Le vendredi 5 avril 2024, il avait été décidé par le Décret Divin du Tout Puissant, Allah notre Créateur, que vous répondrez bien présent cette fois à son rappel, après bien d’autres différés et suite à de mortelles circonstances qui ont jalonné votre vie. Combien de fois vous avait-t-on déclaré pour mort ? Devrions-nous vous rappeler ce tragique accident de voiture mortel ? Vous étiez le seul rescapé avec de graves blessures, dans un profond coma avec un pronostic pessimiste.
Ce drame vous avait ravi l’affection d’êtres qui vous étaient très chers : votre père, votre brillante sœur promue à un brillant avenir et votre belle-sœur. Tous ceux qui ont connu cette silhouette, cette démarche altière, ce regard grave, cette allure pleine de vie se sont posé cette même question : Comment ? Pourquoi ? C’est que les Sénégalais, hommes, femmes, enfants, vieux des villes et des hameaux les plus reculés du pays, dans leur vécu quotidien vous avaient toujours intégré en leur sein comme un fils, frère, mari, ami modèle.
«L’unanimité n’existe que chez les peuples de dieux et d’esclaves», dit-on. La vérité est que la majorité des Sénégalais, acteurs sociaux, hommes politiques même de l’opposition, dans leur majorité, vous témoignent de votre sincérité, de votre honnêteté intellectuelle constantes. Et que dire de votre esprit patriotique, rassembleur et pacifiste, qui a bien contribué à préserver notre Coalition Benno bokk yaakaar, grâce à vos nombreuses discrètes médiations et conciliations, sans l’implication de monsieur le Président ? Il en fut de même pour d’autres conflits sociaux avec les syndicats, les groupes d’intérêt, comme ce fut le cas lors de la démolition des maisons de la Cité Tobago. La vie des bonnes gens ne nécessite point qu’on en parle. Elle parle d’elle-même. S’il était permis de le faire, Mahammed, sans risque de nous tromper, nous dirions ceci de vous. Populaire, vous êtes resté peuple. Vous n’avez jamais chanté, bonne naissance oblige, cet air du temps qui s’appelle l’arrogance, snober ses anciennes connaissances. Vos anciens compagnons d’enfance de Gossas, de Fann Hock, vos camarades de l’école primaire à Diourbel, Tivaouane, Pikine, Sacré-Cœur, des lycées Vanvollen Hoven, Charles de Gaulle, Faidherbe de Saint-Louis ne nous démentiront pas. Cher cadet, il en fut de même en France avec votre frère aîné Cheikh Dione où vous étiez venu poursuivre de brillantes études supérieures. Vos voisins de la rue Robert Turquen que nous, étudiants en France à l’époque connaissions bien, ont gardé de vous l’image d’un homme élégant, affable. Ces qualités vous ont suivi partout où le devoir vous a appelé comme feu votre père, l’un des premiers commissaires de police d’avant-indépendance, au gré de ses affectations : Ibm France, la Bceao, directeur, puis chef du Bureau économique avec rang de ministre-conseiller à Paris , où vous avait retrouvé le Président Abdoulaye Wade, un vieux ami et camarade de la fameuse Ecole William Ponty de feu votre père qui vous a ramené à Dakar. Commença alors une nouvelle aventure avec de nouveaux défis. Vous avez été tour à tour directeur de Cabinet de M. Macky Sall, Premier ministre puis Président de l’Assemblée nationale et président de la République du Sénégal avant de rejoindre l’Onudi en Algérie. Le surnom de Dc (Directeur de cabinet) que nous membres à l’époque du groupe très restreint de compagnons du Président Macky, vous avions affublé même dans vos fonctions de ministre, Premier ministre intriguait beaucoup de personnes. Vous nous aviez expliqué que ce vocable avait une autre signification en termes de conduite et devoirs que l’homme de Ngalick votre oncle et beau-père, l’ambassadeur Massamba Sarré, vous avait toujours rappelé : «quand tu es directeur de Cabinet tu dois donner des gages de loyauté et de fidélité, consacrer tout ton temps exclusivement dans ton travail et te dissoudre ( en ouolof «Del Seeye» dans la personne du patron», mot que vous utilisiez pour parler du Premier ministre d’alors devenu chef de l’Etat). Vous comprendrez alors cher frère cette foule composite d’hommes, de femmes et de jeunes, adultes, vieux, de condition modeste, qui ont tenu à vous faire cette ultime haie d’honneur tout au long du parcours de cet impressionnant cortège, malgré la douleur, le désarroi qui se lisaient sur leur regard éploré et leur mine triste jusqu’à votre dernière demeure à Touba. L’on dit souvent que l’on tient toujours de son «Toureundo» (homonyme) au moins sept caractères. De votre illustre et vénéré homonyme, le Prophète Mohamet Psl, nous retiendrons de vous ces qualités : la foi, malgré de nombreuses épreuves la piété, le courage, l’endurance, la bonté, la générosité, la politesse, la courtoisie, l’érudition, l’honnêteté, la loyauté, la sincérité. Que votre prénom vous fût prédestiné ou non, peu importe ! Vous avez toujours fait vôtre cette noble pensée de l’Abbé de Tour, Rabelais pour le citer : «Fais ce que tu voudras, parce