Triste nouvelle cette semaine : le dernier ministre des Finances et du budget du régime de Macky Sall, Mouhamadou Moustapha Bâ, vient de quitter cette vallée de larmes. Il laisse derrière lui les insinuations tonitruantes des actuels dirigeants, sur des chiffres de l’économie volontairement tronqués et un pays en ruine. Il part aussi et surtout sous la pluie des hommages émus de ses collègues et amis dont l’ancien Premier ministre Amadou Ba, actuelle tête de liste de la Coalition Jàmm àk Njariñ, qui arrête sa campagne en signe de deuil.
Autre sujet à sensation : un livre sur la Casamance que personne n’a lu, mais tout le monde commente…
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Retour sur terre : le président de la République Bassirou Diomaye Faye, au terme d’un périple qui le conduit en Arabie saoudite, puis en Turquie, est de retour au pays natal. Non, les fritures sur la ligne de nos relations avec l’Arabie saoudite semblent de l’histoire ancienne. La preuve, il en a profité pour effectuer un p’tit pèlerinage.
Rien à voir avec l’accueil que les autorités réservent à Mary Teuw Niane, son directeur de Cabinet, alors dépêché en sapeur-pompier, mais reçu fraîchement par un sous-ministre qui ne lui fera même pas la politesse de le raccompagner.
Comme le dit la sagesse populaire, il est toujours utile d’avoir un vieux briscard dans ses murs.
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Il faudra, selon un magazine dont les écouteurs sont branchés dans les couloirs du Palais, que Pierre Goudiaby Atepa déploie des trésors d’entregent pour que le Président sénégalais assiste aux agapes que le royaume saoudien organise la semaine passée.
En un mot comme en cent, l’affaire Acwa Power, qui éclate dans l’euphorie de la révision des contrats signés par le régime précédent, surtout considérés comme léonins, par laquelle le court-circuit survient, va se régler sans que personne n’y perde la face.
Entre-temps, la campagne électorale lancée en son absence enregistre des échauffourées et des dégâts collatéraux dus à la violence : fureur présidentielle qui exige la lumière de la Justice concernant ces dérapages incontrôlés.
Apparemment, personne n’a rien compris à ses ordres…
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C’est le moment que choisit l’ancien président de la République recyclé en tête de liste de la famille libérale, sous la bannière Takku Wallu Senegaal, pour se rappeler à notre bon souvenir.
Après les vocaux par WhatsApp, c’est par une lettre ouverte que Macky Sall s’adresse aux Sénégalais dont 57% des adultes sont frappés d’illettrisme ou d’analphabétisme, selon les chiffres de l’Institut national des études démographiques.
Il nous y explique que c’est juste par souci d’élégance républicaine, s’il choisit de s’installer dans un petit pied-à-terre marocain, histoire de permettre aux nouveaux arrivants de dérouler leur programme.
Il faut croire que la période de grâce qu’il leur accorde alors vient d’expirer…
Le chapelet des récriminations qui le poussent à revenir en politique pour rétablir l’ordre républicain est long comme un jour sans pain : «L’économie est en berne, comme en témoignent la situation catastrophique de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de l’artisanat, du petit commerce qui occupe des millions de compatriotes, et celle du Btp avec des milliers d’ouvriers au chômage et autant d’activités connexes qui sont à l’arrêt. Huit mois après, et deux fois en l’espace de quelques semaines, la note souveraine de notre pays a été dégradée par deux agences d’évaluation, suite à des affirmations intempestives, calomnieuses et sans fondement dont la dernière, encore plus grotesque, qui porte sur un prétendu compte bancaire aux mille milliards de francs Cfa, a été vite démentie par des professionnels de la banque et n’a pu tromper personne.»
Macky Sall est donc obligé de revenir remettre les pendules à l’heure avec la mise en place d’un «gouvernement d’union, de stabilité et de réconciliation nationales» pour convoquer presque aussitôt des… «Assises de la réconciliation et de la stabilité nationales».
Encore des Assises pour rien ?
