Attendu vendredi dernier à Cambérène, le Pm Ousmane Sonko s’y est rendu finalement samedi pour présenter ses condoléances aux familles des jeunes décédés des suites d’un contrôle de routine de la police, et tenter d’apaiser la colère les populations. A la suite du chef de l’Etat, le Premier ministre a rassuré les familles éplorées que la lumière sera faite sur les circonstances de ces morts avec l’ouverture d’une enquête impartiale. Après ces évènements de Cambérène et de Rosso, va-t-on vers une nouvelle doctrine du maintien de l’ordre ?Par Amadou MBODJI – 

Finalement, le Premier ministre s’est rendu samedi à Cambérène où la colère est retombée après une nuit agitée des jeunes qui dénonçaient la mort de deux des leurs dans des conditions encore troubles. Ousmane Sonko a présenté ses condoléances aux familles éplorées suite au décès de Thierno Bâ et Lamine Dieng. Le Pm, qui était accompagné du ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Tine, et du Préfet de Dakar, promet que la lumière sera faite sur les circonstances de ce double drame. «Comme l’a affirmé le président de la République, l’engagement est pris pour que toute la vérité soit connue. Une enquête est en cours, et pour l’instant, personne ne peut affirmer avec certitude ce qui s’est réellement passé. Ce que l’on sait, c’est qu’il y a eu des morts, et que des policiers sont impliqués. C’est à l’enquête de déterminer les responsabilités», a déclaré Ousmane Sonko. Il assure que personne ne sera protégé s’il est avéré que sa responsabilité est engagée par rapport à la perte de ces deux jeunes. «Nous restons fidèles à la parole du chef de l’Etat. L’enquête a démarré. Si elle révèle des fautes, des mesures seront prises. Il n’y aura ni protection ni impunité», embraie le Pm. Lors de la deuxième étape au quartier Cayor, le Premier ministre a rappelé devant la famille de Lamine Dieng, la nécessité de renforcer la collaboration avec les autorités. «Il y a la volonté politique. Nous devons avoir des relations pacifiées entre Forces de défense et de sécurité, et les populations. Il faut que les gens nous fassent confiance parce qu’en cas d’affrontement, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Les Fds sont là pour la protection des Sénégalais», a rappelé le chef du gouvernement, qui a réitéré la volonté du chef de l’Etat qui est de «faire toute la lumière sur la disparition de ces deux jeunes».
En tout cas, il promet l’assistance de son gouvernement aux familles des victimes, après avoir exprimé ses remerciements aux autorités religieuses locales qui se sont mobilisées pour apaiser la situation. «L’Etat prendra ses responsabilités. Nous allons indemniser les familles endeuillées, conformément aux règles du Droit. Ce geste ne remplacera jamais une vie, mais il vise à apaiser la douleur et à témoigner du soutien de la Nation», a-t-il déclaré.
Le porte-parole de la famille Dieng, Rane Guèye, également oncle du défunt, a soulevé plusieurs interrogations relatives à l’état du corps de Lamine Dieng au moment de sa découverte. «Lorsque le corps de Lamine a été repêché, il n’avait pas gonflé. Il continuait même à saigner, y compris au moment de la prière mortuaire», a-t-il déclaré, visiblement ému.
C’est ainsi que la famille se dit troublée par ces constats, qu’elle juge en contradiction avec certains éléments du rapport d’autopsie. Selon elle, plusieurs observations faites sur le terrain ne concorderaient pas avec les conclusions médicales. «Si l’autopsie indique que le corps ne saignait pas, alors nous avons le droit de nous poser des questions. Ce sont des incohérences que l’enquête doit absolument prendre en compte», a souligné le porte-parole, s’adressant directement au Premier ministre. La mort de ces jeunes suscite un vif émoi à Cambérène, poussant le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye à annoncer l’ouverture d’une enquête. «Une intervention policière ne doit jamais entraîner la mort. Le fait que des citoyens perdent la vie lors d’opérations de maintien de l’ordre ne devrait jamais devenir une banalité», a-t-il déclaré avec gravité.
Le Président Faye a assuré que les enquêtes en cours seront menées «en toute impartialité» pour situer les responsabilités, «quel qu’en soit le niveau». Il a promis que «les sanctions nécessaires seront appliquées avec toute la rigueur et la froideur que cela exige».
A travers ces déplacements simultanés, l’Exécutif montre sa volonté de rupture avec l’impunité et d’écoute envers les populations. L’annonce de la révision des règles d’engagement des Forces de sécurité pourrait marquer un tournant dans la gestion des interventions policières, longtemps critiquées pour leur brutalité.
Maintien de l’ordre : vers un changement de doctrine ?
En Conseil des ministres jeudi dernier, le Premier ministre, comme samedi à Cambérène, a rappelé l’importance de la formation des agents du maintien de l’ordre. Pour lui, «les Forces de défense et de sécurité ont pour mission principale de garantir la sécurité des personnes et des biens, et de veiller à la préservation de l’ordre public». Par contre, assure-t-il, «cette mission doit néanmoins s’écarter de tout acte de torture et de traitement inhumain dégradant dont les populations pourraient être victimes». Il annonce des mesures dans le sillage de la sortie de Diomaye Faye mercredi, à son retour de Séville. «Conformément aux instructions du président de la République, le Premier ministre a demandé aux ministres en charge de l’Intérieur et des Forces armées, de procéder à un audit à soumettre au plus tard le 30 novembre 2025 et à une revue totale de la formation des Forces de défense et de sécurité, afin de concilier, pour tout type d’opération, la rigueur de la force publique aux exigences des droits et de la dignité des citoyens, dans la définition des règles d’engagement.»
Les deux jeunes, Thierno Bâ, né le 29 octobre 1998, et Lamine Dieng, né le 3 avril 1996, ont été enterrés au cimetière de Cambérène mardi dernier dans une tristesse absolue.
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