Recueillis par Woury DIALLO – Après la 2e édition tenue en mars 2019, le Marathon Eiffage de Dakar de cette année, dont le lancement s’est fait jeudi dernier, sera effectif pour sa 3e édition, les 20 et 21 novembre prochain, après un léger décalage dû à la pandémie du Covid-19. Le Pdg d’Eiffage, Gérard Sénac, et son Dg-adjoint, Alioune Badiane, sont dans les starting-blocks. Entretien croisé.La 3e édition du Marathon Eiffage de Dakar aura finalement lieu les 20 et 21 novembre prochain, Covid-19 oblige. Quel est le sentiment qui vous anime ?Gérard Sénac :
Si vous avez bien suivi le lancement d’hier (jeudi), Alioune (Badiane) a bien expliqué le pourquoi de cet engouement des équipes d’Eiffage pour ce marathon. Lorsqu’un gouvernement est représenté, la mairie de Dakar, le Cnoss (Comité national olympique et sportif sénégalais), de nombreux Sénégalais aussi présents au lancement, avec vous les médias, c’est que ça devient un événement important, international qui, je l’espère, à partir de la 3e édition, va devenir pérenne. Il faut souhaiter que tous les deux ans qu’on ne soit plus confrontés au Covid-19 ou autres.
Pour moi, c’est à la fois de la joie, un peu de fierté, un sentiment d’avoir réalisé un rêve parce qu’en 2016, on n’était vraiment pas sûrs de notre coup. Nous sommes entrepreneurs, nous ne sommes pas organisateurs de marathon. On travaille avec de jeunes entreprises, de jeunes médias, des structures existantes au Sénégal pour essayer, ensemble, de faire quelque chose pour le bien des Sénégalais. Une course comme celle-là, c’est avant tout la jeunesse. On va essayer de tendre la main à cette jeunesse qui a besoin de s’exprimer. On est restés bloqués, enfermés. Aujourd’hui, tout le monde a besoin de s’exprimer. J’espère que là aussi, comme lors du deuxième marathon, on sera accompagnés par les différentes régions du Sénégal au niveau du tourisme et que chaque région pourra mettre ses danseurs, son folklore, sa culture qui avaient plu énormément aux personnes venues d’Europe.
Contrairement à 2019 où l’évènement s’est tenu en mars, pour l’année 2021, vous avez été obligés de le décaler en novembre pour cause de Covid-19. Comment avez-vous vécu cette période difficile ?
Alioune Badiane : C’est vrai qu’on devait le faire en mars 2021. Mais comme vous le savez, avec cette pandémie, cela a été incertain pendant très longtemps. Actuellement, on est en train de constater une baisse notoire des cas. Cela veut tout simplement dire que les gens commencent à prendre confiance et que c’est faisable, malgré le fait qu’on y a toujours cru. On a été pugnaces.
A quel moment vous vous êtes dit que ça pouvait bien se tenir cette année ?
Alioune Badiane : On y a cru depuis le début. Même si on n’avait pas des éléments clairs qui pouvaient nous dire qu’on pouvait le faire à cette période-là. Mais on y a toujours cru. Ensuite, on s’est dit qu’il faut vivre avec ce virus. Il fallait, à ce moment-là, réfléchir pour mettre en place des dispositifs qui nous permettront de veiller à la santé des coureurs et de la population. On peut dire que c’était le plan B. Maintenant la pandémie est là, on va le faire, mais en prenant les mesures sanitaires qu’il faut. Mais il y a lieu de préciser que le Marathon est biannuel. Donc, cette troisième édition ne pouvait se faire qu’en 2021.
Avez-vous pris quand même le temps de tirer le bilan des deux premières éditions ?
Alioune Badiane : A chaque fois, on se rend compte de l’amélioration et de l’innovation. Ensuite, autour de l’équipe d’Eiffage, il y a un engouement et une solidarité de nos partenaires qui veut que ce marathon soit toujours une réussite. Dans le domaine des Btp, le challenge qu’on a, c’est toujours d’être le premier. On veut, dans d’autres domaines, être aussi les premiers, comme le marathon. Les retours qu’on a des gens qui ont participé, nous donnent encore le courage. C’est pourquoi le bilan ne peut être que positif pour les éditions passées. Nous pensons aussi qu’à chaque fois qu’un marathon est organisé, on aura toujours des bilans meilleurs.
