La lutte contre le Vih/Sida n’est pas une sinécure dans les régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. En plus des prévalences élevées, ces régions font face aux phénomènes des perdus de vue mais aussi aux personnes, qui refusent leur statut sérologique. Ce qui rend difficile la réponse et porte un coup à l’atteinte des objectifs.
Kolda, Sédhiou, Ziguinchor. Trois régions, un tableau Vih presque identique. Elles présentent des taux de prévalence alarmants comparés à la moyenne nationale. (0,5% contre 2,4% à Kolda, 1,1% à Sédhiou et 1% à Ziguinchor). La stratégie des trois 90 est certes mise en œuvre pour atteindre l’objectif zéro infection d’ici 2030 mais elle bute sur le phénomène inquiétant des perdus de vue. C’est-à-dire des personnes vivant avec le Vih/Sida qui, pour des raisons multiples, décident d’abandonner le traitement et le suivi médical pour se fondre dans la nature. Les prestataires et les acteurs de la lutte sont unanimes. «Ces personnes, si on ne les retrouve pas, peuvent annihiler les efforts entrepris dans ces trois régions», indiquent-ils, inquiets. Ils prennent très au sérieux ce phénomène qui gagne du terrain dans le Sud. Mouhamadou Souané, assistant social et gestionnaire de données, en compte 25 dans le district sanitaire de Sédhiou. A Kolda, le gestionnaire de données relève 48 perdus de vue.
Le Pavillon de traitement ambulatoire (Pta) de Ziguinchor enregistre pour sa part 3 cas. Dans cette région, explique l’assistant social, Jacques François Sambou, les mois de mars, avril et mai constituent les périodes où ils enregistrent le plus de perdus de vue. Car, dit-il, «ces mois coïncident avec la période de l’anacarde de l’autre côté de la frontière».
Ces données sont parcellaires et ne concernent pas toutes les structures des trois régions. Ce sont des données de routine d’un district ou d’un centre de traitement. Ce qui veut dire que globalement, le nombre de perdus vue dépasse de loin les données énoncées plus haut. Tout de même, ces chiffres donnent une idée de l’ampleur de ce phénomène dans ces régions. Le plus inquiétant pour les prestataires et les acteurs de la réponse, c’est que ces perdus de vue, une fois qu’ils arrêtent le traitement, peuvent transmettre la maladie car n’étant plus sous antirétroviral. Ce qui remet en question l’objectif zéro infection auquel notre pays s’est engagé.
En partenariat avec les acteurs communautaires, les prestataires s’organisent pour retrouver ces perdus de vue. Par le biais du téléphone, mais aussi du relationnel, ils arrivent à retrouver certains d’entre eux. «Pour certains malades habitant dans des zones éloignées, c’est le billet du transport qu’ils n’arrivent plus à payer, pour d’autres ce sont les bilans sanguins. N’ayant plus d’alternative, ils abandonnent tout bonnement le traitement», informe le gestionnaire de données du district sanitaire de Sédhiou. Les moyens constituent le principal motif d’abandon partout où nous nous sommes rendus dans les trois régions.
Des malades qui refusent leur sérologie
La parade à cette situation demeure les mutuelles de santé. «Les acteurs en partenariat avec certaines Ong, qui luttent contre la pandémie dans ces régions, commencent à enrôler les personnes vivant avec le Vih dans les mutuelles afin de leur permettre de pouvoir se prendre en charge pour les bilans sanguins», raconte Nourou Diallo, coordonnateur du projet Neema à l’Usaid.
Autre fait qui rend la réponse difficile, c’est l’attitude de certaines personnes. Jusqu’à présent dans cette zone, des personnes continuent de nier l’existence de cette maladie. «Parfois on dépiste une personne positive et elle vous dit non je ne suis pas séropositive. Cette maladie n’existe pas», témoigne Chérif Ibrahima Sané, Infirmier-chef de poste (Icp) d’Adéane dans la région de Ziguinchor. Présentement, l’Icp a un cas positif qui refuse son statut. «J’ai du mal à le gérer. Je suis en train de tout faire pour voir comment amener cette personne à la raison», souligne-t-il. Au Pta, également, Jacques François Sambou fait état d’une personne issue des groupes-clés, qui a été dépistée positive et qui refuse de se faire soigner. «Aux dernières nouvelles, cette personne se trouvait à Mbour. Elle disait qu’elle ne pouvait avoir le Vih dans son sang», relate l’assistant social. Des attitudes «irresponsables», qui remettent en question des efforts de lutte. Mais aussi des obstacles à la lutte. Or, ces régions sont spécifiques du fait de leur position géographique. Elles sont frontalières avec trois pays, la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry et la Gambie. Ce sont également des zones de forte mobilité avec des rencontres périodiques telles que l’organisation de gamous, les marchés hebdomadaires de la trempe de Diaobé, les fêtes comme Undo Mayo ou encore les rencontres culturelles comme les Bukot. Des activités qui mobilisent beaucoup de personnes et suscitent des comportements à haut risque malgré la sensibilisation et les campagnes de prévention menées sur le terrain par les acteurs de la lutte.
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