Ulcérés par la mort de Mouhamed Fallou Sène, les étudiants des différents campus refusent de désarmer, même si tout le monde espère que la rencontre entre le chef de l’Etat et la Cnes de ce lundi permettra de régler les problèmes qui gangrènent nos universités depuis plus de 50 ans.

Sous un ciel complètement chargé, on guette la petite éclaircie pour espérer des lendemains moins agités. La rencontre de ce lundi entre le Président Sall et la Coordination nationale des étudiants du Sénégal (Cnes) (après l’audience accordée aux Saint-Louisiens et Dakarois) devra annoncer le temps qu’il fera dans nos universités prochainement. Il est certain que la revendication principale des étudiants paraît utopique, même s’ils partent du principe que les «responsables moraux» de la crise doivent être sanctionnés, mais ce serait un aveu de faiblesse de céder en limogeant les ministres Amadou Ba et Mary Teuw Niane, pris en grippe par la communauté étudiante alors qu’ils font partie des piliers de son septennat finissant.
Ils seraient naïfs de croire que M. Sall transigerait sur cette question qui reviendrait à réduire sa marge de manœuvre si une nouvelle tension publique arrivait à agiter l’environnement social. Pour preuve, le Président Sall n’a jamais accepté de se séparer de Serigne Mbaye Thiam malgré les demandes répétées des très puissants syndicats de l’enseignement. Pourtant, Macky Sall a montré où il s’arrêtera en limogeant juste le recteur de l’Université Gaston Berger et le directeur du Centre régional des œuvres universitaires de Saint-Louis (Crous). La Cnes le sait très bien, mais préfère hausser la pression et la tension pour maximiser les gains qu’il aura à récolter grâce à cette crise. Vu la situation actuelle, le Président Sall cédera sur tous les autres points de la plateforme revendicative (paiement des bourses à temps, baisse des tickets de restaurant, la prise en charge des blessés, l’organisation des assises pour des réformes au niveau de l’Ensei­gnement supérieur) pour s’éviter des mois de tension inutile qui risqueraient surtout de perturber son électorat. C’est cruel de le dire ainsi, mais chaque évènement ouvre de nouvelles perspectives politiques surtout qu’on est à 8 mois de la Présidentielle.
A la fin de l’audience, le ciel pourra être mieux dégagé et les esprits moins tendus, car les étudiants résistent à une pression populaire sous laquelle ils devraient se plier pour lever le mot d’ordre de grève illimitée, décrétée au niveau des différents campus. Mais l’Ugb n’est pas fonctionnelle et sa remise sur pied risque de prendre du temps. Oui, il sera long à Sanar où les différents services ont été mis à sac par des étudiants meurtris par la mort de Mouhamed Fallou Sène qui revendiquait juste sa bourse.
Cette dernière tragédie ouvre le débat sur le modèle de nos universités, secouées par les mêmes évènements, les mêmes revendications depuis 50 ans. On est arrivé à cette évidence : celui que nous avons choisi n’est pas très efficace. Par conséquent, il ne faudrait pas rater cette occasion de dépoussiérer les conclusions issues de la Concertation nationale sur l’enseignement supérieur (Cnaes) qui est allée au bout malgré les réticences (2013). Elle recommandait de redimensionner l’Ucad à sa capacité réelle, la maîtrise des flux rentrants, les transits et les sorties, et la délocalisation de certaines structures de l’Ucad dans le cadre d’une restructuration géographique, en renforçant la montée en puissance des universités actuelles.
En 2013, la Cnaes demandait de faire l’audit des bourses et la révision du système d’attribution des bourses d’excellence et des bourses sociales. «L’audit devra statuer sur des mécanismes d’attribution des bourses, sur la révision de la commission d’attribution et proposer un mécanisme de sécurisation du paiement régulier et à date des bourses», suggérait la commission dirigée par Souleymane Bachir Diagne qui a aussi insisté sur la formation du personnel chargé de la gestion (recteurs, doyens, chefs de département, Pats). Le constat est accablant : «Le personnel enseignant dans les universités exerçant des responsabilités administratives, du recteur au chef de département, gère leur structure sans au préalable avoir bénéficié de la moindre formation en management.» 5 ans après les réformes proposées, le temps n’a pas changé dans les universités publiques sénégalaises.
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