Dès que de nouveaux médicaments ou vaccins sont jugés sûrs ; nous pouvons alors en entendre parler, mais malheureusement des mois, voire des années peuvent passer avant qu’ils n’atteignent certains pays. Nous entendons souvent les patients demander pourquoi il n’y a pas plus d’essais cliniques en Afrique. Ceux-ci sont également victimes de médicaments contrefaits et de moindre qualité, une «industrie» de 30 milliards de dollars en Afrique, responsable d’un trop grand nombre de morts, souvent les plus jeunes, et de manière prématurée. Pour couronner le tout, les hommes politiques et les entreprises demandent souvent que davantage de médicaments ou de vaccins soient fabriqués localement.
Une partie de la solution est pourtant juste devant nous – et il suffirait que des gouvernements comme le Botswana, Djibouti, la République Démocratique du Congo, le Gabon, le Nigeria, le Sénégal ou la Zambie rejoignent les huit pays qui ont déjà ratifié l’Agence Africaine du Médicament. Zimbabwe est le dernier pays à signer pour la ratification du traité – et d’autres doivent suivre l’exemple. Cet organisme panafricain, qui a déjà deux ans de préparation derrière lui, doit être mis en place rapidement afin que les 1,35 milliard d’habitants du continent puissent disposer d’un organe capable de rationaliser le système d’approbation des médicaments et des vaccins. Il contribuerait également à contrôler le commerce de faux médicaments en vente libre ou à l’arrière des magasins. L’Agence faciliterait les essais cliniques panafricains. Et elle pourrait, comme l’Agence du Médicament en Europe, encourager la création de clusters d’activités de l’industrie pharmaceutique, tant locaux qu’étrangers, sur tout le continent. L’Afrique importe jusqu’à entre 80 et 90% de ses médicaments, contre 5 % en Chine et 20 % en Inde. Elle a clairement besoin d’une plus grande autonomie en termes d’approvisionnement de médicaments à tous les citoyens africains, comme l’a souligné la pandémie.
Alors si la solution est là, qu’est-ce qui retarde les choses ? Voilà ce que plus des 40 des plus grandes organisations représentant les patients, les partenariats de développement de produits et le secteur privé de la santé ont demandé aux décideurs de l’Union africaine. Cet appel a été suivi par une session spéciale lors de la conférence Africaine africaine sur la Santé.
La pandémie a gravement perturbé la vie sur le continent et ailleurs. Le Covid-19 est devenu le point de mire des gouvernements et des autorités de santé publique. Et, bien sûr, tous les pays ne peuvent pas signer ou ratifier un traité de cette envergure par décret présidentiel ou ministériel. Les sessions parlementaires qui sont nécessaires à cet effet ont souvent été reportées ou annulées.
Néanmoins, l’Ua dans son ensemble doit envoyer un signal : l’Agence Africaine du Médicament doit devenir opérationnelle. Elle a l’occasion unique de devenir l’un des systèmes de réglementation les plus efficaces et les plus modernes au monde. Comme l’a dit le Dr Margaret Agama-Anyetei, responsable de la santé, de la nutrition et de la population à la Commission de l’Union africaine, la pandémie du Covid-19 souligne la nécessité pour l’Agence, qui travaillerait en étroite collaboration avec les Centres africains de contrôle des maladies, de diriger la réponse du continent face à la pandémie : ««Une fois qu’un vaccin aura été développé ou que des traitements efficaces auront été trouvés, l’Agence, si elle est créée dans les années à venir, pourrait mener des discussions avec la communauté mondiale sur l’accès à des médicaments et vaccins de qualité«.»
En mai 2003, l’Assemblée mondiale de la santé a approuvé la convention-cadre de l’Oms pour la lutte antitabac, qui avait été ratifiée par 194 pays au moment de son entrée en vigueur, seulement 21 mois plus tard, en février 2005. ««Elle est devenue depuis l’un des traités les plus rapidement et les plus largement adoptés de l’histoire des Nations unies… un jalon pour la promotion de la santé publique qui a apporté de nouvelles dimensions juridiques à la coopération internationale en matière de santé«, », déclare l’Onu.
Nous devons maintenant faire preuve d’autant d’ambition. La ratification est vitale, et pas seulement à cause de la pandémie de du Covid-19. Il existe d’autres raisons impérieuses, notamment la confiance que l’Agence Africaine du Médicament contribuera à restaurer dans les systèmes de santé du continent.
Kawaldip SEHMI,
Pdg, International Alliance of Patients Organisations