Gérard Sénac : Il faut dire qu’on a toujours été en confiance, même s’il y a des moments où on en a douté. On s’est parlé à plusieurs fois. On ne pouvait pas imaginer que cela ne se fasse pas. Pas forcément pour nous, mais pour la jeunesse sénégalaise, pour la majorité de la population. On s’est donc dit qu’on le fera et qu’on précisera la date. On a eu des réunions avec le gouvernement, le Gouverneur et les différents services pour nous tenir prêts. En fait, on était sur le qui-vive : dès qu’une occasion se présente, on fonce. Ce qu’on a fait hier (jeudi dernier) avec le lancement. Alors que tous les marathons du monde sont, soit reportés soit supprimés, ce n’est pas le cas pour le Sénégal. Ensemble, nous avons essayé de travailler pour trouver la meilleure date. Aujourd’hui, il faut prier et se dire qu’il nous reste un mois. On espère que les coureurs pourront venir au Sénégal avec les règles mises en place par l’Etat du Sénégal.
Justement à un mois de cette troisième édition, est-ce que tout est fin prêt pour gagner le pari de l’organisation ?
Alioune Badiane : On a des prémices qui nous montrent qu’on est sur la bonne voie. Il ne faudrait pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. On ne peut pas dire qu’on a gagné déjà, mais on est sur une bonne lancée. Les inscriptions ont commencé, les gens commencent à communiquer. Il s’y ajoute que les cas (Covid-19) ont véritablement baissé. On est en train de prendre toutes les dispositions à notre niveau.
Après Haile Gebrselassie pour la première édition, Marie José Talou pour la seconde, Paul Tergat sera la guest-star pour l’édition 2021. Cela représente quoi d’avoir une légende à ce marathon ?
Alioune Badiane : C’est une stimulation. Cela veut dire que tous ceux qui sont intéressés par l’athlétisme, à travers ces figures qui l’ont marqué sur le plan mondial, voient que ce qu’on est en train de faire, ce n’est pas de la farce. Dès qu’on arrive à faire venir des gens de ce calibre, cela veut dire qu’Eiffage a mis les moyens nécessaires pour présenter à la population un marathon de dimension internationale.
Qu’en est-il de la collaboration avec la Fédération sénégalaise d’athlétisme ?
Gérard Sénac : La collaboration est d’abord effective entre les deux Etats, le Sénégal et la France, ainsi qu’avec les deux ministères des Sports. C’est un partenariat qui est en train d’être noué entre les autorités françaises et celles sénégalaises. Comme l’a dit le ministre Matar Ba, il veut profiter du marathon pour relancer l’athlétisme et que le président de la Fédération sénégalaise et son équipe se mettent demain à la recherche de talents. Et si nous, Eiffage, on peut contribuer à la recherche de jeunes talents sénégalais, lors de cette troisième édition, ce sera tout bénéf pour le Sénégal. Et j’espère qu’on va trouver de jeunes talents. Il ne faut pas oublier qu’il y a les Jeux Olympiques de la Jeunesse (Joj) dans cinq ans. Il y aura peut-être des jeunes qui vont se révéler maintenant. Et si quelques jeunes sont ciblés et sélectionnés par la Fédération, on pourrait peut-être les accompagner. Et je vois plus près avec les Jo de 2024 à Paris.
Alioune Badiane : A ce niveau, je crois que les autorités du Cnoss l’ont bien compris, d’autant plus que pour cette troisième édition, ils se sont impliqués considérablement et ils veulent en profiter pour commencer la sélection. Ils sont conscients que ce marathon peut servir de tremplin afin qu’ils puissent préparer l’organisation des Joj en 2026.
Est-ce qu’il serait possible d’avoir un ancien footballeur africain ou mondial ou dans une autre discipline que l’athlétisme ?
Gérard Sénac : Si des stars internationales nous font l’honneur de venir nous voir, on est prêts à les accueillir en leur offrant toutes les conditions. Pour l’instant, n’ayant pas ces compétences, nous avons Paul Tergat qui est quand même une star, un monsieur qui a été plusieurs fois champion du monde. On a vu l’effet Haile Gebrselassie. Quand il est arrivé à l’aéroport, tout le monde est allé lui serrer la main. Quand il est arrivé au niveau des stands, on a vu la réaction des jeunes sénégalais qui le connaissaient. Une belle image.
Alioune Badiane : C’est possible. On a eu des boxeurs comme Souleymane Cissokho, Souleymane Mbaye. A mon avis, ce n’est pas gênant d’avoir effectivement d’autres légendes du monde sportif.
Combien d’athlètes sont attendus pour la 3e édition ?
Alioune Badiane : Nous avons une option claire. On s’est rendu compte, tout le monde le sait, que les gens de l’Afrique de l’Est sont des professionnels. Et si on les met sur la même longueur d’onde que nos frères sénégalais, il y a de fortes chances que les professionnels kenyans ou éthiopiens soient meilleurs en termes de performances. On a donc préféré, pour cette édition-là, limiter le nombre. Une dizaine d’athlètes de haut niveau sont attendus. Par contre, aussi bien sur le plan des récompenses que des dotations, on va favoriser les Sénégalaises et les Sénégalais qui arriveront dans les premiers. Les voitures seront les primes les plus attractives réservées exclusivement aux Sénégalais qui seront devant. Il y a une enveloppe de 3 millions Cfa pour les premiers arrivants, des bourses pour les étudiants, des primes pour les handisports, mais aussi pour les plus âgés, les vétérans.
