Diop-le-maire. Jusqu’à ton dernier souffle, tu auras porté fièrement ce beau titre qui traduit si besoin en était que tu as véritablement donné ses lettres de noblesse à la charge de maire aujourd’hui, objet de toutes les convoitises au Sénégal.
Servir l’Etat à tous les niveaux possibles a très tôt été ta seule motivation. Officier supérieur de la Gendarmerie nationale, Avocat général près la Cour suprême du Sénégal pendant vingt et un ans, président de Section au Conseil d’Etat, Professeur associé à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ministre, député… La liste est loin d’être exhaustive. Tu auras assurément consacré les plus belles années de ta vie au service de la collectivité.
Ton écharpe de maire t’a collé à la peau au point d’éclipser toutes les autres prestigieuses casquettes que tu as portées avec dignité, sans perdre de ta modestie. Ce n’est pas un hasard. Comme tu aimais le rappeler, dans les années 80, quand tu avais demandé au président de la République Abdou Diouf de te décharger de tes fonctions ministérielles pour te permettre de servir Dakar, la ville de tes ancêtres, pour certains, tu avais choisi une voie de garage. Tu avais choisi de servir la capitale dont le maire avait du mal à disposer d’un véhicule de fonction digne de ce nom.
Mais pour toi, apporter ta pierre à la construction d’un système efficace de management des affaires locales était une motivation au-dessus de tous les privilèges. Diop-le-maire, tu auras relevé le défi avec brio. Les nombreux maires que compte aujourd’hui le Sénégal ont le devoir de te rendre hommage, car tu as véritablement rehaussé cette fonction si courue à l’heure actuelle.
«Maison des élus locaux Mamadou Diop» : quel meilleur hommage que de voir cette phrase inscrite en lettres capitales à l’entrée de ce bâtiment de la Place de l’Indépendance que tu as aidé à bâtir pour servir de lieu de convergence des élus de tous bords !
Diop-le-maire, il y a quelques semaines, au cours de ce qui est aujourd’hui notre dernier tête-à-tête, chez toi à la résidence «Mame Ndiaré», ta solitude était profonde dans cet espace dont le calme était de temps en temps rompu par le doux bruit des vagues qui caressaient les roches. Doyen, en véritable soldat, tu ne voulais nullement laisser paraître ta solitude, mais tu avais du mal à cacher ton profond regret de ne pouvoir partager ton expérience avec tous ces maires qui, pour certains, ont du mal à trouver les voies idoines pour bien servir les populations.
Monsieur le maire, profondément généreux, tu ne souhaitais quitter ce monde sans partager avec les générations présentes et futures, ta riche expérience au service de l’Etat et de tes compatriotes. Jusqu’à ton dernier souffle, tu as écrit sans relâche. Vendredi dernier comme tu aimais le faire chaque week-end, tu avais rejoint  Mbour où tu choisissais de t’isoler à la recherche de l’inspiration. A Mbour, tu as rendu ton dernier souffle, loin de Dakar que tu aimais «d’un amour qui arrache des larmes».
Diop-le-maire, tu es l’auteur de près de vingt ouvrages et de nombreux articles de référence sur des sujets consacrés, notamment aux Finances publiques, aux Institu­tions publiques, à la Sécurité, à la Défense, à la Santé, au Foncier,… En somme, comme tu le souhaitais ardemment, tu as laissé à la postérité des outils pour que «la bonne gouvernance ne soit pas seulement un simple label pour se donner bonne conscience, mais la voie royale pour un changement qualitatif des comportements  et des mentalités à tous les niveaux du système de l’Etat».
Monsieur le maire, soucieux de répondre à «cette exigence républicaine», tu avais décidé d’écrire et de produire sur fonds propres des ouvrages qui «traitent des problèmes que pose la gouvernance des grands secteurs d’activités de l’Etat». Ta conviction profonde était que «de tels ouvrages présentent un intérêt indéniable pour des connaissances approfondies sur l’Etat et ses institutions». Ton vœu le plus cher était que «toutes les générations trouvent dans tes écrits les outils et les informations nécessaires pour des réflexions fécondes et des actions efficientes au service du Sénégal».
Dans un de tes derniers livres titré La gouvernance foncière et domaniale au Sénégal, comme un cri du cœur, tu écrivais : «La crise de l’économie persiste dans notre pays et aggrave, par conséquent, une demande sociale plus forte que jamais. Il faut donc trouver des espaces de convergence et des solutions propices pour enrayer l’évolution d’une situation qui peut être dangereuse pour l’avenir du Sénégal.»
Diop-le-maire, tu me confiais qu’en fidèle serviteur de l’Etat, tu t’es acquitté  du devoir d’envoyer au président de la République un carton avec l’ensemble des ouvrages que tu as écrits. En ancien secrétaire général de la présidence de la République du Sénégal, tu pensais que la rigueur de l’Administration était intacte et que tu recevrais à tout le moins un accusé de réception. Hélas ! Aucun mot, encore moins une lettre présidentielle.
A l’heure où tu disparais sans laisser de trace, telle l’herbe des champs qui disparaît dès que passe un vent brûlant, le meilleur hommage que la Nation pourrait te rendre serait de veiller à une large distribution de tes livres.
Diop-le-maire, il y a un mois, dans ton salon, au terme de ma visite, tu m’avais offert un exemplaire de ton livre sur La gouvernance foncière et domaniale au Sénégal. Et de tes mains fragilisées par une maladie qui t’avait valu quelques jours d’hospitalisation, tu avais tenu à rédiger cette dédicace : «A Paul Mendy, un ami fidèle…»
Merci Monsieur le maire de m’avoir compté parmi tes amis. Tes éclairages avisés sur la gestion des affaires de notre cité me manquent déjà. Repose en paix, infatigable combattant de la collectivité !
Paul MENDY 
Journaliste
Conseiller en Business Développement