La date du 28 mai, initialement instituée Journée du dialogue national par l’ancien président de la République, a été maintenue par son successeur M. Bassirou Diomaye Faye, qui marque ainsi de son empreinte le principe sacro-saint de la continuité de l’Etat, ce malgré les appréciations divergentes, à tort ou à raison, des uns et des autres sur son opportunité. Il reste, cependant, quels que soient les arguments invoqués, si on se place du point de vue de la symbolique républicaine seulement, que le choix de cette date est tout à l’honneur du Président Bassirou Diomaye Faye.

D’ailleurs, à la lecture rapide des termes de référence du dialogue, on ne peut manquer de relever beaucoup de points d’attention, qui certainement présentent des intérêts majeurs pour notre pays, même si certains estiment sur la forme que ce sont les mêmes questions qui reviennent, et qu’on a l’impression de faire du surplace. On peut le leur reconnaître, sans toutefois ne pas manquer de faire remarquer que le contexte a changé depuis l’avènement du nouveau pouvoir, des élections législatives sont passées par là, à la suite de la Présidentielle avec des péripéties que l’on a vécues. Une nouvelle majorité s’est créée à l’Assemblée nationale, et subséquemment le Cese et le Hcct, quelle que soit l’appréciation faite sur leur pertinence et leur fonctionnement, ont été dissous. Il semble aussi qu’aucune évaluation sérieuse des Législatives n’ait été faite de part et d’autre, pouvoir comme opposition, à part des rapports que certains estiment trop bureaucratiques, car ne tirant pas les leçons sur un certain nombre de paramètres qui interrogent sur le caractère inclusif de notre système démocratique, sa vitalité, sans oublier les biais nés de la liquidation de l’équipe de l’ancienne Cena, et son remplacement par une autre dont la légalité contestée, ne l’a pas empêché de continuer à officier le plus normalement du monde.

On est tous d’accord que l’Assemblée nationale doit être le siège du débat politique, mais avec une telle configuration, on n’est pas sûr que le débat politique inclusif souhaité puisse se produire dans les conditions optimales. Le dialogue politique peut, de ce point de vue, s’il est bien organisé, être le cadre d’expression du pluralisme politique qu’ont révélé, quelque part, les élections législatives, avec une tendance forte vers une recomposition de l’espace politique. C’est d’ailleurs en fait le principal enseignement qu’on peut tirer des dernières Législatives.

En optant, dans les termes de référence, pour les trois axes (3) suivants pour la conduite du dialogue, à savoir : «démocratie, libertés et droits humains, rationalisation des partis politiques et du calendrier républicain, encadrement du financement des partis politiques, reconnaissance du statut de l’opposition et de son chef» ; le processus électoral, notamment les «modalités d’organisation du parrainage et de l’inscription automatique sur le fichier électoral via la Carte nationale d’identité biométrique Cedeao, le bulletin unique, l’audit du fichier électoral, numérisation du processus électoral, vote des personnes en détention» ; les «réformes institutionnelles et organes de gestion des élections», il semble que des ouvertures importantes pour sortir de ces consultations certes sont politiques, mais dépassent la seule sphère des acteurs du jeu politique, électoral devrais-je dire.

Une lecture au premier degré peut laisser penser qu’il s’agit d’une rencontre politique entre des acteurs politiques, certains même pensent qu’il n’y a pas lieu de dialoguer, ce qui est une grave erreur, car ce serait occulter le message derrière les 41 listes en compétition lors des dernières Législatives du 17 novembre 2024.

Fait marquant, ces élections ont révélé une entrée remarquée du «secteur privé», du moins des listes se réclamant des catégories socioprofessionnelles bien identifiées. Ce message, qui n’a pas été suffisamment décrypté, traduit une volonté d’une frange importante des milieux économiques, qui polarise près de 80% de l’activité économique, de participer à la gouvernance du pays. D’avoir leur mot à dire pour parler trivialement. Cela est d’autant plus important qu’ils veulent participer aux décisions qui les concernent, d’autant plus que pendant longtemps, ils ont été en marge ou ont été des supplétifs dans l’espace politique. Ils ont bien leur place dans ce dialogue, dès lors que les institutions dans lesquelles ils avaient un brin de représentation ont été dissoutes. Quelle alternative à cela ? La question mérite, de mon point de vue, d’être posée lors de ce dialogue. Rien que pour cela, le Dialogue national doit être élargi pour asseoir des consensus forts aptes à porter la dynamique dans laquelle s’inscrit notre pays, avec l’exploitation de nos ressources énergétiques, et pour prendre en charge le contexte sous-régional aux enjeux sécuritaires extrêmement importants.

Participer au dialogue est donc une occasion, pour chacun et pour tous, avec ou sans une représentativité au Parlement, de participer au débat fondamental sur le futur politique de notre système, car on est loin de l’époque de l’exercice solitaire du pouvoir, même avec une majorité écrasante.

La seule attente qui vaille est qu’on débouche sur des décisions dont la mise en œuvre ne devrait pas poser problème, car le pouvoir dispose de la majorité parlementaire pour légiférer, ou bien aller au référendum, car ne l’oublions pas, le Président Bassirou Faye avait mis dans son programme une réforme constitutionnelle pour créer le poste de vice-président. Quelle est l’actualité de cet engagement ? Le dialogue en fera-t-il un point ? Wait and see.
Mamadou NDAO
Juriste Consultant
Expert en Communication
Diplômé des Universités de Montpellier 1
et de Paris 1 Panthéon Sorbonne