que gens libres bien nés, instruits, honnêtes, ayant par nature un instinct aiguillon qui toujours te pousse à faits vertueux, parce que retirés du vice, lequel on nomme honneur.» Ils étaient tous là : les vieux amis, personnalités religieuses, politiques, toutes confessions, confréries, chapelles confondues, citoyens anonymes : le nouveau Premier ministre, les ministres, maires, députés, conseillers autour de votre cercueil, tous unis dans la douleur et le recueillement. Cette union des cœurs et des esprits si chère au président de la République Macky Sall pour un Sénégal uni, de tous, pour tous dans les moments de joie comme dans les moments d’affliction nationale, comme c’est le cas aujourd’hui devrait être une constante en chacun d’entre nous. Ce serait profaner votre sépulture, si à peine sorti du cimetière où vous reposerez désormais l’on se mettait à nouveau à insulter, à dénigrer, à mentir. La pensée qui devrait animer chacun d’entre nous devant votre tombe fraîchement comblée est la suivante : à qui le tour demain ? Sommes-nous meilleurs que vous ? Non ! « Mors ultima ratio» : «La mort est la raison finale de tout.» La haine, l’envie, tout s’efface au trépas. Nous mourrons tous un jour ! Vous constituez à la fois la vitrine et le miroir aux serviteurs de l’Etat, anciens premiers ministres, ministres, fonctionnaires reconvertis en opposants en leur rappelant cet adage millénaire comme quoi «la parole est d’argent, le silence est d’or». Ce que le Président dans ses formules dont il avait l’ingéniosité parlant de Ousmane Tanor, un autre grand homme, disait : «Vous aviez de la tenue et de la retenue, parce que conscient des règles d’éthique et de la gravité des charges qui incombent aux serviteurs de l’Etat et de la République. Votre carrière administrative du début à la fin est comme une leçon de déontologie post-mortem pour tout agent public soucieux du bien commun. Vous êtes un homme de grande courtoisie. Votre sérénité et votre dignité ne sont jamais prises à défaut, dans le pouvoir comme dans l’opposition.» Vous avez toujours fait vôtres les vertus cardinales d’un homme politique par accident, digne de ce nom et qui hélas ne court plus les rues : Tu ne mentiras point ! Tu n’offenseras point ! Ceux de vos proches qui vous ont connu depuis votre jeune âge l’ont confirmé. «Tout devoir aux autres, et ne rien devoir à soi-même», telle fut votre pénible et noble charge dans votre existence. Vous êtes parti presque à l’âge du Prophète (Psl).
64 ans, tout de même, ce n’est pas beaucoup dans la vie d’un homme débordant d’énergie comme vous. Mais vous les avez vécus pleinement en homme accompli, sacrifiant votre santé, emportant avec vous, les secrets d’Etat et la reconnaissance de la Nation. Mahammed, c’est la Nation entière qui vous pleure aujourd’hui, vous qui avez tout donné à votre Peuple. Vous êtes parti rejoindre au Panthéon les illustres hommes qui ont marqué l’histoire politique du Sénégal. Devant Dieu le Tout Puissant, votre père Ibra, votre mère Marie Thiam vous pourrez bien dire : «J’ai fait ce que j’ai pu.» Vos parents et vos compatriotes diront à leur tour : Gloire à notre fils ! Et quoi d’autre ? Avec votre disparition, c’est la pudeur et la décence républicaines qui sont orphelines. Vous laissez une brave et fidèle épouse Mme Katy, digne fille de votre oncle, l’illustre ambassadeur Massamba Sarré, toute la famille de Gossas, de feu Adama Thiam, du Walo , de Mbenguene Boye où votre ancêtre, le prince et mystique, Maïssa Wali Dione, fit parler Ndiadiane Ndiaye. Grand merci à Nancy Ba, l’épouse de votre frère Cheikh Dione et votre cousin Assane Diokhané. Merci encore M. le Président Macky d’avoir toujours manifesté affection, respect et considération à votre ami et frère jusqu’au bout et au-delà envers votre compagnon, en veillant sur lui et sa famille jusqu’à sa dernière demeure. «Dulce et decorum est pro patria mori» : «Il est doux et beau de mourir pour la Patrie.» Ainsi chantait le poète. Mahammed, vous nous laissez à titre de consolation un héritage plus riche qu’un enfant, puisque éternel : Le Plan Sénégal émergent (Pse), une référence mondiale que vous avez déroulée avec votre cœur généreux, votre esprit lumineux et un génie hors du commun en y consacrant toute votre énergie jusqu’à votre dernier souffle. Vous pouvez dire dans un grand soupir qu’avec cet outil d’émergence qui fait école aujourd’hui en Afrique et ailleurs, au vu des réalisations visibles partout et le nouveau visage du Sénégal depuis vos fonctions à la tête du Bos et de Premier ministre que «la montagne n’a point accouché d’une souris» ; que «les fruits ont bien tenu la promesse des fleurs». Cher frère, votre générosité ne nous a jamais fait défaut. Le cœur aujourd’hui étreint par un gros chagrin avec cette grande perte, nous sommes très fiers de vous avoir connu. Merci pour tout Mahammed. Reposez en paix et que la terre de Touba vous soit légère. Amen !
Djibril WAR
A LIRE AUSSI...