Madagascar, Maroc, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau : Mêmes causes, mêmes effets !

Madagascar, «la crise de l’eau» dont le bidon coûte un sixième du salaire moyen, les coupures fréquentes du courant et du gaz, la jeunesse descend massivement dans les rues pour dénoncer la corruption, alors que le pays, riche de minerais rares comme le cobalt, le graphite, le nickel, le manganèse, est intégré dans le «partenariat pour la sécurité des minerais rares» qu’imposent les impérialistes Us et Ue pour contrôler les ressources stratégiques et contrer la «route de la soi maritime» proposée par la Chine. L’impérialisme français, ex-puissance coloniale, cherche à maintenir ses «liens privilégiés» en y restituant trois crânes Sakalava dont celui du roi Toera, décapité en 1897, pour garder les îles éparses contre les décisions de l’Onu dont l’espace maritime est gorgé d’hydrocarbures, et contrôler le canal du Mozambique, voie maritime stratégique de l’Indo-Pacifique et l’Atlantique. L’intégration de Madagascar dans l’axe impérialiste Us/Ue est étendue à l’Etat génocidaire israélien qui arme et forme les forces de répression malgaches qui ont causé plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés, provoquant l’appel à la grève générale du mouvement ouvrier syndical.
Maroc, multiplication des manifestations populaires et de la jeunesse dont le déclencheur est un système public de santé qui laisse mourir 8 femmes enceintes à l’hôpital d’Agadir, tandis que le royaume dépense sans compter en infrastructures pour l’accueil de la Coupe du monde de foot de 2030. Le «mirage économique» chérifien cache de plus en plus mal la profondeur de la crise sociale que traverse ce pays, crise consécutive aux politiques libérales antisociales qui entraîne l’effondrement du pouvoir d’achat des ménages, la détérioration des services publics et la hausse du chômage, et perpétue l’appauvrissement, l’exclusion et la marginalisation de plus en plus de pans entiers du monde du travail. Sous couvert de propriété d’Etat, le monopole économique privé royal du Makhzen marocain est la source de l’enrichissement outrancier et des disparités sociales et territoriales. Le régime politique liberticide répressif fait que la rue est ainsi devenue le seul lieu d’expression du mécontentement légitime des travailleurs et des citoyens.
Les institutions élues du multipartisme royal donnent une apparence démocratique au royaume chérifien et sont de simples outils au service de choix économiques et anti-sociaux qui servent les intérêts du capital royaliste rentier et monopoliste impérialiste, faisant du Maroc un bon élève partenaire de la stratégie de pénétration renouvelée du capital financier Euro-Us-Israélien dans le reste du continent africain. Participent de cette lutte populaire, les manifestations en soutien à Gaza pour dénoncer le génocide perpétré par les sionistes et ladite «normalisation» des relations entre le Maroc et l’entité israélienne.
Côte d’Ivoire, Ouattara, arrivé à la Présidence sur les chars du 43ème Bima français, est devenu le Président des coups d’Etat permanents : 4ème candidature après une troisième qui était déjà constitutionnellement interdite, à la manière de Houphouët Boigny en 1950, détruisant le projet d’unité du Rda (Rassemblement démocratique africain) pour le mirage d’une «Côte d’Ivoire pas vache laitière de l’Afrique», mais du système néocolonial françafricain, Ouattara introduit le loup Cfa dans la bergerie de la monnaie panafricaine indépendante, l’Eco, en construction, et maintenant l’exclusion arbitraire de Laurent Gbagbo de la Présidentielle à venir. Les populations ivoiriennes, malgré le traumatisme des milliers de morts entre 2002 et 2011, reprennent le chemin de la mobilisation pour défendre la Constitution, l’Etat de Droit, et retrouver la voie vers la souveraineté nationale.
Guinée-Bissau, Embaló, cet autre émule du club des chefs d’Etat néocoloniaux de la Cedeao/Uemoa, thuriféraire, comme Tinubu du Nigeria, Ouattara de la Côte d’Ivoire, Talon du Bénin et le déchu Macky Sall du Sénégal, des sanctions dictées et même de la guerre par la françafrique, l’eurafrique et l’usafrique contre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, est aussi auteur d’un coup d’Etat anticonstitutionnel le maintenant au pouvoir au-delà de la durée légale de son mandat pour une candidature interdite par la loi fondamentale et le non-respect du vote populaire législatif donnant la majorité au Paigc.
