Les Maladies non transmissibles (Mnt), appelées également maladies chroniques, sont à l’origine de 45 millions de décès dans le monde chaque année, soit 74% de l’ensemble de décès de la planète (source Oms).
Sur l’ensemble des décès imputables aux Mnt, 77% se produisent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. La pauvreté étant étroitement liée aux Mnt, les initiatives de réduction de celles-ci dans les pays à revenu faible pourraient être entravées, notamment en augmentant les coûts des ménages associés aux soins de santé.
Pour minimiser l’impact des Mnt sur les individus et la société, il faut privilégier une approche à la fois holistique et multisectorielle pour réduire les risques et promouvoir des interventions visant à lutter contre ces maladies.
La détection précoce, le dépistage ainsi que les soins palliatifs sont les éléments-clés de la riposte face aux Mnt, lit-on sur le site de l’Oms.
C’est à ce niveau qu’il faudra mettre à profit la contribution potentielle des ressources de la Médecine traditionnelle dans la lutte contre les Mnt.
Entre la Déclaration de Dakar sur les Mnt du 15 août 2019 qui était marquée par une omission à la fois inexplicable et incompréhensible de la Médecine traditionnelle et celle émanant de la Conférence internationale sur les Mnt des 25 et 26 septembre 2023 où au point 9 des recommandations, on a relevé quand même une timide allusion à la médecine traditionnelle, témoignant tant soit peu d’une évolution timorée.
Or, comme l’a si bien affirmé la Déclaration de Dakar des 25 et 26 septembre, les Mnt représentent une menace grave pour la santé en Afrique et que la prévention reste possible pour alléger le fardeau économique des ménages et des Etats.
Devant l’ampleur de la situation, il faut mettre en avant la riposte communautaire en la plaçant au cœur de la lutte. Au Sénégal, aucun acteur communautaire, tel que défini dans le Document de Politique de Santé Communautaire, cadre de référence des interventions communautaires, ne doit être laissé en rade.
Il faut étudier les meilleurs moyens d’impliquer les acteurs communautaires et notamment les Praticiens de la médecine traditionnelle (Pmt) dans la riposte, comme par exemple dans la mise en œuvre des Initiatives à base communautaire (Ibc), avec des actions de prévention, de promotion et de sensibilisation. Pour cela, il faut les orienter, les capaciter afin qu’ils puissent être un lien utile avec les populations. Ne pas tenir compte de ce potentiel autant dans la prévention que dans la surveillance (détection et alerte précoces), ne nous parait pas judicieux ni pertinent.
Les Praticiens de la médecine traditionnelle (Pmt), sont respectés et écoutés dans leurs communautés. Ils appréhendent parfaitement le milieu et la culture où ils opèrent. Ils sont bien placés pour comprendre la dynamique de la santé au regard de l’Homme et de son environnement global. Les activités d’Iec doivent être orientées vers les Pmt, dans un esprit positif, car ceux-ci étant membres de leurs communautés, peuvent promouvoir des comportements favorables à la lutte contre les Mnt.
En reconnaissant que les Mnt constituent un problème majeur de santé publique et un fardeau socio-économique pour les communautés et les systèmes de santé, il urge donc d’agir pour freiner leur expansion et leur impact négatif par la prévention, la prise en charge des cas et la disponibilité des médicaments spécifiques qui, trop souvent, sont inaccessibles et inabordables, augmentant ainsi la morbidité et la mortalité, tout en appauvrissant les patients et les familles.
Dans ces circonstances, l’Afrique doit prendre conscience du développement des Mnt dans le continent et définir des mesures fortes pour développer des stratégies ciblées, commanditer des études socio-anthropologiques et ethno-médicales sur les usages des plantes médicinales pour le traitement des Mnt. Pour une fois, les Africains doivent prendre l’initiative pour promouvoir notre patrimoine thérapeutique et cesser d’être à la remorque des pays du Nord.
C’est fort de cela que l’Organisation ouest-africaine de la santé (Ooas) a mené plusieurs actions dont l’élaboration de deux pharmacopées des plantes médicinales de l’Afrique de l’Ouest. Ces outils, qui résument la base scientifique de quelques plantes communes (54) de l’espace communautaire, validés et adoptés par l’Oms/AFro, sont des documents de référence non seulement pour les pays de la sous-région, mais également pour toute l’Afrique. Il s’y ajoute l’inventaire des plantes médicinales à efficacité prouvée dont l’examen critique a abouti à la proposition de laboratoires sélectionnés et de 69 formulations. Le continent doit s’approprier ce travail qui entre en droite ligne de l’Agenda 2063 qui est le cadre stratégique de l’Afrique qui vise à atteindre son objectif de développement inclusif et durable.
L’Afrique, de par sa position géographique, dispose d’une flore riche et variée dont certaines sont endémiques au continent (plus de 33 000 espèces). Les plantes médicinales africaines concentrent des molécules originales dans leurs propriétés pharmacologiques, pharmacodynamiques et thérapeutiques. A titre d’exemple, la vincristine et la vinblastine, isolées de catharanthus roseurs ou pervenche de Madagascar, sont des anticancéreux qui ont fait² la preuve de leur efficacité thérapeutique.
D’après Proparco, une filiale de l’Agence française de développement, dans son rapport 2018 intitulé «Le médicament en Afrique : répondre aux enjeux d’accessibilité et de qualité», le continent produit moins de 5% des médicaments que consomment ses populations alors que 95% sont importés. Le coût extrêmement élevé de la prise en charge thérapeutique des patients souffrant de maladies chroniques déstabilise la situation financière de nos Etats, car les besoins en devises risquent d’atteindre des niveaux insupportables pour nos économies.
L’intensification de la recherche sur les Mnt, pour une meilleure compréhension des causes, des facteurs de risque et des meilleures pratiques en matière de prévention, doit s’orienter aussi sur les plantes médicinales réputées et dont les vertus thérapeutiques ont été démontrées.
Aujourd’hui, devant la gravité de la situation, il faut une approche à la fois holistique, participative, inclusive, pratique et pragmatique, basée sur l’humilité et le respect de l’autre. Eviter autant que faire se peut de considérer cette croisade contre les Mnt comme un domaine réservé à des experts et/ou spécialistes en mettant en avant tous les atouts dont dispose l’Afrique. Et parmi ces atouts, indéniablement il y a la Médecine traditionnelle et ses praticiens.
Alioune AW
Ancien Coordonnateur de la Cellule de Médecine Traditionnelle
Ministère de la Santé et de l’Action Sociale.
badou60@gmail.com