Au Mali, après six mois de suspension, Joliba Tv a recommencé à diffuser ses programmes, lundi 30 juin. La chaîne de télévision privée avait été coupée le 26 novembre 2024. La rédaction a pris un mois supplémentaire pour préparer la reprise. La sanction de la Haute autorité malienne de la communication (Hac) faisait suite à la diffusion d’un débat au cours duquel la véracité d’un supposé coup d’Etat déjoué au Burkina Faso avait été mise en doute. La mobilisation de la profession avait permis à la chaîne d’échapper à une interdiction pure et simple. Joliba Tv émet donc à nouveau, en affichant de grandes ambitions, même si le contexte s’est encore durci. Formats repensés, décors modernisés, programmes inédits : Joliba Tv annonce une antenne renouvelée. Objectif affiché : «amplifier la parole des citoyens» sur leurs enjeux quotidiens et «renforcer la visibilité des régions, les défis qu’elles rencontrent, mais aussi les initiatives porteuses d’espoir et de changement», selon les explications d’un dirigeant de la chaîne. La suspension de six mois a durement frappé Joliba Tv : ses finances ont été plombées et sa rédaction, assez jeune, a été très affectée. Mais l’heure est à la reconstruction : «Nous sommes motivés et heureux de reprendre l’antenne, pour informer», confie encore ce dirigeant.

Restriction des libertés publiques
Pour autant, les journalistes ne se voilent pas la face. Le contexte de restriction des libertés publiques -d’expression et d’opinion notamment- s’est encore durci : les partis politiques ont été dissous, des voix critiques ont été enlevées par la Sécurité d’Etat, emprisonnées ou condamnées en Justice. Les hommes politiques sont les premiers visés : dernier en date, le président du parti Alternatives pour le Mali, Mamadou Traoré, a été condamné, le 19 juin, à un an de prison ferme pour «atteinte au crédit de l’Etat», après des propos critiques sur les autorités de Transition. El Bachir Thiam, du parti «Yelema», enlevé par la Sécurité d’Etat le 8 mai dernier, demeure quant à lui introuvable. Et les journalistes ne sont pas épargnés : arrêté en avril dernier, le directeur de publication du journal Canard de la Venise, Alfousseini Togo, est poursuivi notamment pour «atteinte au crédit de l’Etat», après avoir contesté des déclarations du ministre de la Justice. En liberté provisoire, il sera jugé le 17 juillet prochain.

«Il faudra peser chaque mot»
«Ce sera compliqué avec ces autorités de Transition», reconnaît un journaliste phare de Joliba Tv, qui promet pourtant de ne jamais s’autocensurer. «Il sera difficile de faire nos programmes comme d’habitude, le grand défi sera la disponibilité des invites», s’inquiète encore cette source. «Il n’y aura pas d’autocensure, martèle à son tour un autre pilier de la chaîne, mais nous voulons éviter les sanctions qui nous fragilisent et nous réduisent au silence.» Et de conclure : «Il faudra peser chaque mot, tout en restant critiques, libres et fidèles à notre mission d’informer.» Pour rappel, la suspension de Joliba Tv avait été infligée par la Haute autorité de la communication (Hac) après qu’un invité avait mis en doute la véracité d’un supposé coup d’Etat déjoué au Burkina Faso. Ce dernier est un allié du Mali au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes). Cet homme politique, Issa Kaou N’Djim, a été condamné à deux ans de prison dont un ferme, en décembre dernier et purge actuellement sa peine.
Rfi