Gonflés à bloc, les pêcheurs de Guet-Ndar ont plongé la ville de Saint-Louis dans le chaos pour réclamer l’application des accords de pêche entre le Sénégal et la Mauritanie. Dans leur sillage, les manifestants ont tout détruit et blessé plusieurs agents des Forces de l’ordre.

C’est une image apocalyp­tique : le siège de l’Omvs incendié, l’agence de la Senelec vandalisée, Tribunal saccagé, voitures calcinées, circulation barrée, de nombreux blessés enregistrés dont des policiers. Les pêcheurs de Guet-Ndar, qui ont bloqué le pont Moustapha Malick Gaye, pendant plusieurs heures, ont affronté les Forces de l’ordre sans répit. Alors qu’ils réclamaient juste l’application stricte des accords de pêche signés avec la Mauritanie et la fin des tracasseries et harcèlements des garde-côtes mauritaniens.
Gonflés à bloc et décidés à en découdre, ils ont investi les rues hier en milieu de journée. Aussi longtemps qu’ils se souviennent, les Saint-Louisiens ne se rappellent pas d’une manifestation aussi violente. Durant leur marche, ils ont brûlé tous les objets (morceaux de bois, vieille pirogues et autres) qu’ils ont ramassés pour marquer de manière inédite cette journée chaotique. En colère, ils ont incendié trois voitures, saccagé le dépôt installé par l’entreprise en charge des travaux de requalification de la place Faidherbe dans le cadre du plan de développement touristique, vandalisé l’agence de la Senelec. Même l’hôpital n’a pas été épargné. Lors de ce face-à-face avec les flics, plusieurs personnes ont été blessées et évacuées à l’hôpital dont plus d’une dizaine de policiers.
Cette manifestation a impacté les activités des populations, car le centre-ville a été paralysé pendant des heures. En tout cas, les revendications tournent autour de l’octroi de licences de pêche, qui devraient découler des accords signés par les deux pays. Les pêcheurs avancent que les autorités mauritaniennes les ont «arnaqués dans la mesure où après la signature des derniers accords, elles nous ont empêchés de pêcher» alors qu’ils se sont acquittés de toutes les taxes imposées par Nouakchott. «Cette situation est inacceptable et a été favorisée par l’attitude passive des autorités sénégalaises», râlent les Guet-Ndariens. Ils veulent mettre la pression sur le gouvernement pour obliger la partie mauritanienne «à respecter ses engagements».
En plus, ils dénoncent «le harcèlement et les tracasseries» dont ils sont victimes de la part des garde-côtes mauritaniens. Ils «arraisonnent» régulièrement leurs pirogues, les «dépouillent» de leur matériel de pêche et les «violentent». Autant de revendications, qui ont sorti les pêcheurs de leurs pirogues pour rejoindre la terre ferme. Ce n’est pas tout : le problème du balisage et du dragage de la brèche, qui continue d’avaler les pêcheurs avec plus de 400 morts recensés à cause de nombreux accidents.
Pourtant, l’Etat a promis depuis plusieurs années de résoudre cette revendication. Lors de sa dernière visite, le ministre de la Pêche, Alioune Ndoye, avait fait savoir que les autorités mauritaniennes avaient décidé d’annuler les taxes du troisième trimestre que les pêcheurs Sénégalais devaient payer à la partie mauritanienne et dont ils avaient souhaité être exonérés dans la mesure où ils n’avaient pas pêché pendant cette période. Il avait aussi annoncé aussi que Nouakchott avait accepté d’annuler à hauteur de 75% les amendes que les pêcheurs sénégalais devaient payer suite à des contraventions. Sans oublier la prorogation d’un an du protocole signé par les deux pays, qui permettait aux Sénégalais de pêcher librement dans les eaux mauritaniennes un quota de 50 mille tonnes avec obligation de débarquer au moins 2% en Mauritanie.
Aujourd’hui, les pêcheurs dénoncent un retard dans l’octroi des licences de pêche alors qu’ils ont payé chacun 1,5 million F Cfa. Une situation qui a embrasé hier la ville de Saint-Louis.