Homme de confiance du président de la République, Mahammed Boun Abdallah Dionne a été sans surprise reconduit hier comme Premier ministre après sa démission du mardi. Beaucoup de facteurs peuvent expliquer ce choix du président de la République.
«Par décret numéro 2017-1531 en date du 6 septembre 2017, et conformément à la Constitution, notamment en ses articles 43 et 49, Son Excellence M. Macky Sall, président de la République, a nommé Monsieur Mahammad Boun Abdallah Dionne Premier ministre de la République du Sénégal.» Fini le suspense qui n’a finalement duré que moins de 24 heures. Fidèle et sobre, les superlatifs pour qualifier la posture du Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne à l’égard du Président Macky Sall peuvent se résumer à deux notions. Reconduit hier à la tête du gouvernement, ce technocrate de 58 ans possède une qualité qui est rare en politique : la fidélité en toute épreuve.
Avec lui, Macky Sall sait qu’il ne court pas le risque d’être concurrencé au sommet de l’Etat. Une situation dont le président de la République a du étouffer sous les magistères de ses 2 précédents Premiers ministres. Avec Abdoul Mbaye, le président de la République a souffert d’une crise d’autorité. Très imbu de lui-même et de sa filiation, le Premier ministre Mbaye donnait le sentiment d’oublier que ce ne sont pas ses qualités intrinsèques qui l’avaient conduit au 9ème étage du Building administratif, mais plutôt la volonté de celui qu’il se permettait de toiser. Sans compter d’autres conflits d’ordre parfois technique. On se rappelle le coût de la réfection du building administratif que le Premier ministre d’alors avait jugé exorbitant, alors que c’est lui-même qui avait passé l’appel d’offres et supervisé le choix de l’opérateur. Des divergences avec le patron de l’avenue Léopold Sédar Senghor qui l’avaient perdu.
Fragilisée par sa défaite lors des Locales de juin 2014 à Grand-Yoff, Aminata Touré commençait à devenir une personnalité encombrante à côté du président de la République. Tête de gondole de la traque des biens mal acquis, elle faisait parfois de l’ombre au Président. La réputation de «Dame de fer» qu’elle s’était forgée au cours de cette traque, lui avait fait penser qu’elle était devenue intouchable au cœur de l’Etat. Un risque de ce genre n’est pas à craindre avec l’actuel Pm.
Mahammed Boun Abdallah Dionne place le Président Sall au début et à la fin de toute chose. En plus, si les Premiers ministres connus depuis 2000 avaient pour la plupart, la volonté de se construire une solide base politique, ce n’est pas le souci de Dionne. Ce dernier qui regarde le rétroviseur, sait que cette donne a perdu ses prédécesseurs à la Primature. Idrissa Seck (Thiès), Macky Sall (Fatick) ou Aminata Touré (Grand-Yoff) ont quasiment dû leur disgrâce à ce sentiment. Souvent, il leur est reproché de lorgner le fauteuil du chef. Même à Gossas où il est né, l’actuel Premier ministre ne s’est jamais implanté politiquement. Grâce à cette situation, il s’est mis à l’écart des coups bas entre camarades de parti au sein de l’Apr, dans le cadre de guerres de positionnement.
En outre, le président de la République sait aussi qu’il peut compter sur un homme qui a été déterminant dans la large victoire de Benno bokk yaakaar aux dernières Législatives. Car ce n’est plus un secret : Dionne est devenu un homme politique. Et là aussi, il faut aussi relever que Macky Sall n’avait pas les coudées franches. Primo, il ne pouvait pas avoir meilleur profil au risque de donner l’impression que l’action du gouvernement ne marche pas depuis 5 ans. Secundo, limoger Boun Abdallah Dionne pour le caser où ? Sachant que le Perchoir de l’Assemblée nationale a été promis à Moustapha Niasse, ce choix semblait évident. En vue de l’élection présidentielle de 2019 et au moment où un gouvernement très «politique» est annoncé, le meilleur profil, selon le Président, pour sortir de terre les réalisations du gouvernement et se préparer un bilan solide à présenter aux électeurs, n’était autre que Mahammed Boun Abdallah Dionne qui maitrise bien le plan Sénégal émergent.
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