Macky Sall et Ousmane Sonko ont constitué les deux principales figures politiques du pays, depuis l’élection présidentielle de 2019. Le chef de l’Etat a été réélu de fort belle manière, mais la prouesse de son jeune farouche opposant, arrivé troisième à ce scrutin, laissait augurer un duel en perspective des joutes électorales suivantes. Ce fut le cas, d’autant que le candidat arrivé deuxième à cette élection, Idrissa Seck, avait fini par rallier à nouveau le camp de la majorité pour laisser ainsi la place de chef de l’opposition au leader du parti Pastef. Ce même parti sera la locomotive d’une coalition politique Yewwi askan wi (Yaw) qui a pesé sur le débat politique et a imposé un véritable rapport de forces à la majorité, notamment aux élections locales et législatives de 2022.

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Mais le duel ultime ou le combat final, entre Macky Sall et Ousmane Sonko, qu’on présageait pour la Présidentielle prochaine dont le premier tour est prévu pour le 25 février 2024, n’aura pas lieu, du moins pas directement à travers les urnes. Tous les deux vont se résigner à partager le même sort, on le devine cruel pour un homme politique, d’être condamné à rester en spectateur de combats épiques que se disputeront officiellement des candidats qui se seront plus ou moins imposés à eux.

Macky Sall, un «canard boiteux»
L’histoire lui a donné raison d’avoir attendu jusqu’au dernier moment pour annoncer sa décision de ne pas être candidat à l’élection présidentielle de 2024. En effet, dès que l’annonce est faite, le 3 juillet 2023, qu’il confirme définitivement son engagement, de toujours, de ne pas demander un troisième mandat de président de la République du Sénégal en 2024, Macky Sall a observé des réactions qu’il devait être loin de s’imaginer. Des actes de rébellion ou de défiance ont été posés par nombre de ses collaborateurs qui, pourtant, lui montraient un zèle trop excessif pour être sincère. Assurément, aurait-il annoncé plus tôt sa décision de ne pas chercher à rempiler, qu’il n’aurait pas gouverné le Sénégal ces dernières années. C’est comme si désormais, tout le monde pouvait se permettre l’inobéissance, l’outrecuidance désinvolte, parce que simplement Macky Sall ne pourrait plus jouer de manière évidente sur le destin ou l’avenir des gens. Le plus tragique dans l’histoire est que ces comportements et attitudes ne sont observés que de la part de personnes qui mordent la main qui les aura nourries.

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On observe en effet qu’elles ont toutes été «fabriquées» par le Président Sall qui les aura sorties de l’anonymat. Franchement, quelle était l’épaisseur politique ou l’étoffe d’un Mahammed Dionne, d’un Abdoulaye Daouda Diallo, d’un Moustapha Diop, d’un Mame Boye Diao, avant de bénéficier d’un décret du Président Macky Sall ? Quels étaient les états de services dont ils pouvaient se prévaloir pour légitimer leurs positions dans l’appareil institutionnel de l’Etat ? Et même nommées à de hautes fonctions, ces différentes personnes n’ont point révélé de véritables compétences qui légitimeraient ou justifieraient a postériori les choix du chef de l’Etat. La surprise est que jamais aucune de ces personnes n’a eu auparavant à montrer du caractère devant le même Macky Sall, dans aucune situation politique ou administrative.

A la vérité, leurs qualités communes restaient l’obéissance aveugle, la platitude ou la veulerie. Sans doute que le chef voulait un personnel de cet acabit. Mais il le paie au prix fort car on observe que Moustapha Diop ne méritait point que Macky Sall se fasse autant violence pour présenter de plates excuses à des magistrats de la Cour des comptes, offensés par son ministre ; tout comme il devra réaliser s’être lourdement fourvoyé, s’il s’imaginait que le zèle que montrait Mahammed Dionne traduisait une volonté de rachat, de donner des gages pour ses trahisons et autres coups bas de 2008 !

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Avec Mame Boye Diao, Macky Sall doit également avoir bien appris que les alertes, mises en garde ou objections formulées, pour l’amener à mieux mûrir sa décision avant de l’élever à certaines hautes fonctions, ne relevaient point d’un ostracisme coupable.

Il doit aussi avoir réalisé que pendant douze bonnes années de présence au niveau des plus hautes sphères de l’Etat, Abdoulaye Daouda Diallo trouvera difficilement à exhiber une prise de position publique pour défendre le régime de Macky Sall. Pourtant, à toutes ces personnes, Macky Sall aura donné tout ce qu’il pouvait leur offrir comme faveurs et avantages. Il ne manquera pas de réaliser enfin que la Convergence Avec Moustapha (Cam), initiée avec des groupements féminins, depuis le temps où ce dernier était ministre délégué à la Microfinance, poursuivait des objectifs politiques à long terme. Dire qu’on riait des ambitions présidentielles qu’on pouvait prêter à Moustapha Diop ! Le Président Sall, qui aura défendu et protégé plus que de raison ces différentes personnes, peut donc s’estimer être mal payé en retour. Mais qu’à cela ne tienne, il ne devra s’en vouloir qu’à lui-même ! Encore qu’il aura élevé toutes ces personnes à la dignité de présidentiable et leur aura offert une exposition médiatique, quand il leur a permis, dans une volonté d’inclusion, de se porter candidats à la candidature de la Coalition Benno bokk yaakaar.

