A 75 ans, le Khalife général du Fouladou a tiré sa révérence dans sa ville natale de Médina Gounass, au Sud Sénégal, tôt le matin d’hier mardi. Thierno Ahmadou Baldé a dirigé une communauté de fidèles musulmans tirée entre l’impératif de faire la paix avec leurs voisins toucouleurs et la soif de retrouver la voie de Dieu par l’enseignement du Coran et des sciences islamiques. Il a été remplacé par Thierno Mounirou Baldé, son jeune frère.Par Abdoulaye KAMARA –

La cité religieuse de Médina Gounass a perdu l’un des 2 khalifes. Le Khalife général du Fouladou, Thierno Ahmadou Saïdou Baldé de Madinatoul Houda, a tiré sa révérence tôt le matin d’hier aux environs de 4 heures. Il a été inhumé le même jour après la prière de 17 heures dans sa mosquée. C’est peu dire que les rues de cette cité religieuse du département de Vélingara, au Sud du pays, se sont révélées trop étroites pour accueillir la foultitude de fidèles, parents, disciples, amis et admirateurs du défunt érudit, avec leurs moyens de locomotion de toutes sortes.

Né en 1947 à Médina Gounass, Thierno Ahmadou est allé rejoindre les cieux comme il a vécu : dans la discrétion et en toute connaissance de son destin de mortel. Selon des proches, il a travaillé avec ses disciples dans ses champs jusque dans la soirée du lundi, après 17 heures. Ayant senti un malaise, il a demandé que l’on vienne le récupérer en voiture. Tout en prenant le soin de demander aux disciples de ne pas être pris de panique ni tenter de quitter les champs pour cette raison, et surtout à avoir à l’esprit qu’ils pourraient ne plus le revoir. Ce qu’il prévoyait arriva. Sans grand bruit, dans la discrétion. Comme il a vécu auprès de ses parents dans la cité de Médina Gounass où l’érudit peulh fouladou naquit en 1947. Selon des talibés que Le Quotidien a approchés, «Thierno est un homme multidimensionnel, un intellectuel, très à l’aise dans les sciences religieuses comme dans les sciences profanes. Il comprend bien la marche du monde et très tolérant par rapport à certaines travers de la jeunesse». Il est le premier khalife de cette communauté. Car du vivant de son papa, la cité n’avait qu’un seul khalife, du nom de Thierno Mamadou Saïd Bâ, père de l’actuel khalife toucouleur, Thierno Amadou Tidiane Bâ.

A la suite de malentendus entre la communauté peule Fouladou et les peulhs qui venaient du Nord du pays dont le nombre grossissait année après année, surtout après la sécheresse de 1972, la cité connut des affrontements ethnicistes sanglants, meurtriers, par endroits, au début des années 80. «Homme de paix, il enseigna à ses fidèles, les vertus de la paix et surtout à s’abstenir de provocation et de ne répondre ni à la provocation ni au sentiment d’injustice», témoigne Mamadou Baldé, professeur de philosophie.

A ce dernier d’ailleurs, Thierno Ahmadou a confié la tâche d’écrire sa biographie. «Une tâche à laquelle je vais consacrer désormais une partie de mon temps», dit «Baldé philo», comme on l’appelle communément à Vélingara. Dans sa détermination à défendre la communauté Fouladou et de promouvoir la langue peule (variant de la localité), selon l’inspecteur de la jeunesse, Abdoulaye Seydi, «dans ses sermons, il ne manque pas de rappeler les valeurs du travail et d’abhorrer la paresse qui est le principal facteur de pauvreté d’une société». M. Seydi poursuit : «Dans son objectif de réhabiliter la langue pulaar, il a créé un nouvel alphabet appelé «wuur nafa», parce que, croit-il, l’alphabet pulaar, calqué sur le modèle occidental, avait des insuffisances. «Wuur nafa» prend en compte la réalité linguistique peule du Fouladou.  Soucieux du progrès de sa communauté, le vénéré khalife a également trouvé des appellations pulaar à tous les outils modernes. C’est le cas pour la télévision, la radio…» Thierno lui-même tenait une école d’enseignement du Coran de plusieurs centaines de disciples de tous les âges. Sa communauté a donné à la cité religieuse, le nom Madinatoul Houda en lieu et place de Médina Gounass.
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