L’expropriation des terres des populations de Ngawlé aurait débuté en 1988, à la veille du conflit sénégalo-mauritanien. Le départ massif pour le Sénégal en 1989 aurait facilité aux Maures l’acquisition des terres avec des titres fonciers. A leur retour à Ngawlé, célèbre pour être le village de Penda Sarr, situé à trois kilomètres de Podor, au bord du fleuve Sénégal, les autochtones se sont vu octroyer 20 hectares, sur une superficie de 80 hectares aménagés depuis des générations par leurs ancêtres pour l’agriculture familiale. La grande superficie est exploitée par des Maures et mise en location à des Marocains pour l’agrobusiness. Les populations ont remarqué, depuis quelques années, l’extension de la superficie, favorisant son exploitation, par d’autres populations étrangères à leur localité. Après avoir dénoncé cet état de fait, elles n’ont jamais eu gain de cause et l’Administration prétextait que les exploitants des terres ont des titres fonciers et qu’elles ne sont pas propriétaires, car ne disposant pas de documents administratifs. C’est le collectif, réunissant tous les habitants et ressortissants de Ngawlé, qui prend à bras-le-corps le combat pour la restauration de leurs terres. En octobre dernier, leur première marche, pour réclamer les terres de leurs ancêtres, a été interdite. Dans leur entêtement à se rendre au domaine d’exploitation pour crier leur mécontentement, les premières arrestations ont été notées. Ibrahima, l’un des manifestants, révèle : «Dès la première marche, pourtant pacifique, il y a eu dix arrestations. Ils ont été libérés mais placés sous contrôle judiciaire. Le lendemain, les populations ont pu marcher jusqu’aux domaines d’exploitation où des échauffourées ont eu lieu, faisant trois blessés du côté des Maures. Après une troisième marche, une mission de contrôle a été dépêchée sur les lieux par le ministère de l’Intérieur, samedi dernier.»
Hier, la tension a atteint son paroxysme, puisque les populations se sont mobilisées pour aller vérifier si les exploitants ont arrêté leurs travaux. «Nous avons trouvé sur place des policiers qui sécurisaient le domaine. Mais la foule était tellement grande et déterminée qu’ils se sont repliés pour faire appel à des renforts. Ce sont ces Forces de l’ordre qui nous ont lancé des grenades lacrymogènes, auxquelles nous avons répliqué par des jets de pierres. Trois de nos camarades ont été arrêtés et conduits à Rosso et moi je viens juste d’être libéré des mains des policiers», rapporte le coordonnateur du collectif, Alhousseynou Wade. Il s’indigne surtout du «mauvais traitement» des Forces de l’ordre qui auraient confisqué les téléphones de ceux qui filmaient les affrontements. «Deux femmes enceintes étaient parmi les manifestants et elles ont été tabassées par les policiers. Elles sont prises en charge au poste de santé de Ngawlé. Nous voulons les évacuer à l’hôpital mais les chauffeurs sont en garde à vue», regrette M. Wade. Pour récupérer leurs terres, les populations de Ngawlé se disent déterminées à y laisser leur vie.
Par Demba NIANG – Correspondant