Les découvertes d’hydrocarbures au Sénégal présentent une opportunité pour la nation ouest-africaine de bâtir une véritable économie du pétrole et du gaz, basée sur une gouvernance inclusive et concertée du secteur. La découverte du champ pétrolier SNE par Cairn en 2014 fut la plus grande enregistrée cette année-là à l’échelle mondiale, et fut suivie en 2017 par la découverte du champ gazier Tortue dans les eaux sénégalo-mauritaniennes par BP et Kosmos Energy, où les réserves sont désormais estimées à environ 25 milliards de pieds cube. BP et Kosmos espèrent commencer la production de gaz à l’horizon 2021, tandis que Cairn pense pouvoir commencer à produire du pétrole à partir de SNE d’ici à 2022.
Ceci représentera une étape majeure pour l’économie sénégalaise. Les réserves de gaz découvertes sont telles qu’elles sont en mesure de propulser le Sénégal en acteur majeur de l’industrie du gaz en Afrique, et en potentiel hub régional et international pour les échanges de gaz naturel liquéfié (Gnl). L’industrie sénégalaise des hydrocarbures est toutefois très récente, le Sénégal ne produisant que des quantités très limitées de gaz onshore à partir de Diamniadio et Gadiaga. Si le futur des hydrocarbures au Sénégal est dès lors perçu comme une opportunité unique de consolider l’économie et permettre un effet de répercussion sur les autres secteurs de l’industrie sénégalaise, la menace d’une malédiction des ressources naturelles, qui a affecté tant de ses pairs sur le continent, pèse sur les consciences.
Etant donné l’expérience limitée du Sénégal en matière d’hydrocarbures, le développement de son industrie pétrolière et gazière ne pourra se faire qu’en invitant les compagnies et investisseurs étrangers à y apporter leurs capitaux et technologies. Dès lors, assurer des retombées positives pour l’économie locale et les Sénégalais devient un enjeu crucial pour la durabilité de l’industrie et la gestion sociale de ses projets. Rien que l’exploitation des gisements de SNE et Tortue devrait rapporter plus de 150 milliards de dollars, ou plus de 83 milliards de francs Cfa, d’après le Directeur général de Petrosen. Comment faire en sorte que ces revenus soient proprement gérés et redistribués ?
L’un des leviers principaux pour parer aux externalités négatives de l’exploitation des hydrocarbures est le développement d’un cadre juridique robuste et transparent, qui place le développement des capacités locales au centre de la politique sectorielle. «Une lecture de l’histoire récente de l’industrie énergétique mondiale montre que les compagnies internationales n’investissent dans l’industrie locale et le développement de ses capacités que si elles y sont obligées par la loi», nous explique NJ Ayuk, président de la Chambre africaine de l’énergie et PDG du cabinet Centurion Law Group, qui fut récemment responsable de la rédaction des cadres juridiques sur le contenu local en Guinée équatoriale et au Soudan du Sud. Le développement de ces lois doit donc être l’objet d’un débat public national. Le Sénégal l’a bien compris, et les concertations entre acteurs gouvernementaux et privés, locaux et internationaux, et la Société civile se sont multipliées depuis le début de l’année.
Les expériences régionales les plus récentes, telles que celles de la Guinée équatoriale, du Ghana ou même du Soudan du Sud, montrent l’importance du débat public, de la diffusion d’information et d’une préparation nationale avant même que les hydrocarbures ne commencent à être extraites du sous-sol. Les débats qui se sont déroulés au Sénégal depuis le début de l’année doivent maintenant s’inscrire dans une perspective régionale et se nourrir des expériences voisines et internationales, afin d’établir la feuille de route la mieux adaptée pour le développement du contenu local sénégalais.
A cette occasion, est organisé le 13 septembre prochain à l’hôtel Radisson Blu Sea Plaza à Dakar, un forum sur le développement du contenu local au Sénégal, sous la guidance de la Chambre africaine de l’énergie et du cabinet juridique Centurion Law Group. Organisé par les Conférences du Quotidien, le forum sera présidé par le Premier ministre Mahammed Dionne et rassemblera les acteurs de l’industrie tels que le COS-Petrogaz, Petrosen, Itoc, BP, Kosmos Energy, Cairn Energy, Abb, Far et Oryx Energies, ainsi que la Société civile, autour d’un programme d’une demi-journée de 16h à 19h. Le forum visera à formuler des recommandations précises sur le développement des capacités locales et la création d’emplois pour les citoyens sénégalais.