La lutte contre les Maladies tropicales négligées (Mtn) est sexospécifique, du fait que les femmes et les filles de nos communautés sont plus vulnérables, plus accessibles aux traitements et plus enclines à rechercher des soins de santé pour ces 20 maladies infectieuses. Les femmes et les filles supportent une part disproportionnée du fardeau des Mtn en raison des contraintes socio-économiques, des dynamiques culturelles et des normes de genre. Les Mtn sont principalement associées à des conditions de pauvreté et affectent de manière disproportionnée les communautés les plus vulnérables et marginalisées.

Selon l’indice d’inégalité entre les sexes, l’Afrique pourrait mettre plus d’un siècle à combler le fossé entre les hommes et les femmes. Les effets des Mtn ne font que rendre ce délai plus décourageant. Ces maladies exacerbent les disparités en matière de soins de santé, d’éducation, d’emploi et de participation politique, sapant ainsi les efforts déployés pour créer une société plus équitable. De l’augmentation des cycles de pauvreté aux systèmes de santé débordés et au ralentissement des progrès économiques, les Mtn exacerbent les disparités de genre et entravent la croissance nationale.

Au Sénégal, les femmes et les filles courent un risque plus élevé de contracter des Mtn, car elles sont souvent plus exposées aux sources de Mtn, notamment les sources d’eau, et sont en contact direct avec les membres de la famille potentiellement infectés.

Selon la mission générale des Objectifs de développement durable (Odd), le plan de la communauté mondiale pour la paix et la prospérité des personnes et de la planète a pour objectif de «ne laisser personne en marge». Malheu­reusement, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les Mtn.

Une crise sanitaire liée au genre
Des facteurs sociaux, économiques et culturels rendent les femmes et les filles plus exposées aux Mtn, telles que la schistosomiase (également connue sous le nom de bilharziose, qui est une infection parasitaire due à l’eau contaminée), la schistosomiase génitale féminine et les géohelminthiase (vers intestinaux). En raison de leur rôle traditionnel, souvent associé à des tâches comme la lessive et la collecte d’eau, les femmes sont particulièrement exposées à ces maladies.
Ces maladies ont des effets néfastes sur la santé reproductive. Ces infections peuvent entraîner la stérilité, des naissances prématurées et même l’anémie chez les femmes enceintes et jeunes filles – l’une des principales causes de complications pendant l’accouchement, et de mortalité maternelle en Afrique, responsable de 20% des décès, mais aussi de retard scolaire chez les filles affectées.

Les femmes enceintes sont particulièrement exposées. La prévalence de la schistosomiase est élevée, en particulier chez les femmes enceintes au Sénégal. 65% des femmes enceintes ont été testées positives à la maladie lors d’une étude menée dans le Nord du Sénégal. Les effets de la maladie sont très considérables : elle entraîne une baisse de la productivité, ce qui entrave la capacité des femmes infectées à contribuer à la vie de leur famille et de leur communauté.

Le fardeau n’est pas seulement physique. La stigmatisation liée à ces maladies conduit souvent à l’isolement social, dans la mesure où les femmes infectées sont confrontées à la marginalisation et même à la violence sexiste.

Rompre le cycle de pauvreté
Les Mtn ne font pas que nuire à la santé des individus, elles maintiennent également des communautés entières dans le cycle de la pauvreté. Les handicaps à long terme causés par ces maladies réduisent la capacité des femmes à travailler, à contribuer au revenu du ménage ou à participer à la vie de la communauté. Pour de nombreuses femmes sénégalaises, s’occuper des membres de la famille malades ou faire face aux effets des Mtn signifie abandonner son travail ou abandonner l’école, ce qui alourdit le fardeau économique de leur famille et de la société. Les handicaps et le défigurement associés aux Mtn peuvent également entraîner une perte d’opportunités sociales.

Un appel à des interventions ciblées
Pour lutter efficacement contre les Mtn au Sénégal, il est essentiel d’adopter une approche sensible au genre. Les femmes et les filles, qui sont souvent les premières soignantes et les premières à rencontrer les membres de la famille infectés par les Mtn (les enfants touchés par le trachome ou les vers intestinaux en particulier), doivent être au cœur des stratégies de prévention et de traitement. Par exemple, réduire leur exposition aux maladies d’origine hydrique en améliorant l’accès à l’eau potable et en promouvant de meilleures pratiques d’hygiène peut considérablement réduire la propagation des Mtn.
Le renforcement des programmes de santé maternelle et infantile offre des possibilités de renforcer les interventions en sensibilisant à la maladie. Ces programmes permettent également de donner accès à des consultations pré et post-natales pour fournir des comprimés vermifuges et des suppléments aux femmes enceintes et aux enfants afin de prévenir l’anémie.

La suppression des obstacles financiers pour les femmes leur permettra également d’agir de façon autonome en accédant aux traitements, en donnant la priorité à leurs propres soins, sans dépendre du pouvoir décisionnel des hommes. La disponibilité de l’eau potable et des pratiques Wash sûres contribueront fortement à réduire la vulnérabilité des femmes et des filles à ces maladies. En se concentrant sur les résultats sanitaires pour les femmes et les filles et en veillant à ce qu’elles s’approprient davantage les efforts de prévention des Mtn, le Sénégal pourrait commencer à inverser les dommages causés par ces maladies. Cela permettrait non seulement d’améliorer la santé des femmes, mais aussi de stimuler leur participation à l’éducation, à l’emploi et à la vie de la communauté ; ce qui conduirait à un progrès socio-économique plus large et aiderait à combler le fossé entre les hommes et les femmes.

Ce travail se traduit par le partenariat entre le Ciff (Children’s Investment Fund Foundation), Speak Up Africa et le ministère de la Santé et de l’action sociale, et la création du réseau national des champions de la lutte contre les Mtn. Ce nouveau réseau se veut un cadre synergique multi-acteurs pour la mise en œuvre d’actions de plaidoyer pour l’élimination et le contrôle des Mtn au Sénégal. Le travail de promotion de l’égalité des sexes dans le domaine de la santé est un élément-clé de cette action.

La lutte contre les Mtn au Sénégal n’est pas seulement une question de santé, c’est une lutte pour l’égalité des sexes et le développement. En nous attaquant de front à ces maladies, nous pouvons améliorer la vie de millions de femmes et de filles et nous assurer que personne n’est laissé pour compte.

Faty DIENG
Championne des maladies tropicales négligées, Réseau national des champions des Mtn, journaliste, présentatrice et écrivaine. Faty est l’une des championnes du Réseau national des champions des Mtn, qui a été créé pour renforcer la sensibilisation aux Mtn et accélérer la mobilisation des ressources nationales pour le contrôle et l’élimination
de ces maladies.
Faty est titulaire du Diplôme spécialisé en Journalisme et Communication – Option Télévision du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (Cesti).
Faty bénéficie d’une reconnaissance auprès du public et est bien suivie sur les réseaux sociaux avec plus 600 000 abonnés, tous réseaux confondus. Ses publications atteignent en moyenne une cible de plus de 850 000. Faty dispose d’un accès à un large réseau de journalistes et de partenaires médiatiques dans les principaux groupes de presse au Sénégal. Co-fondatrice et Directrice de l’agence de communication, FD Media.