Qui l’eût cru ? Au Sénégal, pays de démocratie où la liberté d’expression est une réalité, un journaliste attaqué parce qu’il aura fait son boulot en toute bonne conscience ! Plus inattendu, une jeune patronne de presse qui, après un entretien avec une personnalité publique, se fait poignarder devant son domicile par un ogre surgi de nulle part ! On a vu des cameramen malmenés par des éléments des Forces de défense et de sécurité, des journalistes convoqués à la Division des investigations criminelles ou bien même incarcérés pour des motifs variés, plus ou moins vérifiables. Mais attenter à la vie d’une actrice des médias, en dehors de toute manifestation d’ordre politique ou citoyen, cela me paraît inédit, alarmant et inadmissible.

Voilà une occasion que la presse nationale doit saisir pour se mobiliser comme un seul homme contre un danger qui menace le quatrième pouvoir à qui on cherche à fermer les yeux et à clouer le bec. On a trouvé qu’il était intolérable de couper le signal d’une télévision, inacceptable de lui retirer sa licence. Que dire du crime perpétré contre l’attachante MNF ? Pour que cela ne se reproduise plus, il est urgent que tous les verbivores, communicateurs traditionnels, folliculaires de tout acabit, et même animateurs de radio et de télévision, se rassemblent en une Journée de ville sous presse libérée.

Qui est le monstre qui a souillé ses mains avec le sang de Maïmouna admise aux urgences ? Ne sait-il pas que l’égérie de 7Tv n’est qu’une voix parmi tant d’autres dont les plus écoutées se font l’écho de la Voix inextinguible de la Vérité ? Impossible de l’étouffer ! Aucune issue pour échapper à son harcèlement quand on n’a ni les mains propres ni la conscience tranquille !
Les politiciens, accros du pouvoir et gueulards de l’opposition radicale, doivent comprendre que c’est une presse libre, indépendante et objective qui crée l’équilibre dont un pays émergent comme le nôtre a besoin pour clopiner vers une démocratie majeure et un Etat de Droit.

L’autre jour, je matais une fiction cinématographique où Jack Bauer tenait le rôle du Président des Etats-Unis d’Amérique, après l’assaut du Capitole. A une journaliste qui avait diffusé de fausses informations et craignait de se voir retirer sa carte d’accréditation, il a dit, en substance : «Tu peux la garder, ta carte. La vitalité d’un pays est à la mesure de celle de sa presse qui informe avec honnêteté.»

Comme par hasard, jeudi matin, vers 13 heures, j’ai parlé à Maïmouna Ndour Faye. Une équipe de la 7Tv était venue à domicile m’interroger sur le sens du mot «dialogue». Je l’ai appelée pour la féliciter et l’encourager pour le travail qu’elle abattait, mais aussi pour lui suggérer de faire une place à la culture et à l’éducation, des rubriques devenues les parents pauvres des émissions de radio et de télévision où la politique, la musique et le sport envahissent tout.

Inutile de chercher très loin les motifs de l’agression. Ils sont inéluctablement d’ordre politique. Or, la politique, au Sénégal, s’est davantage et gravement corrompue à partir du jour où le Président Diouf, excédé comme l’est aujourd’hui Macky Sall, a déclaré : «Jàkka jaa ngi noonu, ku mmën na nodd !» Le résultat, notre petit pays couve plus de 300 partis dont l’écrasante majorité n’a ni siège ni assez de militants pouvant remplir une cour de concession. Plus écœurant, n’importe quel guignol se voit dans un rôle de ministre, de député, voire même de président de la République !

Les animateurs d’émissions politiques devraient bien revoir leur casting. La politique, même si c’est un jeu, n’est ni un jeu d’enfants ni un jeu d’ignorants prétentieux et d’impertinents orduriers. Plutôt que d’inviter des cracheurs de gros mots stériles et des personnes ne cherchant que de la visibilité, mais n’ayant rien de profitable à partager avec l’auditoire et les téléspectateurs, il vaut mieux faire appel aux vrais acteurs de la vie politique et à des citoyens responsables dans d’autres domaines de la vie publique. Sans quoi la politique ne se contentera pas de nous diviser. Elle nous étouffe déjà et va bientôt nous conduire à nous entretuer !
Marouba FALL
Professeur de Lettres modernes à la retraite
Ecrivant, poète, romancier et dramaturge
marouba_fall@yahoo.fr