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L’histoire est encore plus suppliciante que tous ces rebelles à Macky Sall apparaissent bien riches et font un étalage bien indécent de telles fortunes et que chacun d’entre eux se mettrait dans une logique de l’utiliser, estimant certainement qu’elle pourrait lui permettre d’acheter un fauteuil de président de la République du Sénégal. Allez savoir quels étaient les états de leurs avoirs ou patrimoines avant qu’ils n’accèdent à de hautes fonctions dans l’appareil d’Etat, à la faveur de nominations décidées par Macky Sall ! «Il y a de ces services qu’on ne peut payer que par l’ingratitude», professa Dumas. Pour sa part, Aly Ngouille Ndiaye garde la décence de ne pas insulter Macky Sall. Sans doute que sa valeur intrinsèque ne l’y autorise pas encore.

Mais tout compte fait, le sort personnel de Macky Sall apparaît moins douloureux que celui de Ousmane Sonko qui, on le devine bien, doit être, du fond de sa cellule de prison, bourré de ressentiments et de frustrations. En effet, «mieux vaut être boiteux que toujours assis».

Ousmane Sonko, le supplice de réaliser qu’il n’était point si indispensable que cela !
Il paie sa folle fuite en avant et la naïveté de croire que sans lui le soleil ne se lèverait plus à l’Est du Sénégal. C’est une lapalissade de dire que Ousmane Sonko ne s’imaginait point que le pays ne serait pas à feu et à sang, comme du reste il en menaçait tout le Sénégal, au cas où il serait arrêté pour ses bravades et incartades. Il a épuisé tous les artifices, combines ou manœuvres, que sa situation n’aura pas changé. Il est cloîtré dans un cachot, encore qu’il pourrait s’estimer heureux ou privilégié d’être mieux traité que tout autre détenu au Sénégal, mais sans aucune perspective de libération dans un court terme. Tous ses alliés qui lui faisaient le serment, avec une sincérité touchante, de l’accompagner en prison, continuent de vaquer à leurs occupations, comme si de rien n’était. Pire, ils semblent même profiter de sa situation d’infortune pour chercher à lui ravir la vedette, lui voler son électorat. Ainsi rivalisent-ils d’impatience à laisser apparaître au grand jour leurs ambitions. Les candidatures à l’élection présidentielle de 2024, de Déthié fall, Khalifa Ababacar Sall, Aïda Mbodji, Habib Sy, Dame Mbodji, Aminata Touré et on en oublie, révèlent que tous ces alliés ont fini de conjuguer Ousmane Sonko au passé ; après que la dynamique de leur Coalition Yaw aura pourtant permis, à la plupart d’entre eux, d’obtenir des mandats électifs ou des positionnements politiques majeurs.

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Mais c’est la course effrénée des militants du parti Pastef de souche, Birame Soulèye Diop, Abass Fall, Bassirou Diomaye Faye, Guy Marius Sagna, à se porter candidats, à la place de leur leader qui lui-même chercherait encore à l’être, qui doit rendre encore plus incrédule Ousmane Sonko. Tous ceux qui clamaient ne jamais envisager une candidature autre que celle de Ousmane Sonko à l’élection présidentielle, se mettent dans la course pour leurs propres comptes et ont tenu à retirer déjà les documents nécessaires à la collecte des parrainages.

Ousmane Sonko ne manque pas alors de vivre une tragédie personnelle, mais cette situation révèle un fait notoire que nous n’avons eu de cesse de souligner à travers ces colonnes. En effet, le parti Pastef reste constitué par un conglomérat d’obédiences, de courants ou d’intérêts les plus opposés ou les plus antagoniques possibles ; leur seul liant aura été que la personne de Ousmane Sonko pouvait être le bélier qui leur forcerait les portes du pouvoir. Ainsi y retrouve-t-on, côte à côte, des indépendantistes du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), des salafistes et autres islamistes assumés qui préconisent l’avènement d’un Etat théocratique au Sénégal, même au prix de la violence armée, des démocrates avérés, fourvoyés ou abusés, des révolutionnaires à la petite semaine, nourris et entretenus par des intérêts étrangers qui travaillent ouvertement à supplanter les alliés traditionnels du Sénégal que sont la France, l’Union européenne, les Etats-Unis d’Amérique et les pays musulmans dont la pratique religieuse est proche de celle de la majorité des Sénégalais et, enfin, une bande d’affairistes à tout crin, si pressés de dépecer la bête Sénégal et la dévorer à belles dents. «Ousmane Sonko avait pu constituer un parfait client pour tout ce beau monde. Il était un gros épouvantail dressé face au régime du Président Macky Sall. Les opposants de tout acabit trouvaient en lui la personne qui pouvait tout dire sans scrupules, comme mentir, calomnier, affabuler, et ainsi susciter l’aversion des populations et les braquer contre Macky Sall. La fin justifiant les moyens.»

Par Madiambal DIAGNE – mdiagne@lequotidien.sn