En plus de condamner le drame de Ceuta, Horizons Sans Frontières n’a pas du tout apprécié l’indifférence des autorités étatiques africaines qui refusent jusqu’à présent la paternité des victimes. Assimilant ce drame à un génocide de migrants, le président Boubacar Sèye exige une enquête.Par Justin GOMIS
– Le silence assourdissant des chefs d’Etat africains, suite à la mort des migrants dans l’enclave de Ceuta, a suscité la colère et l’indignation des défenseurs des droits de l’Homme. Pour s’en offusquer, Horizons Sans Frontières a organisé hier un point de presse en condamnant cette indifférence des leaders africains devant ce massacre d’un autre âge.
«La gestion des flux migratoires continue à dévoiler des aspects aux conséquences incalculables dans nos sociétés de vulnérabilité chronique. Nous sommes là aujourd’hui pour dénoncer avec vigueur, ce drame de l’émigration clandestine qui continue d’endeuiller le continent. Les images parlent d’elles-mêmes. Elles choquent le monde entier. Elles nous brisent le cœur mais elles nous interpellent tous. Elles renvoient à l’indifférence de nos Etats et des dirigeants africains face à cette jeunesse en quête d’un avenir digne. Nous condamnons avec force, ce drame», a martelé Babacar Sèye.
Pour le président d’Horizon Sans Frontières, ce qui s’est passé à Ceuta est inadmissible. «C’est l’avilissement de l’être humain. La dignité humaine a été piétinée. C’est un massacre de la jeunesse africaine. On peut parler aujourd’hui, sans risque de se tromper, de génocide des migrants africains», a poursuivi Boubacar Sèye.
A l’en croire, ces images ont créé une onde de choc à travers le monde. Et malgré tout, personne n’a réagi en Afrique. «Aucun chef d’Etat ne veut s’approprier ces morts», s’est désole le président d’Horizon Sans Frontières qui n’a pas manqué de déplorer l’attitude du Sénégal qui, malgré le leadership qu’il incarne avec la présidence de l’Union africaine, n’a pas diligenté une conférence de presse dans ce sens. Mais, a choisi d’adopter une position de défense pour dire qu’il n’y a pas de victimes sénégalaises. Alors qu’on sait qu’il y a beaucoup de jeunes sénégalais dans le désert de l’enclave de Ceuta. En tout cas, cette position du Sénégal ne surprend pas le président d’Horizon Sans Frontières. «On s’attendait à autre chose, mais cela ne me surprend pas. Nous avons toujours eu les mêmes problèmes. Si vous vous rappelez du drame de Mouna. Quand j’avais dit qu’il y’avait des victimes sénégalaises. C’était toujours la même posture pour dire qu’il n’y avait pas de victimes», a rappelé Boubacar Sèye, qui pense que même s’il n’y a pas de victimes, le Sénégal ne devrait pas s’en réjouir parce qu’il y aurait des victimes gambiennes, maliennes ou ivoiriennes. «Et ce n’est pas respectueux de dire qu’il n’y a pas de victimes. Il y a des familles dans le désarroi et il faut respecter la souffrance des autres. Il faut arrêter ces idées irrationnelles et leur instrumentalisation politique», conseille-t-il.
Le président d’Horizon Sans Frontières reste tout de même persuadé qu’il y a des victimes sénégalaises, contrairement aux autorités qui prennent les choses avec des pincettes.
«Quand on parle de 23 morts, ce n’est pas vrai», a-t-il martelé en demandant de déterminer le nombre exact des victimes. Selon toujours lui, quand ces jeunes entreprennent leur projet de migration, ils n’ont pas de papiers. «Et comme la migration sénégalaise est d’ordre économique, ils prennent les nationalités des pays en guerre comme le Soudan. C’est pour pouvoir avoir un asile. Mais nombreux sont des Sénégalais», a-t-il confirmé. Avant de demander aux journalistes de les aider à soulever le débat après le mutisme assourdissant des leaders africains. A l’en croire, le Maroc est en train d’enterrer ces morts alors qu’il n’y a pas d’enquête. Suffisant pour lui d’exiger «une enquête sérieuse». C’est dans ce sens que Hsf interpelle le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, qui parle de mafia alors que ces jeunes étaient sans armes.
Le président d’Horizon Sans Frontières n’a pas aussi manqué de dénoncer la fermeture du Frontex. A son avis, les Européens devaient se remettre en question sur la gestion de Frontex. Car, malgré tous les moyens déployés pour le Frontex, il y a aujourd’hui des drames. «Il y a un problème», croit savoir Boubacar Sèye qui suggère aux Européens de s’adonner aux nouvelles données des migrations. «Il faut des réformes sur le droit d’asile», a-t-il indiqué.
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