Mamadou Talla range son costume de ministre de la Formation professionnelle, de l’artisanat et de l’apprentissage et met sa veste de responsable de l’Apr. Dans son salon où il reçoit Le Quotidien,  il parle des préparatifs de la tournée «économique», «peut-être aussi politique», du président de la République dans le nord. Mais le coordonnateur départemental de Kanel, qui minimise les contestations au sein de l’Apr de Matam, prône une union sacrée des différentes tendances de la région pour accueillir Macky Sall.

Qu’attendez-vous de la visite du Président dans le nord ?
C’est un honneur pour toute la zone nord du pays parce qu’en réalité, le président de la Répu­blique commence par Louga pour finir dans le département de Kanel. Nous lui souhaitons donc la bienvenue. C’est une tournée économique extrêmement importante et tout le Fouta se mobilise pour accueillir un de ses illustres fils.

Tournée économique à dose politique non ?
Non, cette tournée est en réalité économique. Le président de la République est un ingénieur en géologie, donc un homme du concret qui veut toucher à ses promesses. Au-delà de la route Linguère-Matam déjà réalisée, il y a une vieille doléance des populations qui est la dorsale qui permet d’alimenter en électricité tous les villages du Dandé Maayo (le bord du fleuve). Une zone enclavée et qui était dans le noir. Et c’est grâce à Macky Sall qu’elle a vu la lumière. Je souligne qu’il ne s’agit pas de lancement, mais bien d’inauguration de ce programme devenu effectif. N’ou­blions pas que plusieurs régimes sont passés, mais c’est Macky Sall qui l’a réalisé. Nous avons l’eau, la terre, et il ne manquait que l’électricité pour développer la zone. Et nous espérons voir émerger des métiers connexes qui produiront des emplois directs et indirects. Sur le plan des infrastructures routières, il y a deux ponts, celui de Hounaré et de Ganguel qui, à coup sûr, ont mis fin à l’isolement entre le Diéry et le Walo dont les populations ont souffert. Il y a aussi la réalisation de pistes de production avec le Pudc qui est devenu une réalité. A cela, il faut ajouter le lancement de la route Ourossogui-Kanel-Bakel devenue impraticable depuis des années. Je voudrais simplement souligner, par ailleurs, que cette zone nord, de Saint-Louis à Bakel, avec le fleuve et cette terre fertile, permettra d’aider le Sénégal à atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Nous sommes déjà en 2017…
Oui, mais quand on lançait l’idée d’autosuffisance alimentaire, beaucoup étaient encore sceptiques. Mais aujourd’hui, avec pratiquement 1 million de tonnes l’année dernière et cette année, nous allons largement dépasser les 80%. Encore que nous sommes en début 2017 et les cultures de contre-saison ne sont pas encore arrivées. Et de toute façon, cette autosuffisance alimentaire est une réalité dans notre zone parce que nous consommons le riz local qui serait d’ailleurs meilleur que le riz importé qui fait des jours et des semaines dans les bateaux. Et je précise que ce n’est pas seulement un slogan puisque l’Etat a mis à la disposition des agriculteurs du matériel et des intrants agricoles pour booster les productions. Voilà pourquoi cette visite est économique. Le Président va donc tâter le pouls de ses réalisations en vérifiant s’il y a eu un accompagnement social, si ses bourses familiales et sa couverture maladie sont effectives et bénéficient aux plus démunis. Et c’est cela l’esprit d’un homme de terrain.

Sauf que cette visite se passe à quelques mois des Législatives de juillet. Cer­tains pensent que c’est plutôt une tournée politique et électorale…
De toute façon, les responsables politiques se mobilisent comme un seul homme pour accueillir le président de la République. Maintenant, si certains y voient une dose de politique, peut-être, mais en tout cas nous sommes prêts à l’accueillir de Oréfondé jusqu’à la frontière entre Kanel et Bakel. C’est une fierté pour nous de réserver au Président ce que nous appelons chez nous le Teddoungal (Té­ranga ou hospitalité) bien ancré dans les traditions du Fouta.

Comment vit l’Apr dans la région de Matam et dans le département de Kanel en particulier ?
C’est un parti très fort dans la région de Matam. Il n’y a pas de doute que nous sommes largement majoritaires. Nous l’avons prouvé aux différentes élections, de 2009 au référendum, et nous resterons dans cette dynamique. A vrai dire, il n’y a presque pas d’opposition à Matam, si ce n’est quelques partis qui s’agitent çà et là. Matam et Kanel accompagnent le président de la République dans sa politique pour une région émergente et le tout dans un Sénégal émergent.

