«Par décret no 2019-1763 du 21/10/2019, Monsieur le Président de la République a nommé M. Amadou Fran­çois Gaye, expert financier, titulaire d’un MBA de l’université des Sciences de Philadelphie, Directeur général des Sénégalais de l’Extérieur, au Minis­tère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Ex­térieur, en remplacement de M. Sory Fantamady Kaba.« C’est à travers ce communiqué du gouvernement, largement diffusé dans les réseaux sociaux, que les Sénégalais ont appris le limogeage du désormais ex-Directeur général des Sénégalais de l’extérieur, Sory Fantamady Kaba.
Un jour auparavant, notamment le dimanche 20 octobre 2019, M. Kaba était l’invité d’une radio de la place, dans l’émission Grand Jury. Interrogé sur un éventuel 3ème mandat du Président Macky Sall, le haut-fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères déclare : «notre Constitution oblige le président de la République à ne pouvoir faire que deux mandats. Ce qui est clair, il est dans le dernier mandat et la Constitution l’interdit à faire un 3e mandat. Qui sera le futur Président, personne ne sait», avait-il lâché, sans mettre les fameux gants diplomatiques !
En dépit des explications pertinentes du porte-parole adjoint de l’Apr, l’honorable député Abdou Mbow, montrant que le limogeage précédait la déclaration de M. Kaba et qu’il n’y avait pas de relation de cause à effet, entre le décret présidentiel et la fameuse déclaration de M. Kaba à travers les ondes, les médias avaient déjà fini d’installer un débat sur un éventuel 3ème mandat du président de la Répu­blique. Certaines voix ont même essayé, vaille que vaille, de défendre l’ex-Directeur général des Séné­galais de l’extérieur, en renvoyant à une déclaration similaire que le président de la Répu­blique aurait faite auparavant.
Il me paraît important de préciser qu’un haut-fonctionnaire du rang du Directeur général des Sénégalais de l’extérieur ne doit pas se prononcer sur un sujet aussi sensible, sans être mandaté à cet effet, par la hiérarchie. Un diplomate qui ignore les limites de l’obligation de réserve, ne mérite pas d’occuper une fonction aussi stratégique, d’autant qu’elle met souvent le titulaire en contact avec le monde extérieur.
Ceci dit, j’estime qu’un débat sur une éventuelle candidature du Président Macky Sall à la Magistrature suprême, est non seulement prématuré, mais il serait inutile et inopportun, dans un pays de droit comme le nôtre. Il est évident que la seule institution, habilitée à répondre sur cette question, n’est autre que le Conseil constitutionnel. Même le président de la République ne jouit pas de cette prérogative. A-t-on déjà oublié que le Président Macky Sall voulant réduire son premier mandat de 7 à 5 ans, en avait exprimé maintes fois et clairement la volonté. A l’arrivée, le Conseil constitutionnel lui rappelle qu’il n’en avait pas la possibilité, car «son mandat en cours (il s’agissait du premier mandat), était antérieur à la réforme constitutionnelle qui introduit cette limitation de la durée du mandat présidentiel à 5 ans». Les dispositions constitutionnelles en question n’étant pas rétroactives, le président de la République ne jouissait d’aucune prérogative pour procéder, lui-même, à la réduction volontaire de son mandat. Cette jurisprudence doit édifier tout le monde sur le fait que dans notre pays, seul le Conseil constitutionnel est habilité à trancher cette problématique.
Là aussi, force est de reconnaître qu’on est encore loin du temps où l’on pourrait solliciter l’avis de cette instance. D’ailleurs, tous les potentiels candidats sont aujourd’hui dans une sorte de suspense, car seul le visa du Conseil constitutionnel peut édifier, les uns et les autres, sur la validité de leur candidature.
On en n’est pas encore là, car le mandat présidentiel en cours, vient à peine de démarrer. Dès lors, nous devons plutôt nous focaliser sur d’autres priorités beaucoup plus urgentes et Dieu sait qu’elles sont nombreuses.
Mamadou Bamba NDIAYE
Ancien Ministre des Affaires
religieuses
ndiabamba1949@gmail.com