Il n’a pas fallu plus de 12 heures à Me Ciré Clédor Ly pour répliquer aux propos de Madiambal Diagne le mettant en cause dans ses ennuis judiciaires actuels. M. Ly, attaqué de manière frontale, n’a pourtant tenté d’apporter que des réponses biaisées. Là où le fondateur du groupe médiatique Avenir Communication et de la Sci Pharaon souligne que «cette procédure n’est judiciaire que de nom. C’est une opération politique pour chercher à déstabiliser et abattre un ou des adversaires politiques réels ou supposés. C’est un secret de polichinelle au Sénégal que le régime Pastef, avec comme chef de guerre le Premier ministre Ousmane Sonko, tient, coûte que coûte, à couper la tête à Madiambal Diagne et à chercher un présumé lien avec l’ancien Président Macky Sall, pour régler on ne sait quels comptes politiques ou personnels», l’avocat recadre : «La responsabilité pénale est individuelle. Toutes les personnes impliquées, quel que soit leur titre ou leur rang, seront tenues responsables des crimes de sang, des tortures, des traitements inhumains et dégradants infligés à une population civile, des séquestrations, détournements de fonds publics, blanchiment d’argent, favoritisme et autres infractions assimilées ou non encore dénoncées. Il en sera de même pour ceux qui faisaient l’apologie du crime contre l’humanité ou qui pourraient être poursuivis pour haute trahison.»

Le «silence» du fugitif et le «bruit du contumax»
On ne saisit pas comment cet échange a pu se cramponner sur ce chemin. Jusqu’à présent, il n’a pas été reproché à M. Diagne des crimes de sang, de tortures, ou même l’apologie de crime contre l’humanité. En tout cas, nous n’avons pas encore eu connaissance de telles incriminations. Mais le fait même que le conseil du Premier ministre ait pu parler de cela, donne du poids aux déclarations de Madiambal qui soupçonnait un «complot d’Etat» mis au point depuis les officines du Premier ministre, en compagnie de son avocat. Mais face à cela, Ciré Clédor Ly ne pourra que sortir une phrase : «Gardons-nous enfin de prendre la parole publiquement lorsqu’on a un statut de fugitif.» Et c’est là encore le caractère tordu de l’argumentaire de l’homme de Droit. Ciré Clédor Ly semble avoir oublié le nombre de fois où il est monté au créneau pour défendre un client considéré comme contumax, pour avoir refusé de déférer à une convocation du Tribunal, et qui a préféré se faire juger in absentia.
Il faut croire que même en Droit, ce qui était légitime hier est devenu absolument illégal et indéfendable de nos jours. On se rappelle combien de fois les partisans de Pastef, derrière les avocats de leur client, se sont indignés de la séquestration de leur client à son domicile, qui affectait la famille de ce dernier dont de petits enfants. Quel Sénégalais ne s’est pas ému de voir Ousmane Sonko déplorer que son fils ait raté son Bac, du fait de la situation traumatisante dans laquelle sa famille vivait les évènements dramatiques entourant leur patriarche ? Aujourd’hui, plein de personnes trouvent normal que, pour punir une personne considérée comme adversaire politique, son épouse malade ainsi que ses enfants se retrouvent embastillés sous des prétextes qui ne convainquent même pas ceux qui ont proféré leurs accusations.