Amadou Makhtar Mbow, le regretté père des Assises nationales de 2009, auquel le Président Macky Sall confiera dans son prolongement la Commission de réforme des institutions en 2013, du haut de son paradis, doit se poser bien des questions : après une année de travail acharné sur la réforme des institutions, lors de la remise du rapport des travaux, il entendra Macky Sall, sans ciller, lui asséner qu’il n’en prendra que ce qui l’intéresse…
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Le Pape du Pse se contentera de réduire, après référendum, le mandat présidentiel de sept à cinq ans, mesure assortie de la fameuse petite phrase à controverse sur les deux mandats consécutifs.
Cette fois, il est question de réconciliation… Avec qui il s’est vraiment chamaillé au point de mettre en place un gouvernement et d’organiser des assises dans ce but ? Apparemment, la Coalition Pastef, sous la houlette de Ousmane Sonko, n’est pas concernée, puisqu’il considère que «le reniement, le populisme, les contre-vérités et la manipulation tiennent lieu de mode de gouvernance, comme hier ils avaient servi de promesses électoralistes», même s’il annonce que le futur «gouvernement d’union, de stabilité et de réconciliation nationales (…) travaillera en bonne intelligence avec le président de la République dans l’intérêt supérieur de la Nation».
La Coalition Samm sa kaddu avec la virulence des propos et les affrontements avec le pouvoir, sera-t-elle partante ? Ils sont déjà dans une inter-coalition pour barrer la route à Ousmane Sonko.
Il lui restera alors deux inconnues à élucider : quel sort réservera à son chant des sirènes la coalition dirigée par Amadou Ba qui doit encore avoir en travers de la gorge le coup de Jarnac de l’Apr à la dernière Présidentielle ?
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Et puis, le président de la République, malgré tout, reste un militant de Pastef au sein duquel il n’a plus de responsabilité. Cela ne signifie pas qu’il ne se considère pas comme comptable de cette manière de gouverner qualifiée de populiste, pour dire le moins.
Macky Sall, à travers la lettre qu’il endosse et signe, avoue surtout qu’il s’est planté en amnistiant, libérant et soutenant le tandem Sonko-Diomaye au détriment de son candidat, entraînant ses inconditionnels à le combattre. Quelle mouche le pique donc à ce moment-là, au point qu’il tente de torpiller le processus électoral après de sordides accusations de corruption du Conseil constitutionnel ? Tout cela aura produit un désordre dans la République, tel que personne ne sait si ce qui se déroule sous nos yeux est du lard ou du cochon…
Bon, on se détend : la fameuse lettre s’adresse aussi et surtout à nos 57% d’analphabètes. Vous n’êtes pas vraiment concernés…
Par Ibou FALL
Très belle satire, grand Ibou, elle sonne juste et vraie. Quel paradoxe que notre cher Sénégal, dont on ne saurait dire s’il faut se plaindre du piteux niveau de sa classe politique, du dévoiement généralisé de nos mœurs, ou s’apitoyer face au gâchis de tout ce potentiel. La promotion des contrevaleurs (largement attribuable au régime du Pr Wade, qui, s’il nous a apporté le meilleur, demeure tout autant comptable et responsable d’avoir… Tous les ministres du président Senghor étaient potentiellement présidentiables. Prenez le temps de revoir les CV du dernier gouvernement Diouf et vous constaterez l’exceptionnalité des expertises respectives : il y avait encore de la substance et du fond, mais surtout la forme. Ces gens lisaient, ils avaient de la culture.
Novembre 2024, la scène politique au Sénégal, c’est un président timoré (qui s’exprime moins bien qu’un collégien de bon niveau) auprès et au service de son premier ministre (qui serait bien avisé de rapidement se procurer le Bled et d’en faire copie à son ministre des Affaires étrangères), c’est Coura Macki, c’est la transhumance, bref le nivellement par le bas, le degré zéro de la politique.
Vous avez bien raison, grand Ibou, d’évoquer le cher doyen Amadou Mbow, mais je pense également à tous ses illustres prédécesseurs (je ne saurai prendre le risque de les citer tellement, ils sont pléthores): sans doute, de la haut, doivent-ils se consoler en se souvenant qu’il est des choses immuables dans la nature et la société humaine. Ainsi, les grands projets de société, les visions exceptionnelles sont toujours imaginées par les génies, exécutées par les braves, mais à la fin, ce sont toujours les médiocres qui en profitent
Le pays est manifestement otage des médiocres