Sous l’égide du Front de résistance nationale, des milliers de Sénégalais ont marché de la Place de l’Obélisque au rond-point de la Rts pour exiger la libération de Khalifa Sall et l’inscription de Karim Wade sur les listes électorales. La guerre des pancartes a encore eu lieu entre Karimistes, Khalifistes et, cette fois-ci, Sonkoïstes.

Le pari était risqué : un million de manifestants. Si le Front de résistance nationale (Frn) n’a pas atteint ce chiffre, les leaders de l’opposition affichaient tous leur satisfaction après la manifestation pacifique qui a réuni des milliers de personnes de la Place de la Nation (ex-Obélisque) au rond-point de la Rts en passant par les Allées du Centenaire. Derrière son visage transpirant se cache une énergie débordante à en découdre avec le régime de Macky Sall. Mansour Sy Djamil, bonnet à la tête, défile au premier rang de cette marche avec à ses côtés Mamadou Lamine Diallo, Mamadou Lamine Dianté, Pape Diop, Habib Sy, Thierno Bocoum, Bamba Fall, Oumar Sarr et Déthié Fall. Ces derniers, bousculés de toutes parts par un magma humain, se serrent les coudes, tenant un morceau rouge sur lequel est dressé le procès du régime de Macky Sall.

Guerre des pancartes entre partisans de Karim, de Khalifa, de Sonko…
Dans les rues pavées de la Place de la Nation jusqu’aux Allées du Centenaire, les rayons solaires n’ont rien perdu de leur corrosivité. Au grand bonheur des vendeurs d’eau et de crème glacée. Depuis le rond-point de la Rts, la déferlante humaine est à perte de vue lorsque le regard se pavane vers la rue 25 de la Médina, rebaptisée Vieux Sing Faye. En masse, les mouvements de soutien à Karim Wade assurent le show. Munis de tee-shirts à l’effigie de l’ancien ministre d’Etat, Talla est membre du mouvement «Karim président». Pancarte à la main droite, le jeune homme, venu de Guédiawaye, affiche sa détermination. Malgré une bouche presque dépourvue de dents, ce «Karimiste» assumé ameute ses troupes avec son vuvuzela qui met en veilleuse toutes les autres sonorités dans la foule. «Karim président !», scande-t-on. Le tout agrémenté par le morceau de Pape et Cheikh à la gloire de Me Abdoulaye Wade. Hommes, femmes, jeunes et vieillards rivalisent de détermination. «Macky Sall doit dégager», hurle un sexagénaire qui se signale par sa vivacité malgré une chevelure toute blanche. Les partisans de Karim Wade ne sont pas les seuls à idolâtrer leur candidat.
Chapeau gris à la tête, Ousmane Sonko, habillé d’un tee-shirt blanc, tel un général en revue de troupes, galvanise ses hommes par ses piques envers Macky Sall. L’œil pétillant de bonheur, observant cette foule à sa cause, le leader de Pastef est aussi promis au sacre au soir du 24 février 2019. Presque une centaine, les Patriotes, pour la plupart des jeunes, donnent de la voix sous la houlette de l’inspecteur des Impôts, Birame Soulèye Diop, numéro 2 de leur parti. La marée humaine porte un sacré coup à la circulation. La police, présente dans les coins et recoins qui mènent aux Allées du Centenaire, somme les automobilistes de faire demi-tour. De loin, dans le paysage mosaïque, les pancartes à l’effigie du maire de Dakar se font remarquer. La chanson en chœur est connue de tous : «Libérez Khalifa !». Le bruit ne faiblit pas en tonalité.

TAS : «Ne gâchons pas cette mobilisation avec ces histoires d’individualité !»
Durant cette marche, la mobilisation a été certes au rendez-vous. L’opposition marchait pour sa crédibilité. Sa capacité à réunir des foules était mise à rude épreuve. Pari réussi. Cependant, la bataille des individualités apparaît comme le point noir de cette manifestation. Au départ, libération de Khalifa Sall, inscription de Karim Wade sur les listes électorales et non au parrainage étaient les motivations de la marche pacifique. Sur le terrain, changement de cap et de philosophie. Habib Sy, Ousmane Sonko, Karim Wade surtout et Khalifa Sall ont vu leurs partisans scander leurs candidatures à l’image d’un meeting d’investiture. «On est là pour une marche. Voir ces différentes bannières, ce n’est pas bien. On ne doit pas donner l’occasion aux autres de dire que l’opposition est divisée. On a fait une grande mobilisation. Ne la gâchons pas avec ces histoires d’individualités», déplore Thierno Alassane Sall, leader du mouvement République des valeurs.

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