Et pourtant l’on dit que l’Apr est sa propre opposition…
C’est un parti qui grandit parce que n’ayant accédé au pouvoir qu’en trois ans et demi d’existence. Ce n’est pas que les gens ne s’entendent pas. C’est simplement que c’est une formation qui n’a pas eu le temps de se structurer et qui, aujourd’hui, se massifie avec ses contradictions internes qui sont d’ailleurs inhérentes à toute organisation politique. Ces contradictions font plutôt vivre le parti et sont même parfois nécessaires. Il ne faut pas perdre de vue que la finalité est de soutenir le Président et sa politique, mais aussi de servir les populations. Je voudrais juste rassurer que l’Apr reste forte dans la région et le département de Kanel. Nous le prouverons aux Législatives prochaines, nous le confirmeront à la Prési­dentielle qui est la rencontre entre un homme et son Peuple. Sous ce rapport, ses réalisations et ses grands chantiers vont sans aucun doute convaincre les Sénégalais de lui donner un second mandat. Je rappelle qu’aux élections du Haut conseil des collectivités territoriales, nous avions fait une campagne ensemble dans le département de Kanel. Tout le monde en parle, tellement l’organisation était bonne et parfaite. Et nous allons reconduire cette unité aux Législatives pour mener une très bonne campagne et donner une victoire éclatante à l’Apr.
En attendant, on parle de querelles de tendances en­tre des partisans de Farba Ngom et ceux de Harouna Dia. Cette visite du Pré­si­dent est-elle une occasion de remettre de l’ordre dans l’Apr ?
Nous sommes amenés à taire nos querelles. Et en réalité, les deux que vous venez de citer croient tous au président de la République. Je puis vous assurer, en tout cas, que tous les responsables du département de Kanel seront unis comme un seul homme derrière le Président. Ce qui se passe à Matam ou à Kanel se passe également dans la diaspora, à Dakar et partout. Il y a peut-être des positionnements parce que nous allons vers des investitures, mais je crois que ce n’est rien par rapport à cet engouement autour de l’Apr, Benno bokk yaakaar et le Président.

Vous l’avez dit, le parti n’est pas structuré et pourtant vous êtes désigné coordonnateur départemental de Kanel, Farba Ngom, coor­­donnateur régional de l’Apr…
Vous savez, au niveau local, il y a une organisation naturelle qui s’impose. Je suis dans le département de Kanel, je travaille avec tous les responsables, donc je suis en train de coordonner.

On dit que vous vous êtes autoproclamé coordonnateur…
Non, on ne s’autoproclame pas. Je rappelle que quand cette proposition m’a été faite, j’ai dit que c’est une proposition qui permet de nous organiser au niveau local, mais que le dernier mot revient au parti, au secrétariat exécutif, au président de la République. Aujourd’hui, le plus important c’est de faire le focus sur les inscriptions sur les listes électorales. Quelle est la meilleure stratégie pour gagner les élections ? Comment aller ensemble pour gagner les élections législatives et présidentielles ? Ce ne sont pas des querelles de positionnement qui m’intéressent. Depuis mon retour au Sénégal en 2012, vous ne m’avez pas entendu sur ces positionnements et je reste dans cette dynamique. Cependant, nous n’allons pas laisser des partis d’opposition s’installer dans nos communes, y tenir des réunions tous les jours sans que nous ne réagissions pas. Mais nous menons des activités de massification et de con­solidation des acquis au niveau départemental et régional. C’est peut-être ce que les gens appellent «s’autoproclamer».

Après votre désignation, semble-t-il que vous auriez été contesté au niveau de votre commune, Sinthiou Bamambé ?
Non, on ne m’a pas contesté.

On parle de jets de pierres et autres…
Il n’y a pas eu de jets de pierres. Je n’ai pas compris d’ailleurs quand je l’ai lu dans la presse. Je vais vous dire ce qui s’est réellement passé. Ce jour, nous sommes restés à Matam où nous dirigions cette réunion qu’on a terminée pratiquement à 19h. Le soir, je vois des photos qui ne correspondent même pas à notre zone, avec des lacrymogènes et on dit qu’on m’a bloqué de 14h à 21h. Toute la région de Matam, pour la première fois, a tenu une Assemblée générale en présence de tous les responsables du parti. Ils font dire à la presse des choses qui n’existent pas. En même temps, je n’ai jamais eu un accueil aussi populaire dans ma commune. Et tous les responsables du département de Kanel sont venus m’accompagner jus­que dans la commune. Le village s’est mobilisé. Effec­tive­ment, il y a eu quelques jeunes qui ont été peut-être manipulés, mais qui ont porté des brassards rouges.

Manipulés par qui ?
Ils disent qu’ils ne sont pas contents parce qu’ils n’ont pas été accompagnés par la mairie alors qu’ils étaient en finale. Je leur ai répondu : «Dans ce cas, allez voir le maire !» Mais c’est vraiment un épiphénomène et c’est derrière nous. Je rappelle que Sinthiou Bamambé est la première commune de l’Apr dans la région de Matam, et fait partie des seules que la coalition Dekkal ngor avait gagnées en 2009. Et depuis, nous gagnons toutes les élections.

Que dites-vous, en tant qu’ancien de la diaspora, des 15 députés dédiés aux Sénégalais de l’extérieur ?
Il faut d’abord féliciter le président de la République qui a eu une excellente idée de répondre à cette forte demande de la diaspora. Il y en avait un qui venait des partis politiques et sur la liste nationale. Mais faire de la diaspora une quinzième région avec des circonscriptions, c’est une première.

L’opposition dit que c’est beaucoup…
Non, du tout. La diaspora injecte au Sénégal plus que l’aide au développement, presque 2 milliards par jour. Elle intervient dans plusieurs domaines et a une expérience de l’extérieur. Donc, cette diaspora le mérite et a son mot à dire.

Le problème, c’est que cette diaspora a 15 députés là où même Dakar, la capitale, n’a que sa moitié.
Mais ce n’est pas la même chose. Rien qu’en France, il y avait 45 mille inscrits dans le fichier de 2011. Cette année, nous devrions aller à 60 ou 80 mille inscrits. En Italie, c’est à peu près la même chose. Que des députés dédiés veuillent venir représenter la diaspora ne pourrait être qu’un atout et une valeur ajoutée pour le Sénégal et l’Assemblée nationale !