La conférence des chefs d’Etat de la Cedeao n’entend pas respecter l’ordonnance de la Cour de justice de l’Uemoa. Elle maintient les sanctions contre Bamako et foule au pied la décision de cette institution régionale, qui a besoin de tout sauf d’être décrédibilisée par ceux qui sont censés la faire respecter.

Par Malick GAYE – Un Etat doit être fort tout comme son chef. C’est ce que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a voulu montrer en décidant de maintenir les sanctions contre le Mali, alors que la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a ordonné la suspension de ces mesures.
«La conférence des chefs d’Etat de la Cedeao décide de maintenir les sanctions prises le 9 janvier 2022 ; de poursuivre le dialogue en vue d’arriver à un accord qui permettrait la levée progressive des sanctions», lit-on dans le communiqué sanctionnant le Sommet de Accra du 25 mars dernier. Ainsi, les chefs d’Etat, qui vont «envoyer le Médiateur pour poursuivre et finaliser les discussions avec les autorités de la Transition sur le chronogramme», ont décidé de fouler au pied l’ordonnance de la Cour de justice de l’Uemoa. Bien que cette dernière n’ait pas demandé l’annulation des sanctions mais leur suspension, en attendant de se prononcer sur le fond, cette décision de la Conférence des chefs d’Etat de la Cedeao ne plaide pas pour le respect des institutions régionales. En effet, si ceux-là, qui sont censés garantir le bon fonctionnement des institutions, refusent de se conformer aux décisions, cette Cour de justice de l’Uemoa n’a plus sa raison d’être. Faut-il le rappeler, un collectif d’avocats avait saisi la Cour de justice de l’Ueamo, le 15 février dernier, de deux recours contre les sanctions prises le 9 janvier par les dirigeants de la sous-région, à la suite de l’annonce de l’allongement de la Transition. Le premier recours demandait leur abrogation, le second, la suspension de leur application en raison de leur impact sur la population. Pour Bamako, ces sanctions sont «illégales» et «inhumaines» et ont été «gravement préjudiciables» non seulement à l’Etat malien, mais aux Maliens eux-mêmes. Si la Cour de justice de l’Uemoa n’a pas conclu à leur illégalité, elle a en revanche ordonné la suspension de ces mesures en attendant de statuer sur le fond.
Le président de la Transition du Mali, invité à prendre part au Sommet des chefs d’Etat de la Cedeao, a préféré envoyer une délégation conduite par son ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop. Qui, dans un tweet, a affirmé que «le sommet était à huis clos entre Chefs d’Etat, la présence de la délégation ministérielle du Mali n’est plus nécessaire». Une indisponibilité que «regrette» la conférence.
La durée de la Transition au Mali est le point de discorde. En effet, si Bamako parlait de «5 ans» au début du putsch de Goïta, c’est désormais la durée de «24 mois» qui est de vigueur, alors que 18 mois se sont déjà écoulés depuis la prise de pouvoir. Ce que la Cedeao n’entend pas attendre. Pour la Conférence des Chefs d’Etat, la Transition doit durer «12 à 16 mois à partir du 15 mars 2022».
La conférence a d’ailleurs exprimé «sa vive préoccupation quant à la détérioration de la situation sécuritaire au Mali et engage les autorités de la Transition à poursuivre les efforts en matière de sécurité. Elle réitère son appel aux Etats membres et à la Commission d’accompagner les autorités de la Transition dans leurs efforts de sécurisation du pays».
Dans ce même ordre d’idées, Bamako, qui a interdit sur son sol les médias Français, communique de manière régulière sur ses avancées et victoires militaires. Il y a deux jours, c’était au tour de Barkhane d’annoncer l’arrestation de 15 terroristes.
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