Main basse sur un patrimoine
Mais il faut alimenter le dossier, car le «conseiller juridique» Ciré Clédor Ly le dit : «Justice sera rendue au Peuple sénégalais. C’est une nécessité et une exigence sociale urgente, qui implique une purge dans l’Administration et l’exercice du pouvoir par les artisans de la Révolution.» Il faudra donc frapper partout où la «main de la Révolution» va arriver. Pour que les «sacrifices» de ces «artisans de la Révolution» ne soient pas vains, on va dépouiller Madiambal et sa famille de tout leur patrimoine immobilier. Tant pis si cela peut passer pour de la confiscation, car ces biens immobiliers ont été acquis, pour certains, depuis plus de 20 ans.
Pour rappel, c’est en 2001 que Madiambal a acquis et construit son immeuble de la Cité Djily Mbaye. Macky Sall n’était ni ministre ni Premier ministre. Sa maison de Yoff-Virage, elle, a été acquise en 2005, tandis que le terrain du fameux immeuble de 16 étages, qui fait couler tellement de salive et d’encre, a été acheté en 2016, et le gros œuvre terminé en 2020. Une simple observation chronologique démontre que tous ces biens ont été acquis antérieurement à la création de la Sci Pharaon, objet de moult spéculations.
Quoi qu’il en soit, Madiambal Diagne assure avoir déposé auprès de ses conseils et des notaires, toutes les pièces justificatives de la licéité de ses possessions. Quand il le jugera nécessaire, il va les présenter à qui de droit. Et tel qu’on le connaît, le personnage n’a pas pour réputation de reculer devant ses responsabilités. Et sur ce point, on peut rappeler le cas de Tahibou Ndiaye, l’ancien directeur du Cadastre, jugé et condamné par la Crei. En son temps, c’est un des clients de Me Ly qui n’hésitait pas à monter au créneau pour justifier l’importance dudit patrimoine. A l’époque, l’inspecteur des Finances Ousmane Sonko estimait que par rapport à son travail, M. Tahibou Ndiaye n’était pas payé à sa vraie valeur. On ne va pas lui rappeler aujourd’hui ses propos quant au traitement de certains fonctionnaires. Et bizarrement, parmi ces fonctionnaires trop bien payés, on ne remet pas en cause le traitement des agents de la Dgid, du Trésor ou de la Douane… Et Madiambal, qui n’a jamais travaillé dans l’Administration fiscale, ni avec des structures de l’Etat, n’aurait pas droit à un patrimoine similaire.
Cela fait donc sourire aujourd’hui de voir l’avocat international M. Ly s’interroger à l’entame de sa diatribe : «La peur aurait-elle changé de camp ?» Naïvement, on peut se demander quel était le camp de la peur, avant que celle-ci ne déménage. Nous avions toujours cru que le peuple patriote, qui a offert son corps en barrage pour «protéger le Projet», n’était habité que par le sens du sacrifice. Et si peur il y avait, ce devait être du côté des sbires de Macky Sall. Nous serions-nous trompés, Maître ?
Toute ironie mise de côté, cette question d’erreur commence à tarauder beaucoup de citoyens, et pas seulement les 46% d’aveugles qui n’ont pas voté pour le sens de la Solution vers le Développement. Depuis près de deux ans, il est reproché au pouvoir sortant de Macky Sall d’avoir placé le Sénégal dans les voies de la régression économique et morale. Il ne se passe pas de jour sans que le Premier ministre ne nous rappelle que son régime a trouvé les caisses de l’Etat vides et des chiffres falsifiés sur la dette du pays et le taux d’endettement. Depuis, le pays a enregistré un tsunami.

Une économie qui se délite
Le Fonds monétaire international, qui a été accusé de couvrir les «turpitudes» de M. Sall, a préféré stopper net une coopération économique jugée des plus exemplaires par tous les partenaires. Du jour au lendemain, le Sénégal s’est retrouvé comme la Guinée le 29 septembre 1958, juste après la proclamation de l’indépendance et le départ des Français. Le Fmi a cessé tout décaissement, entraînant dans son sillage le gel de tous les appuis bilatéraux des pays de l’Ocde. Si le Sénégal parvient encore à garder la crédibilité de sa signature, en payant sa dette extérieure, il le doit à d’énormes sacrifices de la part de sa population.
Aujourd’hui que nos dirigeants ne savent plus quelle position adopter pour convaincre l’institution dirigée par Mme Kristalina Georgieva de revenir, après l’avoir regardée de haut, tout le Sénégal voit l’économie se déliter et la situation sociale et économique se détériorer. L’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) a noté, au second trimestre de cette année, une «baisse du nombre d’employés salariés dans le secteur moderne hors Administration publique». Si l’on parle ici d’emplois perdus, on n’a pas encore commencé à dresser le tableau de salariés qui courent après leur rémunération. Et il ne s’agit pas ici que de la presse et des médias, à l’exclusion des «bien-pensants» que l’on présente comme des «médias du Projet». Ces derniers n’ont pas de soucis de fin de mois.
Pour les autres, comme pour des travailleurs de certaines entreprises des Btp, la galère est un navire tous les jours plus large. Pour beaucoup, c’est une situation due aux arriérés des paiements accumulés par les pouvoirs publics. Des sociétés ayant pignon sur rue, comme la Cde, Ecotra ou Teyco, voient leurs employés occuper les salles de rédaction pour s’épancher sur la situation de misère qu’ils connaissent.
A côté de cela, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, montrant des «journalistes du Projet» qui s’expliquent à coups de poing et de gourdin, sur «la répartition des conventions» signées avec des annonceurs. Donc, Me Ciré Clédor Ly, les «Révolutionnaires» n’attendent-ils pas encore de produire les fruits de la prospérité avant de commencer à s’arracher entre eux-mêmes le pain de la bouche ?
Par Mohamed GUEYE / mgueye@lequotidien.sn