà documenté le recours excessif à la force par des Forces de sécurité sénégalaises, notamment des tirs à balles réelles et l’usage abusif de gaz lacrymogène, pour disperser les manifestants, en mars 2021 et juin 2023. Au moins 37 personnes ont été tuées lors d’affrontements violents depuis mars 2021, sans que personne ne soit tenu de rendre des comptes. Fort de ce constat, l’Ong a affirmé que le «Droit international des droits humains et la Constitution sénégalaise protègent le droit à la liberté de réunion et d’expression, et interdisent le recours excessif à la force par les responsables de l’application des lois (…) les responsables de l’application des lois ne peuvent recourir à la force que proportionnellement à la gravité de l’infraction, et que le recours intentionnel à la force meurtrière n’est autorisé que lorsque cela est strictement inévitable pour protéger la vie».
Par Malick GAYE  – mgaye@lequotidien.sn