Lutte contre les addictions : L’Etat invité à asseoir une politique de réduction des risques liés aux usages de drogues

Le professeur Idrissa Ba, coordonnateur du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (Cepiad), a invité l’Etat à asseoir une politique de réduction des risques liés aux usages de drogues, visant à avoir une meilleure réponse aux addictions.
«Je pense qu’il y a des propositions sur la table du gouvernement depuis 2017 pour reformer la politique sur la drogue, pour avoir des lois qui encouragent les scientifiques ou les intervenants à s’investir sur le terrain pour la réduction des risques liés aux usages de drogues», a déclaré le psychiatre Ba.
Il animait une conférence de presse entrant dans le cadre de l’Académie addiction, organisée du 16 au 18 décembre au siège du Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls) par le réseau Addiris. «Cette approche est une manière de rencontrer les utilisateurs de drogues, de discuter avec eux par rapport aux risques, mais aussi voir comment ils doivent faire pour se protéger», a-t-il expliqué.
«Nous ne pouvons pas continuer à courir après ces problèmes. Ce qu’il nous faut, c’est vraiment changer de stratégie dans nos réponses», a insisté le spécialiste en addiction.
Il estime par ailleurs que la meilleure option qui s’offre à eux dans la lutte contre l’usage de drogues repose sur «les politiques de réduction des risques». «Nous ne pouvons pas parler de politiques de réduction des risques sans parler de lois. Nous avons une loi qui date de 1975. Et en 1977, on a réuni toutes les lois sous forme de Code des drogues. Ce qui fait qu’au niveau de la temporalité, il y a des choses qu’il faut essayer», a-t-il plaidé.
De plus en plus, a poursuivi le spécialiste, on parle de légalisation, de décriminalisation, mais surtout de régulation.
Le professeur Ba estime «qu’il faut réguler, faire face aux différents risques qui menacent les usagers, mais aussi la santé de la population». Dans cette perspective, Idrissa Ba a fait savoir qu’il y a «des propositions sur la table du gouvernement depuis 2017» qui ne demandent qu’à passer à l’Assemblée nationale.
Il a rappelé qu’avant la création du Cepiad, les drogues présentes étaient l’héroïne ou la cocaïne. «Mais vous avez vu qu’il y a d’anciennes drogues, comme le cannabis qui nous est tombé dessus, l’alcool, et maintenant il y a de nouvelles substances qui apparaissent comme le «volet». Donc, il nous faut nous adapter sans cesse», a indiqué le coordonnateur du Centre de prise en charge des addictions de Dakar.
Il précise en outre que le travail sur la réduction des risques liés aux usages de drogues a débuté depuis 2 ans. «Et pour la première fois, une quarantaine de personnes se sont réunies pour échanger sur leurs expériences au Sénégal», a-t-il salué.
Dakar, une zone de consommation et de production de certaines drogues
Le professeur Idrissa Ba, coordonnateur du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (Cepiad), a soutenu que Dakar est devenue une zone de consommation et de production de certaines drogues.
«Je ne sais pas si Dakar est une plaque tournante. Je ne le dirais pas, parce que je ne suis pas dans cette politique de répression. Ce que je sais, c’est que Dakar est devenue une zone de consommation, cela c’est sûr, une zone de vie, une zone même de production de certaines drogues», a révélé M. Ba, médecin spécialiste des addictions physiologiques et psychologiques.
«Le cannabis, on sait que c’est cultivé ici, etc. Certains médicaments de la rue, de plus en plus, et le Tramadol, vont surprendre les gens, parce que c’est consommé. En plus de nouvelles drogues qui émergent comme le «volet» qui est de l’ecstasy», a-t-il relevé.
Il y a aussi «des amphétamines qui surprennent de plus en plus. Et des cocktails de drogues qu’on appelle «couches» et dont on ne connaît pas l’intérêt», a-t-il signalé, appelant à mettre en avant l’approche de la réduction des risques liés aux usages de drogues.
Il s’agit d’une première étape, et d’autres vont suivre pour nous permettre d’implanter ces stratégies de réduction des risques, a-t-il fait valoir, suggérant d’analyser «ces produits qui circulent pour donner les bonnes informations dont nous ne disposons pas actuellement».
«Pour faire l’analyse de ces produits, il faut que la loi nous le permette. En tant que médecin, si on me trouve dans la rue avec du cannabis que je dois amener pour l’analyser, je vais être accusé de détention de drogue, etc. Donc, forcément, la loi doit évoluer», a soutenu le médecin psychiatre.
Le réseau Addiction et réduction des risques dus aux drogues (Addiris) regroupe 6 pays francophones : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, France, Canada, Sénégal et Suisse.
Aps