En marge de l’atelier national de lancement du projet de développement d’un Plan d’action nationale pour réduire l’utilisation du mercure dans le secteur de l’extraction minière artisanale et à petite échelle au Sénégal, tenu à Kédougou, la directrice de l’Environnement et des établissements classés, Mariline Diarra, revient dans cet entretien sur l’objectif du projet, les dangers liés à l’utilisation du mercure et le matériel mis en place pour expérimentation depuis deux ans dans le site de Tomboronkoto. Le projet vise à atteindre progressivement 0g d’utilisation du mercure pour préserver la vie des orpailleurs et des populations.

Qu’est-ce qui a motivé votre déplacement à Kédougou ?
On est venu à Kédougou parce qu’on n’est en train de travailler dans le secteur de l’orpaillage traditionnel pour l’éradication de l’utilisation du mercure dans cette activité. Nous sommes là pour lancer une nouvelle phase dans cette lutte. Nous sommes en train d’élaborer un Plan d’action nationale pour lutter efficacement contre l’utilisation du mercure dans le traitement de l’or alluvionnaire. C’est cela qui justifie notre présence dans la région. Ce programme est appuyé par le fonds mondial pour l’environnement et l’Or­gani­sation des Nations-Unies pour le développement industriel (Onudi) entre autres. On n’a voulu vraiment décentraliser et sortir de Dakar un peu.
L’orpaillage, c’est dans les régions de Tambacounda et de Kédougou, il fallait venir auprès des acteurs, des personnes con­cernées pour les sensibiliser par rapport à tout ce qu’on fait. Et surtout sur le danger de l’utilisation du mercure dans le traitement de l’or. Il faut qu’on travaille davantage ensemble. Pour que le travail soit participatif, inclusif. Et non pas imposer quoi que ce soit. Nous n’imposons rien.
Nous travaillons de concert avec les orpailleurs pour voir le meilleur moyen d’améliorer leurs conditions de travail en mettant un terme à l’utilisation du mercure. C’est un produit nocif et les orpailleurs sont les premiers impactés directement. C’est un produit dangereux qui entraîne des malformations génitales, des problèmes neurologiques, toutes sortes de problèmes de cancer également. Bref ! Le mercure impacte beaucoup la santé des populations. Ça peut même conduire à la mort.

Est-ce qu’il y a une étude préalable qui a été faite pour identifier l’impact du mercure ?
On est en train de faire un inventaire par rapport à la quantité du mercure au niveau du Sénégal. Pour ce faire, on est en train de travailler avec un laboratoire pour identifier le taux de mercure dans l’eau, le sol, etc. C’est un laboratoire de place avec lequel on a signé un contrat pour faire des analyses et déterminer la quantité de mercure dans les différentes surfaces.

Le mercure provient de la sous-région. Est-ce que le projet a pris en compte l’aspect sous-régional dans son action ?
De toute façon, nous sommes ouverts. Si ce sont des Bur­kinabè, ou des Maliens ou encore des Sénégalais, on travaillera avec eux. Maintenant, ce qui est ressorti de l’atelier de lancement est d’une importance capitale. Il y a des orpailleurs qui ont jeté la pierre sur les Burkinabè, les Maliens parfois même sur les Guinéens. Cependant, on ne peut pas dire que c’est toujours les étrangers qui sont à blâmer. Les Sénégalais aussi utilisent du mercure. C’est pourquoi, il faut travailler tous ensemble. Tous les orpailleurs qui travaillent dans les sites d’orpaillage doivent être sensibilisés au même titre. Qu’ils soient étrangers ou pas. Ensuite, il faut dire qu’il y a des Sénégalais qui partent aussi au Mali, au Burkina. C’est un flux dans les deux sens. Il faut travailler en bonne intelligence avec nos voisins. Qui sont pour la plupart du temps nos parents. On ne peut pas faire de la discrimination en ce sens. Il faut travailler tous ensemble parce que le problème nous incombe tous.

Les Forces de sécurité et de défense sont-elles impliquées dans cette lutte contre l’éradication de l’utilisation du mercure ?
On travaille ensemble depuis longtemps. On n’a pas attendu le 57e anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale pour le faire. Même si avec le thème de cette année, cela prend une autre portée. Que le président de la République le dise lui-même haut et fort donne cette impulsion en faveur de l’environnement. Ça donne beaucoup plus de poids bien entendu. Mais, on travaille déjà, la main dans la main avec les Forces de sécurité et de défense.
A titre d’exemple, nous avons un centre d’urgence environnemental à Dakar. On travaille avec la Brigade de l’environnement de cette région lorsqu’on a des opérations à mener. Bien qu’il n’y ait pas cette brigade à Kédougou. Mais on travaille avec les forces sur place. Dès qu’il y a des confiscations de produits toxi­ques, automatiquement ces forces alertent la Division de l’environnement et des établissements classés pour régler les problèmes.

A  chaque fois qu’on a le produit, il y a plusieurs questions qu’on se pose. Qu’est-ce qu’on en fait ? Quand on a le mercure et on ne sait pas le neutraliser ? Entre autres questions qui surgissent. Il faut donc des spécialistes. C’est toute une stratégie qu’il faut mettre en place. On travaille avec la gendarmerie, la police en parfaite collaboration.

A la place du mercure que proposez-vous aux orpailleurs pour exercer leur activité ?
Ça fait deux ans qu’on travaille sur un site-pilote ou on utilise plus de mercure. Mais, il a fallu un équipement spécial qui est relativement cher. Il coûte 50 millions de francs Cfa. Pour permettre aux orpailleurs de s’équiper correctement. Avec cet outil, on utilise quasiment plus de mercure dans ce site qui se trouve à Tomboronkoto. Néanmoins, il y  a d’autres secteurs d’orpailleurs, qui n’utilisent pas de mercure aussi. On va échanger avec ces derniers pour voir les meilleures pratiques.
C’est ce qui est important dans cette dynamique qu’on est en train de mettre en place. On n’a pas d’idées arrêtées. On veut arriver progressivement à zéro (0) gramme(g) d’utilisation de mercure. Mais, on ne peut pas le faire du jour au lendemain. On ne peut pas empêcher les gens de travailler comme ils le faisaient. Ça représente aussi un coût pour eux. On travaille progressivement en collaborant le plus largement possible avec des gens, qui ont un savoir-faire et qui n’utilisent pas de mercure.