Lutte contre le vol de bétail à Kolda : Une association sous régionale exhibe des butins de combat

«Fouladou imano hoore ma» (Fouladou debout, en langue pulaar) est une association regroupant des éleveurs de la région de Kolda, de la Guinée Bissau et de la Gambie qui lutte contre le vol de bétail et pour la protection de l’environnement. En Assemblée générale, dimanche passé, dans la ville de Mampatim, dans le département de Kolda, le Bureau exécutif a révélé des chiffres relatifs au nombre de bêtes disparues et/ou retrouvées au courant de l’année 2024. Ces éleveurs ont aussi révélé de nouvelles formes de vol de bétail et de pillage des ressources forestières, préjudiciables à la pratique de l’élevage.Par Abdoulaye KAMARA(Correspondant) –
Les éleveurs de la région de Kolda et ceux de la région de Bassé en Gambie ont battu le rappel des troupes, dimanche passé, à Mampatim, chef-lieu de commune dans le département de Kolda, pour faire le point sur un an d’activités de l’Association «Fouladou imano hoore ma» (Fouladou debout, en langue pulaar) et faire part de leurs préoccupations de l’heure. Signe des temps, les vélos, les bécanes et charrettes tirées par des ânes ou des chevaux, traditionnellement utilisés en pareille circonstance, n’ont pas servi de monture à près de 200 invités.
Ils ont cédé la place à des motocyclettes, des tricycles et des voitures. La cour du Centre socio-éducatif «Catalugna» de cette localité a été littéralement remplie de ces engins des temps modernes. Dans son rapport moral, le président, Soumayé Baldé, a défini l’objectif de l’Association. Religieusement écouté par les membres de «Fouladou imano hoore ma», M. Baldé a informé : ««Fouladou imano hoore ma» a pour ambition de lutter contre le vol de bétail et d’œuvrer pour la préservation de l’environnement et de l’écosystème.» Il ajoute : «Toutes les actions que nous menons depuis 2023 sont en droite ligne avec les politiques publiques pour protéger notre environnement et lutter contre le banditisme transfrontalier.» M. Baldé a ainsi laissé la parole au Secrétaire général de l’association, Mamadou Seydou Baldé, qui a affiché des chiffres relatifs au vol de bétail dans la région de Kolda et à travers les frontières terrestres. Il a déclaré : «De novembre 2023 au 31 décembre 2024, il a été déclaré, au niveau de l’association, la disparition de 101 bovins. Nos recherches et contacts nous ont permis de retrouver et de remettre à leurs propriétaires 80 vaches, les autres ne sont toujours pas retrouvées. En ce qui concerne les moutons, 140 étaient déclarés perdus, leurs propriétaires, avec le soutien actif de l’association, ont pu retrouver 99, pour les chèvres, sur 33 disparues, 16 n’ont jamais été retrouvées.»
Ce n’est pas tout. L’association s’est débrouillée à ramener à la maison 24 chevaux sur 26 déclarés perdus, de même que 2 motos sur 5 perdues. Expliquant le mode opératoire de «Fouladou imano hoore ma», Mamadou Seydou Baldé a renseigné : «Quand un membre de l’association perd un bien, celle-ci loue les services de motos pour traquer les éventuels voleurs ou complices, et active les réseaux sociaux et ses collaborateurs au niveau des polices des frontières de la Gambie, du Sénégal et de la Guinée-Bissau. Ses émissaires n’auront de repos qu’après avoir épuisé toutes les pistes conseillées ou retrouvé les bêtes.» Il ajoute : «Quand la perte est subie par un éleveur hors association, celle-ci active ses réseaux d’informateurs et collaborateurs, et fait des publications au niveau de ses plateformes, mais se garde de dépenser un sou.»
Les transhumants à l’index
De nouvelles formes de menace pèsent sur la pratique de l’élevage dans le Fouladou, du nom de cette province qui regroupe la région de Kolda, une partie de la Guinée-Bissau, de la Guinée ainsi que le Sud de la Gambie. «Il s’agit, en premier, d’un vol sournois, déguisé, difficilement traçable», a dit Aliou Mballo, membre de «Fouladou imano hoore ma». Il explique : «C’est le fait d’éleveurs transhumants qui viennent souvent d’autres régions du pays. Nos petits ruminants intègrent souvent leurs troupeaux. Ils ne font rien pour les séparer de leurs bêtes et vont avec dans leurs déplacements, incognito.» Ce n’est pas le seul grief contre les éleveurs saisonniers dans la zone. M. Mballo poursuit : «Les nomades ne sont pas respectueux de l’environnement. Pour nourrir leurs bêtes, ils s’autorise un élagage systématique de variétés arboricoles protégées que les autochtones se privent de toucher. C’est le cas du Venn, du figuier et autres. Pire, ils laissent les branches sous les pieds des arbres qui, asséchées, en cas de feu de brousse, servent de bûcher au tronc ainsi débarrassé de ses feuilles.» Et puis : «Au moment où leurs animaux broutent les feuilles des arbres, s’ils sont perturbés par nos bêtes, ces nomades n’hésitent pas à les agresser à la hache ou au coupe-coupe. Nous n’allons pas nous faire justice, mais nous sollicitons la sécurisation de nos bêtes et de notre environnement contre les agissements de ces transhumants.»
Comme pièces à conviction, l’Association «Fouladou imano hoore ma» a fait circuler un album de photos avec des vaches et des moutons sanguinolents ou avec un coupe-coupe ou une hache enfoncé dans le dos ou le crâne.
Les solutions proposées par les éleveurs
Les éleveurs, membres de «Fouladou imano hoore ma», se sont séparés en soumettant des recommandations aux autorités étatiques pour que la pratique de l’élevage continue de nourrir les éleveurs. Le président Soumayé Baldé a proposé : «La vaccination systématique des animaux qui viennent d’ailleurs pour chercher de l’herbe humide dans la localité. Ils sont à l’origine de l’introduction, dans la zone, de certaines zoonoses. Les transhumants doivent déclarer, à l’entrée, le nombre de bêtes emmenées et en faire de même au retour. On pourra ainsi les empêcher d’être tentés par le vol.» De son côté, Amadou Mballo, éleveur du village de Badion, suggère : «Le marquage du bétail est essentiel pour en tracer les origines. Obliger les nomades à alimenter leur bétail exclusivement à l’herbe et non se permettre d’élaguer les branches des arbres qui sont interdits de coupe pour la plupart. Que tout mouvement d’animaux soit accompagné d’un laissez-passer, il faut créer des comités de veille dans tous les arrondissements et créer des réseaux pour la fluidité de l’information relative au vol de bétail.»
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