Les relations entre les travailleurs de l’usine Twyford et leur direction sont devenues exécrables. Suite à l’arrêt des contrats de 18 de leurs délégués qui sont élus pour 3 ans, ces travailleurs qui sont en mouvement de grève depuis deux jours  sont passés à la vitesse supérieure. Pour manifester leur courroux, ils ont brûlé des pneus et bloqué la route nationale n° 1 pendant quelques heures pour exiger de leur patron le respect du Code du travail.

Par Alioune Badara CISS(Correspondant) – Le travail est à l’arrêt  depuis deux jours à l’usine Twyford de Sindia. Après le renvoi des 18 délégués du Syndicat unitaire des travailleurs des industries minières et activités (Sutimac) par la direction, ces employés qui faisaient face à la presse hier devant l’usine ont brûlé des pneus et bloqué la route nationale pour manifester leur colère. D’après Abou Sène, porte-parole des travailleurs, leur  seul tort est le fait d’alerter sur la situation humiliante et dramatique qu’ils disent vivre. «Les Chinois ont décidé d’arrêter les contrats des délégués. Au total, nous sommes 18 délégués. Ils ont renvoyé les 16 et ils attendent que les contrats des deux derniers expi­rent pour les renvoyer. C‘est une question de jours et pourtant nous sommes élus pour un mandat de trois ans», informe M. Sène. «En plus de cela,  ils sont en train de faire des pieds et des mains pour renvoyer plus de 1 000 travailleurs de cette usine. Mais avant-hier, ces Chinois nous ont conviés dans un hôtel de place pour nous inviter à un dîner. Ils sont venus avec leur sac rempli d’argent. Ils voulaient mettre de l’argent dans nos comptes pour que nous délégués tournions le dos à nos camarades. Ensuite, ils nous ont dit qu’ils vont prendre les attaches d’une société qui va désormais recruter, comme ça ils vont se débarrasser des autres em­ployés. Nous avons refusé. C‘est ce qui nous a voulu nos déboires», regrette le porte-parole Abou Sène.
Très remontés contre le gouvernement, ces employés ne comprennent pas le mutisme des autorités face à leur triste sort, surtout au moment où l’employabilité des jeunes est très fréquente dans leurs discours. Selon ces travailleurs, ils refusent de céder à cette pression. «Ces Chinois nous ont clairement dit que mieux vaut prendre cet argent. Ils nous ont dit que nous sommes en Afrique et que ce problème ne connaîtra aucune issue. Je pense que ceux qui clament qu’ils cherchent des emplois pour les jeunes doivent régler ce problème d’abord, car aujourd’hui plus de 1 000 jeunes qui refusent d’être des esclaves ont perdu leur travail», soutient le porte-parole des travailleurs. «Une chose est sûre, ce n’est plus un combat des travailleurs, mais de la jeunesse sénégalaise qui ne se laissera pas exploiter. Nous sommes en grève jusqu’à renouvellement des contrats  de nos vaillants délégués qui ont opté pour la défense et le respect de la législation sénégalaise et des jeunes», a-t-il fustigé.
Le secrétaire général du Sutimac, quant à lui, n’a pas fait dans la langue de bois. Alioune Ndiaye accuse en effet l’entreprise Twyford ceramics de traîner ses employés dans la précarité et la psychose depuis la création de cette usine en 2017. A en croire M. Ndiaye, cette multinationale à qui l’Etat du Sénégal  a tout facilité, pour lui permettre de promouvoir l’emploi des jeunes, continue d’en profiter au détriment des travailleurs. «En effet, depuis presque deux années, la direction des Ressources humaines de Twyford ceramics, sous la conduite des employeurs chinois, continue de traiter les travailleurs dans des conditions dignes de l’esclavage et de les gérer en dehors de toute la législation en vigueur au Sénégal, malgré les avertissements incessants de l’Inspection régionale du travail. L’entreprise Twyford ceramics ne respecte pas la durée légale de travail de 40 heures par semaine et la pause quotidienne – car chaque employé travaille pendant 12 heures par jour, sans arrêt et sans pause ; les normes relatives aux conditions sanitaires, sécuritaires et de protection des travailleurs, ces conditions de travail sont d’une extrême pénibilité : travail en position debout durant 12 heures ; le versement des cotisations sociales à l’Ipres et à la Css. Elle ne fournit pas des équipements de protection individuelle adéquats et appropriés dans certains départements de l’usine où les travailleurs qui y interviennent sont exposés à des risques de graves accidents. Elle ne paye pas de primes de salissure, de risque et de transport», a énuméré M. Ndiaye.
Ces travailleurs ont déploré la précarité de l’emploi dans cette entreprise : «Elle ne favorise pas la promotion de l’emploi des jeunes. En effet, elle se sert de manière abusive de la dérogation de la convention de l’Apix qui lui permet de renouveler des Cdd durant 5 ans, en mettant fin aux contrats après seulement six mois et le remplacement par de nouveaux : Twyford est une entreprise génératrice de chômeurs et non créatrice d’emplois. Il s’y ajoute qu’à Twyford, l’environnement de travail est caractérisé par une insécurité totale du fait qu’un ‘’chef chinois’’ peut frapper, battre et agresser un ‘’employés noir’’ sans être sanctionné», a clamé M. Ndiaye.

Le chef de l’Etat interpellé
Ces derniers interpellent le président de la République. «Le chef de l’Etat dit qu’il fait la promotion de l’emploi des jeunes. Nous pensons qu’il doit d’abord pérenniser nos emplois. Il ne dira jamais qu’il n’est pas au courant de la situation de Twyford. C’est lui qui a inauguré cette usine. Comment peuvent-ils laisser ces Chinois traiter la jeunesse de cette façon ? A qui profite Twyford ?», s’interroge le secrétaire général du Sutimac.
Ces employés comptent dérouler un plan d’action pour exiger de l’entreprise Twyford ceramics le respect la législation du travail en vigueur au Sénégal et de traiter les travailleurs dans la dignité.
Pour manifester leur colère, ils ont brûlé des pneus devant l’usine et jeté des pierres. Heureusement que la gendarmerie était sur place pour surveiller l’usine. Après cette étape, ils ont bloqué la circulation sur la route nationale.
Face à de telles accusations, le directeur des Ressources humaines n’a pas voulu répondre à nos interpellations.
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