Lorsque Yassine Fall et Bamba Cissé arrivent à la Justice et à l’Intérieur, cela fait quelques semaines, le doute n’est plus permis : il n’y aura plus d’armes conventionnelles dans cette guerre ainsi déclarée.
Jusque-là, entre le régime et la presse, ça chauffe. Depuis hier, ça brûle.
L’irruption des gendarmes dans les locaux de la 7Tv, suivie de l’arrestation de Maïmouna Ndour Faye, le soir du mardi 28 octobre 2025, de même que celle de Babacar Fall, le lendemain matin, dans les locaux de la Rfm, tous deux coupables de tendre le micro à Monsieur Madiambal-des-Yvelines, sont ce que l’on peut considérer comme un casus belli.
Pourtant, il n’est rien de nouveau sous nos cieux : il faut s’y attendre depuis le 24 mars 2024, où c’est bouillant déjà pour les groupes de presse. Premières mesures du nouveau locataire du Palais : recevoir les Jeunes Reporters pour leur expliquer doctement à quel point leurs patrons les exploitent.
Les groupes de médias seraient quasiment des associations de malfaiteurs.
S’ensuit une batterie de mesures pour faire rendre gorge les deniers publics à ces épicuriens corrompus jusqu’à la moelle épinière, comprenez les patrons de presse. Ils n’y mettent même pas les formes : ça va du blocage des comptes via redressement fiscal à la rupture brutale des contrats signés par le régime précédent avec leurs acolytes des médias, en passant par l’érection des nouveaux critères pour identifier les titres légaux et les autres…
Déjà, avant l’avènement de Pastef, la messe est presque dite : en dehors de quelques francs-tireurs qui défendent bec et ongles le «Projet», tout le reste est une horde de corrompus que le régime de Macky Sall entretient à grands coups de pots-de-vin. L’abominable crime de tous ces vendus lapidés sur les réseaux sociaux par la meute des semi-analphabètes qui boivent goulûment la parole de leur gourou ? Etre libres de ne pas ingurgiter n’importe quel boniment.
Dans la haine des autres, bazardée à tous ces furieux qui en arrivent à détester leur pays, au point de se lever chaque matin en se demandant comment raser cette République, il y a, que l’on pointe du doigt, cette caste de salopards de privilégiés, en un mot les journalistes.
Les vrais, bien entendu, qui sortent de bonne école, usent d’un langage châtié et refusent de se prosterner devant l’icône absolue du moment : ah, le crime de lèse-majesté ! Depuis la Présidentielle de 2019, qui voit un invité-surprise arriver en troisième position derrière deux briscards de la politique, il y en a déjà qui ne comprennent pas que des médias osent proclamer des résultats qui ne les plébiscitent pas : leurs 15% d’électorat leur procurent déjà des hallucinations…
Et puis arrive l’affaire Sweet Beauté.
Là, aux yeux des nouveaux maîtres de l’opinion facile, ça passe du petit journaliste corrompu qui cire les bottes à Macky Sall, au bras armé du complot d’Etat. Bien sûr, Adji Raby Sarr, la kinésithérapeute de Sweet Beauté, aux doigts de fée, est une taupe téléguidée par les officines de la Présidence, pour torpiller la candidature du favori absolu de la présidentielle de 2024.
Ce n’est pas une première : après Karim Wade et Khalifa Sall, s’égosille-t-on chez les Patriotes, c’est au tour du Pros dont le «Projet», mûri à la sueur des quatre mille cadres éparpillés aux quatre coins du Globe, est la formule magique pour catapulter en deux claquements de doigts notre pays au premier rang des nations souveraines !
Ils ne laisseront pas perpétrer cette abomination.
La ceinture de feu du «Mortal Kombat» encercle ses maisons, à Dakar comme à Ziguinchor, pendant que les enseignes franchouillardes Auchan sont pillées aux cris de «France dégage» et les stations Total éteignent des débuts d’incendie. Ah, j’oubliais : toutes ces manigances de derrière les tentures du Palais cachent la main invisible de l’ancien colonisateur, auquel les «patriotes» résistent en usant et abusant sciemment d’un français de tirailleur… A n’en pas douter, une manière de ne pas faire oublier le martyre de Thiaroye 1944, que notre actuel Président n’hésite pas à glorifier, exigeant de la génocidaire France, toute la lumière sur cette ténébreuse affaire.
Dans cette bataille d’opinions entre la République et les insurgés, une identité remarquable : Madiambal Diagne choisit de se tenir du côté de la République que ses enfants égarés malmènent. A longueur de chroniques le lundi, il se dresse devant Pastef, afin de désintoxiquer l’opinion.
Problème : il s’adresse aux intelligences, quand le camp adverse parle aux émotions. Ils ne combattent pas sur les mêmes terrains dans un pays où, selon les statistiques, 57% des adultes sont analphabètes ou illettrés… Pire, les intelligences, dans la fournaise des événements, désertent les milieux intellectuels qui, lorsqu’ils ne se calfeutrent pas dans un confortable silence, s’aplatissent devant les maîtres de la rue.
