Afin de faire face aux nombreux défis politiques et opérationnels du maintien de la paix, un Nouvel agenda pour la paix (Nap) sera présenté fin 2024 par le Secrétaire général des Nations unies. Ce projet, qui a pour objectif de repenser la façon dont l’Onu endosse son rôle de garante de la paix et de la sécurité internationales dans un monde en mutation, s’inscrit dans la lignée de l’Agenda pour la paix établi en 1992 par le Sg de l’Onu de l’époque, Boutros Boutros-Ghali. Les orientations du Nouvel agenda pour la paix ne sont pas encore connues avec précision. Néanmoins, au regard des réflexions engagées depuis plusieurs années, ce document pourrait acter un renforcement significatif du rôle de l’Union africaine (Ua), d’autres organisations sous-régionales, ainsi que des pays contributeurs de troupes issus du continent dans la gestion des crises en Afrique, en collaboration avec les Nations unies.

En 2017, par exemple, l’Onu et l’Ua ont adopté un Cadre commun Organisation des Nations unies-Union africaine pour un Partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité visant à établir une coordination et une coopération étroite entre les deux organisations pour prévenir, gérer et régler les conflits violents. Depuis, les relations entre les deux organisations ont continué à faire l’objet de débats importants au sein de leurs instances respectives. A cet effet, deux nouveaux textes structurants -un premier du Comité spécial de maintien de la paix (C34) contenant des recommandations sur l’avenir et les modalités du renouvellement du partenariat, et un second en provenance du Secrétariat général des Nations unies portant sur le financement des opérations de soutien à la paix menées par l’Ua- devraient être rendus publics dans quelques semaines.

Si, comme les éléments susmentionnés le laissent présager, le Nouvel agenda pour la paix s’oriente vers la formalisation du recours à un nouveau modèle d’opérations africaines, militaires et civiles, d’imposition et de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies, leurs contours et modalités restent à définir. Dans cette optique et pour mieux répondre aux besoins du continent, il apparaît impératif que l’Onu et ses partenaires commencent par dresser des bilans et tirer les leçons des opérations de paix multidimensionnelles menées en Afrique (Minusma, Monusco, Minusca, Fisnua).

Par ailleurs, il est aussi important d’identifier clairement les défis auxquels l’opérationnalisation de la Force africaine en attente (Faa), créée en 2003 par le Conseil de paix et de sécurité de l’Ua, sera confrontée, en tenant compte, entre autres, des résultats portés par la Mission de l’Ua en Somalie (Amisom et Atmis).
En marge d’une rencontre tenue à Dakar la dizaine du mois de mai 2023, et portant sur «les défis politiques, capacitaires et opérationnels de la mise en place d’une force de paix africaine sous mandat onusien», Youssef Mahmoud, ancien Représentant spécial pour la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, insistait sur les «perspectives de prise en compte des opérations de maintien de la paix dans l’élaboration du Nouvel agenda pour la paix, sur lequel travaille actuellement le Secrétariat des Nations unies». Dans son analyse portant sur les premières informations existantes sur la teneur de ce nouvel agenda, à l’orée des besoins actuels et futurs en matière de maintien de la paix, il a soulevé les défis/difficultés qui doivent être adressés dans le cadre de cette réforme. Afin, dit-il, «de faire avancer un agenda de paix plus apte à répondre aux défis complexes qui touchent le continent africain et proposer d’éventuelles pistes de solutions».

Youssef Mahmoud insiste sur les opportunités que donne ce nouvel agenda pour la paix et proposé par le Secrétaire général des Nations unies en septembre 2021. Il s’agit, selon lui, d’une «re-conceptualisation» de la paix qui n’est pas seulement l’absence de guerre ou de conflit. Cette façon de comprendre la paix devrait, dit-il, «être initiée par les Africains en puisant dans la sagesse, l’expérience du continent qui a été marginalisé, périphérisé et déplacé par une conception hégémonique reflétant l’expérience de la paix et de la guerre d’une catégorie d’Etats ou de pays». Pour autant, précise-t-il, «cela ne veut pas dire que celle qui est courante est caduque. C’est tout simplement qu’elle ne reflète pas de manière inclusive d’autres façons d’être, de savoir et de faire». L’autre message est de «réaffirmer» la nécessité de «réformer» le Conseil de sécurité des Nations unies, qui ne reflète pas les forces géopolitiques actuelles.

Pour lui, l’Afrique doit être «présente lors des débats sur la constitution de la Charte des Nations unies et sur la réforme du Conseil de sécurité». L’ancien Représentant spécial pour la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad invite à une «meilleure articulation les paramètres qui doivent encadrer le partenariat entre les Nations unies et l’Union africaine» par rapport à la mise en place de la force coercitive dont le continent africain doit assurer le leadership. «Pour s’assurer qu’on ne nous donne pas un bébé déjà assez délicat sans les ressources nécessaires, sans une clarté du processus et des paramètres qui doivent gouverner ces missions d’imposition de la paix», insiste-t-il. Il s’empresse néanmoins de noter une contradiction : «On ne peut pas imposer la paix.»