Par Moussa SECK – 

«Grand fii mooy Assemblée ?» On lui répond par l’affirmative, et le jeune homme commente : «Ce bâtiment ?». Le jeune homme n’a pas de visage. C’est un masque, c’est des sandales, c’est un short. C’est aussi, une phrase en arabe, «hubbul watani minal iman», qui dit : «Bëgg sa réew si jaamu Yàlla la bókk». Ce qui se traduit, approximativement : «Venu te battre» ? Par l’affirmative, répond le jeune homme en provenance de Ngor.
L’Assemblée a ouvert ses portes. Les gazeurs en tenue barricadent et filtrent la circulation autour de l’hémicycle. Sur l’axe menant vers l’hôpital Principal, du monde venu se battre. La première attaque est policière. Le peloton de gazeurs marche sur la foule. Pierre se jette, gaz se projette : dispersion, fuite. Seulement, les vieux n’ont pas trop de vigueur dans leurs jambes. Une moustache blanche inhalera trop de gaz. Il toussera, jusqu’aux crachats…
Dakar, le Plateau, le 5 février. Comme le 4 février près du cimetière Saint-Lazare. D’une part, une population qui n’arrive pas à enterrer le cadavre d’une élection morte avant date.
D’autre part, des Forces de défense et de sécurité, qui n’hésitent pas à déterrer la hache de guerre. Entre les deux, une Assemblée et ses parlementaires. Au-dessus des trois entités, une question de calendrier républicain.
Des hommes en pick-up, en tenue, dans une rue de la capitale, occasionnant mouvement de foule, poursuivant cette dernière, et tirant des projectiles ? Ça n’a rien d’hollywoodien ! C’est une réalité dakaroise. La rue Joseph F. T. Gomis, ses occupants en larmes, onze heures et sa chaleur en sont témoins. «Du yoon dé, billahi du yoon dé»…une vendeuse de légumes s’offusque de la scène. La porte d’une boutique se ferme. Et puis, ça ne rigole pas…
Plus d’une trentaine de minutes après midi, une autre entité est aperçue dans le théâtre des opérations. Un autre type d’armes, de grosses bagnoles, un autre type d’uniforme… L’Assemblée et ses alentours donnent une impression de parfaite maîtrise de la part des forces de l’ordre. On se permet d’ailleurs d’aller piocher sous les arbres du combattant en repos. On se donne aussi la latitude d’interdire le stationnement à du journaliste. Entrées dans l’aire dominée filtrée, sortie de l’aire maîtrisée contrôlée. «Fatt fépp…» Talky-walky, bips, rapports !

Mame Boye Diao, Habib Sy et Cheikh T. Dièye dispersés
Dans l’hémicycle, ça discute de la chose principale et de choses secondaires. De la casquette de Abass Fall, par exemple. «Enlève» ! «Je n’enlève pas» ! Abass crie. Et rappelle que le clergé a parlé. Et rappelle : Serigne Mountakha a parlé. Et sommé d’arrêter «ça» avant qu’il ne soit trop tard. Abass Fall, c’est une casquette, l’opposition à une loi et… un coup de poing raté. Dix minutes après treize heures, des dépités se chamaillent. Sous la clim d’une salle qui cristallise l’attention d’une horde de journalistes. On filme, on rédige, on sort, on répond au téléphone, on revient, on commente les commentaires de Moussa Diakhaté et autres. Dehors ? Mame Boye Diao a envoyé un lieutenant afin d’organiser une rencontre avec les quelques journalistes rôdant autour. Un point trouvé, une voiture de police dépêchée. On réfléchit à une autre stratégie. Rien n’y fait : une fois un autre point de rencontre trouvé, M. Diao, Habib Sy et Cheikh Tidiane Dièye se verront dispersés par les hommes en tenue. Au moins, ils auront parlé du recours qu’ils étaient venus déposer au niveau du Conseil constitutionnel…