Qu’est-ce qui fera la particularité de cette 3e édition ?
Alioune Badiane : Il y a eu des événements qui se sont produits et qui ont fait qu’on était obligés, peut-être, de changer de fusil d’épaule. A cause des travaux de l’Etat du Sénégal, le Brt au niveau de la Place de l’Obélisque qui était notre base, il y a deux ans, on ne peut plus en disposer. Mais on n’a pas perdu au change, car on va s’installer au niveau du Musée des Civilisations et du Grand Théâtre. On a des infrastructures sur place et on envisage de les utiliser, les aménager pour que cela soit plus accueillant et conforme à ce qu’on veut faire, le sport et la culture.
Gérard Sénac : On a retenu les acquis des deux précédents marathons. Ce nouveau site va, en effet, nous permettre d’avoir une plus grande superficie. On a changé le mode de distribution des médailles et des tee-shirts pour améliorer les choses. Et à chaque marathon, on va innover. On va essayer d’éviter les petits soucis qu’on a eus. L’équipe aujourd’hui, c’est du changement dans la continuité, en prônant l’amélioration des acquis, les expériences. J’espère que les futures éditions seront encore meilleures.
Organiser un marathon demande énormément de moyens. Est-ce possible d’avoir le budget de cette édition 2021 ?
Gérard Sénac : Cela va être très difficile de donner un chiffre. Aujourd’hui, on est toujours en train de négocier les budgets des uns et des autres. Nous mettons tous les moyens techniques pour que ce soit un marathon réussi avec le budget le plus faible possible. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’on va limiter les choses, comme l’a dit Alioune, au lieu de faire venir 20 ou 30 spécialistes, on en fait venir que 10. Nous cherchons à faire des économies, sachant que la crise Covid-19 est passée par là. Elle nous a tous fatigués, aussi bien la société que les équipes et que nous allons devoir, avec nos partenaires, voir la juste mesure. Donc, aujourd’hui, on en est à un budget qui devrait être inférieur aux dépenses et investissements qui ont été faits lors des deux premières éditions. On n’aime pas annoncer des chiffres qui ne sont pas analysés. L’essentiel c’est de demander à chaque partenaire d’être compétent, d’être bon, mais avec un produit de qualité, en évitant de dépenser de l’argent, à part les investissements nécessaires. Disons que ce n’est pas un problème d’argent. La demande qui a été faite à Yacine (cheffe du projet), c’est qu’elle soit performante, qu’elle trouve les meilleurs partenaires, avec de meilleurs produits, de manière à assurer un marathon de qualité en toute sécurité. Après s’il faut dépenser 100 francs de plus, je pense qu’elle-même n’hésitera pas à les mettre. Et si on peut faire de l’économie pour réinvestir dans une association de la jeunesse ou de handicapés, c’est peut-être là-dessus qu’on va jouer.
Ce marathon, c’est surtout un investissement sur la jeunesse du pays. Un investissement qui va permettre au pays de gagner de l’argent par rapport au tourisme. L’objectif visé est que le Sénégal soit gagnant au final. On va avoir des gens qui vont arriver du monde entier pour découvrir le Sénégal et vouloir voir la ville de Dakar parce qu’en fait, le marathon va passer dans les beaux quartiers de la ville et ceux de la banlieue. Les gens vont tout découvrir. Et là, on pourra, peut-être, à la fin de l’année, se dire que les investissements, les recettes que le tourisme a générées, les hôteliers et tout cela, ont été équilibrés et le pays est content. Je pense que ce sera le bon budget.
Alioune Badiane : Il faut comprendre que c’est notre engagement et notre politique Rse qui nous animent et qui font qu’on organise ce marathon. Les objectifs de ce marathon, c’est d’abord de faire plaisir à la population sénégalaise, à notre personnel, s’approprier ce marathon et se faire plaisir. Ensuite, il y a l’urgence de la compétition. Ce qui fait que si on se mettait à mettre l’accent sur l’argent, on ne va pas y arriver. Alors que le but est de mettre en place et d’organiser un marathon de haute qualité. La troisième chose, c’est la promotion de la destination Sénégal. En dernier ressort, ce marathon est un marathon sénégalais, au-delà du fait que c’est Eiffage qui organise. Il faut que tous les Sénégalais se sentent concernés. Et le soir de cette fête-là, que tout le monde puisse rentrer chez lui, vraiment très joyeux, en parlant des récompenses, des retrouvailles et des rencontres qui ont été faites. Ce sera le bilan très positif qui nous donnera entière satisfaction.
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