Quand un manifeste se limite à évoquer des questions de perception superfétatoire et subjective sur la gouvernance démocratique dans son seul aspect institutionnel, notamment sur la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice, pour décréter sans preuves une crise de l’Etat de droit, nous sommes en droit de nous dire qu’il y a chez nos universitaires une pauvreté de la pensée. Car, les aspects les plus importants de la gouvernance démocratique sur le dialogue social, le dialogue politique et les libertés publiques fondamentales de l’Etat de droit, sont totalement ignorés ou abandonnés par nos universitaires qui se cantonnent à des questions superficielles de jugement de valeur sur nos institutions, sur la base légère d’agitations d’activistes dans un Etat démocratique. Il faut se désoler de nos universitaires qui deviennent de ce fait non pas des scientifiques à équidistance, mais des partisans dans le jeu démocratique pour prendre fait et cause pour l’opposition radicale qui ne participe pas au dialogue politique en cours dans notre pays. Il faut noter à ce propos d’ailleurs, que le dialogue politique est consubstantiel à la démocratie. Mais, ce qui est grave, c’est la volonté chez nos universitaires signataires du manifeste, d’apparaître comme des directeurs de conscience à cause de leur science neutre, alors qu’ils s’éloignent de l’éthique de responsabilité.
Derrière ce que les signataires appellent pompeusement un manifeste en exhibant une supposée crise de l’Etat de droit au Sénégal, se cachent ‘en réalité des cagoulards politiciens qui veulent tromper l’opinion à travers leur corporation d’enseignants universitaires pour apparaître comme des scientifiques neutres et accréditer ainsi une situation imaginaire de crise de l’Etat de droit qu’ils auraient voulu effective. Celte publication d’un manifeste qui relate subrepticement le troisième mandat, en interprétant tendancieusement l’article 27 de la Constitution sur le nombre de mandats exercés à l’échéance de 2024, pour évoquer une supposée crise de l’Etat de droit au Sénégal, intervient dans un contexte d’agitation et d’arrestations d’activistes ayant posé des actes de violences et voies de fait en liaison avec une affaire de mœurs pendante en justice, et montre à suffisance le caractère politicien du manifeste. Il n’y a pas du tout de crise de l’Etat de droit au Sénégal.
Il ne faudrait pas oublier que nous sommes dans un régime politique de type présidentiel, avec une séparation des pouvoirs. La démocratie, c’est aussi le fait majoritaire et la possibilité offerte au pouvoir de gouverner librement, mais aussi à l’opposition de s’opposer librement, système qu’il faudra respecter jusqu’au bout comme étant le contrat social. L’autre preuve qui démontre que nous sommes devant une manipulation de l’opinion, est la référence dans le manifeste à un texte ancien hors contexte relatif à la limitation des partis politiques à quatre courants de pensée, publié en novembre 1979 dans le journal Taxaaw animé à l’époque par le professeur Cheikh Anta Diop, pour qualifier anachroniquement la situation actuelle de la gouvernance démocratique dans notre pays de «crise de l’Etat de droit». On voudrait ainsi transposer un Etat ancien à un Etat nouveau, attestant une forme de pensée propagandiste d’universitaires politiciens, qui se cachent sous le manteau de la science.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rufisque