Bien sûr, notre chère République en a vu d’autres depuis si longtemps.
Les Forces de défense et de sécurité feront leur travail et le calme reviendra au final. Ça se dirige donc paisiblement vers les élections, lorsque Macky Sall s’offre un dérapage contrôlé et une sortie de route. Il veut, dit-il, ramener la paix dans les cœurs, de même que Karim Wade et Ousmane Sonko dans le jeu électoral.
Quitte à tordre le cou à la Justice à grands coups de loi d’amnistie et de report d’élections. Le Président sortant fait pire dans la félonie : il torpille son candidat, soutient ses ennemis d’hier, auxquels il remet avec la conscience tranquille, les clefs du Palais, avant de filer au Maroc sans demander son reste.
Le tandem «Diomaye môy Sonko» installe ses pénates avenue Léopold Sédar Senghor.
Ils n’ont pas même le temps de prendre leurs aises au sommet de l’Etat que la guerre est déclarée aux médias classiques plus généralement, et à une de ses figures de proue en particulier, Madiambal Diagne. Il y a d’abord quelques convocations devant la police qui ne donnent rien. Ce qui a le don d’exaspérer le Premier ministre Ousmane Sonko, lequel a du mal à masquer son agacement.
«Ce pays a un problème d’autorité !», tonne-t-il, prenant à témoin ses militants et l’opinion. Le Président ne lui laisserait pas les coudées franches, pleurniche-t-il presque. C’est vrai que le dilemme du service après-vente est cornélien : comment, après avoir vendu la haine au peuple des 54%, ne pas terminer le travail en lui servant en offrande les symboles du régime déchu ? Cette bande de voleurs et d’assassins, de faussaires, ces laquais de la France à laquelle ils vendent depuis les indépendances sol, sous-sol et avenir de nos enfants…
Le bouc émissaire, cette belle manière de masquer ses propres insuffisances pour remettre les Sénégalais au travail et relancer une économie exsangue, sur laquelle malgré les fanfaronnades souverainistes, ça compte sur Paris et le Fmi…
C’est vrai, quelques lampistes croupissent en prison.
Mais le peuple de La Haine de l’Autre en veut toujours plus. Et de grosses pointures, de préférence. Moustapha Diakhaté, Farba Ngom, Mansour Faye, Lat Diop, c’est pas mal comme os à ronger, mais ce ne sont là que des lampistes… C’est connu : l’appétit vient en mangeant. C’est Macky Sall qui doit être poursuivi, mais le rigolo, pardon, le député qui présente la proposition, voit sa copie renvoyée. Badara Gadiaga, Abdou Nguer, également, c’est de la p’tite bière.
Le peuple de la Haine de l’Autre veut la tête de Madiambal.
En faisant arrêter l’épouse, les enfants et un de ses proches, c’est la guerre totale qui lui est déclarée. Seulement voilà : Madiambal n’est que l’arbre qui cache l’armée des journalistes dans le collimateur des pontes du régime. Déjà, deux lampistes arrêtés, d’autres suivront sans doute, pour un soupir malvenu sur un plateau de télé ou même une virgule mal placée dans une chronique.
Je fais confiance au sergent-chef auquel ça confie le Cnra et qui ne reculera sans doute devant aucune audace pour réussir la mission, ô combien exaltante, que ses supérieurs font l’honneur incommensurable de lui confier. En gage de garantie, il proclame avant même que ça ne lui soit demandé, la «tolérance zéro». Là, si ce n’était le zèle des gendarmes qui lui ôtent le pain de la bouche, il se ferait une joie de couper le signal de ces vomissures de chaînes qui ont l’outrecuidance de tendre le micro à un, euh, exilé de luxe, le grand Noir chauve des Yvelines.
Prononcer son nom en public peut valoir une application stricte de l’article 80…
Aux dernières nouvelles, Madiambal-des-Yvelines espionne même le ministre de l’Intérieur français, et les juges versaillais lui trouvent une bonne bouille au point qu’il n’a plus besoin d’émarger à la police.
Ça ne risque pas de plaire en haut-lieu, ici-bas ! Chienne de vie…
Problème : dans cette guerre où les armes conventionnelles semblent bannies, on sait comment ça commence mais pas comment ça finit. Déjà, des fuites venues des alentours de Versailles éclaboussent les tentures de la République d’une sordide semence. C’est oublier que l’homme, en plus d’être un redoutable chasseur de scoops, après avoir dirigé l’association locale des éditeurs de presse, préside deux mandats durant l’association des journalistes francophones. Un réseau de diffusion qu’il va être difficile à censurer depuis la Place Washington.
Question impie : qui est au courant d’un froncement de sourcil d’indignation de ces rats des médias de la Société civile, nos inévitables droits-de-l’hommistes ?