Les populations des 6 villages impliqués dans un litige autour d’un titre foncier, portant sur 900 ha, qui appartiendrait à la famille Filfili, ont lancé hier, leur dernier appel aux autorités. Elles promettent de corser la lutte en utilisant tous les moyens nécessaires pour mettre fin à la présence de Filfili dans leur zone.

C’est une nouvelle manifestation des populations de Keur Moussa, Ndoyène 1 et 2, Souloffe, Birdiam et Sébikotane. Ces 6 villages impliqués dans un litige autour d’un titre foncier, portant sur 900 ha, se sont braqués contre la famille Filfili, qui revendique la propriété de ces terres alors qu’aucun titre foncier attestant une telle perspective n’est encore brandi. Après plusieurs marches sans aucun effet pour le moment, les populations se sont retrouvées en Assemblée générale pour annoncer une feuille de route qui va corser la lutte. D’ores et déjà, elles ont demandé le boycott des produits venant des exploitations agricoles de la famille Filfili. La goutte de trop, selon Thierno Sène, président du Collectif de défense des terres des populations, a été «le morcèlement de la plus grande de nos terres, par la famille Filfili, pour la vendre à des étrangers au nom d’un titre foncier fantôme». Et de faire dans la menace : «Depuis 20 ans, nous luttons et dénonçons l’escroquerie foncière nous opposant à la famille Filfili. Nous avons sollicité le soutien de l’Etat contre l’occupation illégale de la famille Filfili sur nos terres. Mais depuis rien a été fait. Aujourd’hui, nous tenons à les informer que c’est notre dernier appel. Désormais nous utiliseront tous les moyens nécessaires pour mettre fin à la présence de Filfili dans cette zone.» Pour M. Sène, c’est «la vie de plus 40 000 agro-pasteurs, qui semble brusquement s’effondrer face aux lourdes menaces qui pèsent sur leur activité agricole et pastorale du fait de ce litige foncier». Il se désole surtout de «la revendication de la famille Filfili de 380 ha occupés depuis plusieurs générations par les populations desdits villages, pour étendre son agro-industrie». Le manifestant, qui revient sur ce conflit foncier, qui date de plus d’un demi-siècle, opposant la famille Filfili aux populations des communes de Diamnadio, Sébiko­tane et de Keur Moussa, explique que «la famille s’est installée dans la zone en 1956, après avoir racheté des terres à un Français. Elle a ensuite créé l’entreprise Safina, qui exploite aujourd’hui environ 300 hectares en cultures maraichères et fruitières dans la zone». Thierno Sène de poursuivre : «Depuis son implantation, Filfili revendique 680 hectares. Cette famille affirme posséder un Titre foncier (Tf) datant de 1956, que les populations contestent. Et depuis 1961, plusieurs procès ont opposé les populations à Filfili, mais la preuve de l’existence du Tf n’a jamais été fournie. En 1992, avec la médiation du Khalife général des tidianes d’alors, El Hadji Abdoul Aziz Sy «Dabakh», l’Etat avait affecté 200 ha libres à Filfili et permis aux populations de continuer d’occuper leurs terres.» Mais c’est en 2004, indique Thierno Sène, que «Filfili demandera aux populations de lui vendre leurs parcelles». Des pressions s’exercent, mais seule une partie de la population accepte de vendre. Aucun acte de cessation n’est dressé et les surfaces vendues ne sont pas mesurées.
En 2011, Filfili porte plainte une troisième fois pour récupérer des terres qu’il n’a pas achetées, mais les populations refusent de répondre à la convocation. Quatre ans plus tard, un autre procès est ouvert au terme duquel le procureur “décrète”  que la famille Filfili dispose d’un titre foncier et que les occupants doivent libérer les terres. Pourtant, explique le porte-parole du Collectif de défense des terres des populations, «jusqu’à présent, personne n’a pu voir ce titre foncier fantôme. Quand bien même ledit titre existerait, les surfaces revendiquées par Filfili sont illégitimes car les populations n’ont que ces terres, on ne peut les leur retirer à des fins agro-industrielles, alors que c’est leur seul moyen d’existence et leur raison de vivre. Malgré cela, les Filfili continuent toujours de défricher des champs qui sont, selon eux, dans leur domaine, où se trouvent les 6 villages en question, qui risquent d’être évacués». Ainsi et de lancer un dernier appel aux autorités, «nous demandons leur soutien en vue de défendre les intérêts des populations pour qu’elles puissent sauvegarder leurs terres». Une cause d’autant plus noble, conclut-il, que «dans cette zone, nous n’avons pas d’autres activités à part le travail de la terre et le pâturage».

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