En décidant de suspendre la diffusion des programmes de Rfi et France 24, la junte militaire montre que ses relations avec Paris continuent à se dégrader.Par Ousmane SOW

– Que dire ? Les relations entre la junte malienne et la France vont de mal en pis. Et ce sont les médias français qui sont les derniers à être frappés par le courroux de Bamako. Dans un communiqué, le ministère malien de l’Administration territoriale a annoncé la suspension des chaînes Rfi et France 24. Cette décision a ému les organismes de défense de la liberté de la presse comme l’Union de la Presse francophone (Ups). «C’est avec stupeur et inquiétude que l’Upf internationale a pris connaissance de la décision de la junte malienne d’ordonner, dans la nuit de mercredi à jeudi, la suspension de la diffusion de Rfi et France 24 au Mali. La suspension concerne également les réseaux sociaux des deux médias», condamne l’Upf. Pour elle, «une telle suspension de deux grands médias d’information internationaux n’a pas de précédent au Mali. Elle porte atteinte à la liberté d’information et peut avoir des conséquences néfastes sur la condition de la profession de journaliste dans le pays». Si elle s’interroge sur les «vrais mobiles de cette démarche aussi inattendue que brutale qui s’apparente à un exercice de musellement de la presse», l’Upf internationale «ap­porte son soutien total et inconditionnel à Rfi et France 24 et appelle la junte malienne à revenir sur sa décision».
Par ailleurs, France médias monde (Fmm), la maison mère de Rfi et France 24, prend acte et déplore cette annonce. Elle «déplore cette décision et proteste vivement contre les accusations infondées mettant gravement en cause le professionnalisme de ses antennes». Elle annonce qu’elle «étudiera toutes les voies de recours pour qu’une telle décision ne soit pas mise en œuvre et rappelle son attachement sans faille à la liberté d’informer comme au travail professionnel de ses journalistes».

L’Upf stupéfaite
En écho, Emmanuel Macron, qui entretient des relations conflictuelles avec la junte, ayant provoqué le retrait des forces françaises du Mali, dénonce une décision «grave», qui serait le «signe d’une course en avant vers le pire» pour le pays sahélien. «Je condamne avec la plus grande fermeté, une décision totalement con­traire aux valeurs que portent le Peuple malien et le Mali depuis son indépendance», a-t-il ajouté.
Pourquoi cette décision malienne ? Dans un communiqué, le Colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement malien, a invoqué la diffusion de «fausses allégations» sur des exactions commises par l’Armée malienne, rapportées notamment dans un reportage des 14 et 15 mars derniers dans lequel Rfi a donné la parole à des victimes présumées d’exactions qui auraient été commises par l’Armée malienne et le groupe privé russe Wagner. Selon le Colonel Maïga, «les agissements de Rfi et France 24 ressemblent, dans un passé récent, aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio Mille Collines», qui avait encouragé le génocide au Rwanda en 1994.
Après avoir rejeté «catégoriquement ces allégations contre les vaillantes Fama», Colonel Maïga «interdit à toutes les radios et télévisions nationales, ainsi qu’aux sites d’information et journaux maliens, la rediffusion et/ou la publication des émissions et articles de presse de Rfi et de France 24».