Ces soulèvements populaires à Madagascar, au Maroc, en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau ont des causes qui mêlent revendications socio-économiques, démocratiques et de solidarité panafricaine sur fond d’exigence de la fin de la corruption des gouvernants multimilliardaires et de leur vassalisation à l’impérialisme Euro-Us.
Le vent souverainiste est le moteur actuel de la seconde phase de libération nationale et panafricaine. Partout, les peuples, en particulier la jeunesse, sont vent debout pour se réapproprier les richesses pillées par les firmes monopolistes capitalistes des Usa/Ue/G7/Israël par l’intermédiaire des bourgeoisies néocoloniales bureaucratiques d’Etat. Partout, le syndrome des mers, océans et déserts devenus des cimetières à ciel ouvert d’une jeunesse fuyant, par l’émigration, le chômage, la misère, les dictatures totalitaires de la mondialisation libérale, produit des prises de conscience souverainistes qui engendrent des soulèvements et insurrections populaires.
A l’instar des expériences souverainistes en cours de l’Aes et du Sénégal, faisons en sorte que cette seconde phase de libération nationale et panafricaine ne soit pas dévoyée, comme l’ont été les soulèvements populaires qui l’ont été en «conférences nationales africaines» dans les années 90, en «printemps arabes» en Tunisie et en Egypte, en «révolutions de couleurs» financées par l’argent de la Cia à travers l’Usaid/Ned, etc.
En effet, les mêmes causes produisent les mêmes effets, à savoir le ras-le-bol du mal-vivre du Peuple engendre nécessairement à un degré d’accumulation, l’explosion populaire des masses. Mais les solutions souveraines sont déterminées par la liaison dialectique entre le Peuple insurgé et l’offre alternative souverainiste de l’avant-garde politique pour le moment constituée par la petite bourgeoisie intellectuelle radicalement anti-corruption et animée par la volonté de conquérir la souveraineté nationale.
C’est le cas au Sénégal, où la résistance populaire à la répression du pouvoir libéral néocolonial s’est soldée par l’élection du candidat de Pastef à 54%, au Mali, au Burkina, au Niger où la résistance populaire contre l’occupation militaire et le double jeu de dupes des impérialistes françafricain, eurafricain, usafricain dans «la lutte contre le terrorisme» a été parachevée par les coups d’Etat souverainistes des fractions souverainistes des armées nationales, lesquelles ont ensuite souverainement panafricanisé la lutte contre la guerre de l’Otan par djihado-terroristes interposés avant le pas en avant panafricain qu’est la création de la Confédération de l’Aes.
Aucun processus révolutionnaire n’est linéaire, l’histoire évolue en dents de scie, mais la tendance dominante aujourd’hui, au contraire des années 80/99, est souverainiste dans le cadre du passage progressif du monde unilatéralement dominé par le capitalisme impérialiste de l’Europe puis des Usa au monde multipolaire qui impulsent ces alliances défensives protéiformes que sont les Brics + et l’Ocs.
Les peuples d’Afrique s’éveillent à la nécessité de la libération nationale et panafricaine, il faut que les sans-voix des classes laborieuses s’éveillent à leur tour à la nécessité de donner de la voix pour l’émancipation sociale, sans laquelle impossible de sortir du sous-développement néocolonial.
C’est l’objectif fondamental fixé et poursuivi par la naissance au Sénégal du cadre unitaire Samp Afrig, qui regroupe ce qui reste de la Gauche historique résistante et des forces anti-impérialistes panafricaines.
C’est aussi l’objectif de l’Organisation des peuples d’Afrique de l’Ouest -Wapo/Opao-, née à Accra en décembre 2022 pour s’opposer aux sanctions et à la guerre du club des chefs d’Etat de la Cedeao/Uemoa néocoloniale contre les peuples d’Afrique.
DIAGNE Fodé Roland