Macky Sall, négociez des accords migratoires au lieu de faire convoquer des ambassadeurs étrangers !

Rappelons-le, l’émigré sénégalais Mame Mbaye Ndiaye est décédé, parce que poursuivi par les forces de police, du fait qu’il exerçait une activité aussi illégale que la vente de drogue en Espagne : la vente à la sauvette. C’est ce scandale du sous-emploi de nos migrants qui doit cesser.
Ce n’est pas contre les autorités espagnoles que nos émigrés devaient manifester ce vendredi, jusqu’à ce qu’un autre d’entre eux, Ousseynou Mbaye, ne décède, et qu’un autre enfin ne tombe dans le coma. C’est devant l’ambassade du Sénégal à Madrid qu’ils devaient manifester. Et ceux d’entre nous restés au pays auraient dû aller manifester devant le ministère de Sidiki Kaba. L’Etat du Sénégal étant seul responsable de la restauration et de la préservation de la dignité de ses enfants par ses propres politiques publiques.
Les envois d’argent des migrants sénégalais en direction de notre pays dépassent chaque année l’aide étrangère au développement dont bénéficie le Sénégal. C’est dire que l’émigration est une mamelle importante de notre économie. Et doit être reconnue et traitée comme telle. Cela suppose que l’Etat s’occupe de ce levier de développement de manière concrète, au lieu de se contenter de créer un ministère délégué aux Sénégalais de l’extérieur dont on ne sait pas trop ce qu’il fait. Pour commencer, les migrants sénégalais devraient bénéficier d’un ministère plein, avec une lettre de mission et des agences sous tutelle : pour l’accès à l’habitat, la gestion intelligente et concertée de leurs envois d’argent au service de l’économie nationale à travers l’investissement et pas seulement pour la consommation des ménages restés au pays ainsi aidés, pour un accès au logement qui ne mette pas une pression insoutenable sur le foncier dakarois, mais participe au développement harmonisé des territoires…
Macky Sall a donc fait convoquer l’ambassadeur d’Espagne à Dakar par Sidiki Kaba, afin de lui faire remettre une lettre de protestation et d’«exiger» une enquête. Laquelle était d’ailleurs déjà décidée par les autorités espagnoles. La convocation d’un ambassadeur est le suprême coup de menton et haussement de sourcils en matière de diplomatie internationale. Mais comme tout haussement de menton, il ne s’agit là que d’une rodomontade pour se donner la bonne conscience d’avoir condamné. Et qui ne règle pas les problèmes de fond. Après avoir convoqué l’ambassadeur des Etats-Unis pour protester contre les propos de Trump traitant les pays africains de trous du cul du monde, Sidiki a pris goût à l’exercice. Nous l’enjoignons, ainsi que son patron qui se trouve être notre Président à tous, à plutôt s’atteler à négocier des accords migratoires qui offriraient des emplois décents aux nombreux Sénégalais qui votent avec les pieds, en choisissant d’aller s’installer et travailler dans les supposés eldorados européens. Souvent, à l’issue d’un voyage par des moyens périlleux et presque toujours en contournant la législation sur l’émigration, par exemple avec des visas touristiques, lorsqu’il arrive qu’ils prennent l’avion. Ce départ informel en émigration doit cesser.
Nos pays africains ont trop tendance à laisser la gestion de leurs migrants aux seuls pays occidentaux qui les accueillent, alors que nous en sommes les pays d’émission (et de formation). Nous attendons toujours qu’un Président européen ou son ministre de l’Intérieur décide de ce qu’il y a à faire avec nos migrants. Oui, nos pays ont besoin de la soupape émigration, car ils ne peuvent pas offrir les services de base et la dignité d’un emploi décent à tous leurs enfants qui deviennent migrants et qui, en plus, soutiennent les politiques publiques de nos pays en envoyant de l’argent à leurs famille et proches pour des besoins dont il incombe à l’Etat de les prendre en charge. De leur côté, les pays occidentaux vieillissants ont besoin de la force de travail des migrants devenus émigrés pour soutenir leurs économies qui ont besoin de remplacer les nombreux retraités, ce que leur natalité flageolante ne permet pas. Emigrés qui y offrent leur force de travail et paient des impôts.
Pourquoi attendons-nous toujours d’un énième Sarkozy qu’il vienne nous proposer une politique d’immigration choisie ? Quid de l’émigration choisie ? L’Etat du Sénégal devrait négocier des quotas d’emplois, aussi bien saisonniers et temporaires que permanents, avec les principaux pays de réception de nos migrants pour les candidats sénégalais à l’émigration. C’est son devoir et sa responsabilité, car ce sont ses nationaux. C’est son droit et sa prérogative, car il les a, ou est en tout cas supposé les avoir éduqués, nourris, soignés, en bref avoir investi sur eux, jusqu’à ce qu’ils émigrent. Au-delà, comme plusieurs pays le font (l’Inde, le Maroc), l’Etat du Sénégal pourra obtenir que les salaires payés aux migrants provenant de son sol le soient sur des comptes bancaires en devises de notre pays, le franc Cfa, et donc comptabilisés dans notre richesse nationale. Cela permettraient également aux migrants de pouvoir transférer de l’argent à leurs famille et proches sans passer par les sociétés de transfert d’argent ou les circuits informels, mais en effectuant une simple opération bancaire peu coûteuse. Enfin, cela permettrait de mobiliser l’argent des migrants en direction de l’investissement et des secteurs productifs.
Ousseynou Nar GUEYE
Directeur général de Global Com International Sarl
Directeur de la publication et de la rédaction de www.tract.sn
Secrétaire national à la Communication, à la Coopération africaine et aux Questions Educatives du parti Sénégalais Unis pour le Développement (Sud)
ogueye@gmail.com